Le rendez-vous annuel s’ouvre cette année sur fond de violences, avec les attentats de Paris, la guerre contre l’organisation Etat islamique, les crimes de Boko Haram, la guerre en Ukraine. Sans oublier d’autres sujets de préoccupation comme le ralentissement de la croissance économique, la hausse des inégalités et l’épidémie Ebola
Beaucoup d’observateurs s’accordent à le dire : ce sera une édition bien particulière. Ils relèvent que si celle de 2014 s’était déroulée dans une certaine indifférence, la 45è édition du Forum économique mondial intervient cette année sur fond de violences, avec les attentats de Paris, les coups de filet des forces antiterroristes en Europe, la guerre contre l’organisation Etat islamique en Irak et en Syrie, les crimes de Boko Haram au Nigeria, la guerre dans l’est de l’Ukraine. Mais d’autres sujets aussi importants que le ralentissement de la croissance mondiale, la hausse des inégalités, la lutte contre Ebola, devraient se retrouver sur la table.
L’édition 2015 s’est donc ouverte hier comme l’année dernière à la même période dans la petite station huppée de ski des Grisons suisses à 2h30 de Zurich. Elle enregistre une participation record de 2500 décideurs politiques, économiques ou d’autres horizons en provenance de 140 pays, dont 40 chefs d’Etat et de gouvernement et 1500 représentants du monde de l’entreprise. Tout ce beau monde a pris ses quartiers dans les hôtels et chalets construits dans la vallée ou aux flancs des montagnes enneigées qui dominent le site.
Au plan de la sécurité, des dispositions impressionnantes sont en place. L’armée a déployé 4500 hommes et femmes, tandis que le nombre de policiers mobilisés est tenu secret.
Le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta fait partie de la dizaine de chefs d’Etat africains participants. Il est arrivé à Davos mercredi dans la soirée, accompagné d’une délégation comprenant le ministre de l’Economie et des Finances, Mamadou Igor Diarra, le ministre de la Promotion des Investissements et du Secteur privé, Mamadou Gaoussou Diarra, le conseiller spécial à la présidence de la République chargé de la lutte contre Ebola, le Pr Samba Sow, l’ancien ministre Moustapha Ben Barka, aujourd’hui conseiller spécial à la présidence chargé du dossier de Davos.
Comme lors des éditions précédentes, le rendez-vous actuel va se pencher sur les grandes tendances d’un monde qui change sous la houlette de l’inamovible maître de cérémonie Klaus Schab. En effet, cet ancien professeur de management d’économie, aujourd’hui presque âgé de 77 ans, assure ce rôle au World Economic Forum depuis la première édition en 1971.
Le thème générique de cette année ne déroge pas à la règle du « Globish » en usage chez les organisateurs de Davos, « The New Global Context », traduire « le nouvel environnement mondial », tout un programme pour quatre jours de conférences qui iront de l’économie à la géopolitique en passant par les nouvelles technologies et la lutte contre la pauvreté.
En effet, à Davos, le forum des très riches s’ouvre dans un contexte de hausse des égalités relevées par l’économiste français Thomas Piketty. Il se tient alors que la question de la répartition des richesses est plus que jamais au cœur de l’actualité, en témoigne le succès mondial du « Capital au XXIème siècle », le dernier ouvrage de Piketty. L’organisation du Forum ne s’y est d’ailleurs pas trompée en relevant que « le fossé persistant entre les revenus des citoyens les plus riches et ceux des plus pauvres est considéré comme le risque susceptible de provoquer les dégâts les plus graves dans le monde au cours de la prochaine décennie ».
Dans son livre, l’économiste français démontre que la croissance ne s’accompagne pas spontanément d’une meilleure répartition des richesses, et prône un impôt mondial sur la fortune pour corriger les inégalités. « Le Capital au XXIème siècle » s’est vendu à 1,5 million d’exemplaires, faisant forte impression aux Etats-Unis.
Plusieurs études de ces derniers mois ont d’ailleurs passionné l’opinion, allant dans le même sens que l’économiste français. A l’image de celle publiée par l’ONG Oxfam à l’avant-veille de l’ouverture de Davos. Selon les chiffres de cette ONG (contestés par certains économistes), le patrimoine cumulé des 1% les plus riches du monde dépassera en 2016 celui des 99% restants.
Sans être aussi catastrophistes, les dernières prévisions de l’OIT (Organisation mondiale du travail) ne sont pas non plus de nature à entraîner l’optimisme. Selon cette agence onusienne, les inégalités de revenus vont ainsi continuer de s’amplifier avec les 10% des plus riches qui auront 30 à 40% des revenus totaux tandis que les 10% les plus pauvres devront se contenter de n’en recevoir que 2 à 7%.
La lutte contre les inégalités et la pauvreté doit d’autant plus faire l’objet d’une grande attention que ces deux phénomènes sont reconnus comme faisant partie des facteurs favorisant la montée des frustrations et extrémismes.
Envoyé spécial
S. TOGOLA
Encadré
LES ENJEUX DE LA PARTICIPATION MALIENNE
Si l’édition 2015 du Forum économique mondial de Davos est jugée au plan général comme une édition particulière en raison des tensions mondiales et du nombre record de participants, elle revêt pour notre pays une signification singulière. Et pour cause : la participation du président Ibrahim Boubacar Keïta est la première d’un chef d’Etat malien.
Quels sont les enjeux et l’intérêt de cette participation ? Moustapha Ben Barka, conseiller spécial à la présidence de la République est formel : il s’agit d’une participation très utile pour le Mali.
Pour lui, deux gros enjeux ont décidé le Mali à venir à Davos. Il souligne d’abord que le forum est une tribune unique qui regroupe les plus grands décideurs politiques et économiques du monde. C’est donc une opportunité unique pour porter les projets qui tiennent à cœur au gouvernement. « Tous les grands décideurs sont là. Nous sortons d’une crise, nous avons de gros projets. C’est l’occasion d’échanger avec les politiques sur les questions de politique et avec les chefs d’entreprises sur les projets d’investissement, dans un cadre convivial. C’est un forum auquel peu de gens ont accès, l’opportunité est unique », insiste l’ancien ministre.
Selon lui, le deuxième enjeu se rapporte à la maladie à virus Ebola. « Le Mali a pu sortir de cette maladie. C’est un moyen de venir partager notre expérience et plaider pour plus de solidarité mondiale dans la lutte contre cette épidémie et d’inviter à tirer les leçons d’Ebola pour l’avenir », estime Moustapha Ben Barka.
S. T.
source : Essor