L’attaque terroriste, le mardi 13 octobre, du poste des forces armées et de sécurité de Sokoura (cercle de Bankass) a fait au moins 23 victimes civiles et militaires. Comble, le contingent militaire dépêché pour aller rendre aux assaillants la monnaie de leur pièce est tombé dans une mortelle embuscade. De quoi relancer vivement les questionnements sur l’équipement de nos forces armées et de sécurité au détriment desquelles de colossales sommes d’argent ont été détournées depuis 2013.
Piège sans fin ? Un hydre insaisissable qui va continuer à semer la mort au centre et au nord du Mali sans jamais être vaincu? Les attaques régulièrement menées contre la Grande Muette malienne sont désormais en situation de banalité; la facilité avec laquelle elles sont perpétrées désoriente plus d’un. L’énervement populaire qui s’ensuit indexe comme causes des pratiques prédatrices des délinquants à col blanc qui font régulièrement saigner l’institution militaire depuis bientôt dix ans. Le Président de la Transition, Bah N’Daw, a, dans son discours après sa prestation de serment le 25 septembre, pointé du doigt le mal et a promis que, désormais, chaque centime destiné à l’armée nationale sera dorénavant utilisé à bon escient, surtout qu’il faut contre l’ennemi une lutte implacable et sans répit. Le Président de la Transition a donné sa parole et la bonne image que le peuple a de lui incite à nourrir l’espoir et la confiance que l’armée nationale ne sera plus un gigantesque gouffre dans lequel des larrons en foire continuera sans vergogne à puiser des milliards au détriment de la défense et de la sécurité nationale.
Il s’est bien agi de cela et de rien d’autre durant les sept longues et calamiteuses années qu’a duré le règne d’Ibrahim Boubacar Keïta et cohorte. L’armée nationale était devenue pour eux une rente viagère dont ils ont abusé avec une criminalité difficilement notable ailleurs. L’idée d’une Loi de Programmation et d’Orientation militaire est ainsi née des cerveaux mafieux qui ont installé leur cartel au coeur des forces armées. Le fils du président de la République, Karim Keïta, propulsé à la tête de la Commission-défense de l’Assemblée nationale a pleinement joué le cheval de Troie pour détourner en rond. Des 1230 milliards de francs CFA en cinq ans de la fameuse Loi de Programmation et d’Orientation militaire, rien n’aura servi aux soldats et à leur institution; elle aura même pourtant connu un dépassement de 100 milliards de francs CFA, se chiffrant à 1330 milliards de francs CFA.
Sans aucun doute, les FAMas sont constituées d’hommes et de femmes intègres, résolus de se battre pour leur pays. Combien sont-ils tombés au champ d’honneur sans avoir l’honneur de voir leurs dépouilles rapatriées pour que de funérailles dignes leur soient accordées ? Ce ne sont pas nos hommes en treillis qui sont fondamentalement en cause, loin s’en faut.
Lorsque des politiques appelés à gérer l’institution militaire se permettent, avec indignité, d’en faire une vache laitière à leurs seuls profits sordides, il y a problème. L’armée nationale souffre des dérives qui ne peuvent plus être cachées. La presse, dans son rôle de veille, s’est plusieurs fois fait l’écho de nombre de manquements qui sapent non seulement le moral des troupes, mais en plus font perdre à l’institution militaire toute son efficacité.
Une armée nationale qui, il faut le répéter de surcroît, s’est vue spoliée de 1230 (1330) milliards de la Loi d’Orientation et de Programmation Militaire (2015- 2019), avec d’ailleurs un dépassement de 100 milliards pour un résultat digne des plus grands mafiosis : achats de blindés en carton, d’avions de combat Tucano sans viseurs sortis des épaves d’Amérique latine, etc. À la même époque, l’eau potable, denrée indispensable, demeure une douloureuse problématique pour les militaires et leurs familles. Par exemple, à Kati, la plus grande garnison militaire du pays pour ne pas citer les autres, les braves épouses de militaires doivent se réveiller à 03 heures du matin pour sacrifier à la corvée d’eau.
Il n’est donc pas superflu de rappeler l’affaire des 17 milliards de Fcfa empruntés auprès d’une banque de la place au nom de l’armée pour des opérations fallacieuses, le scandale des hélicoptères Puma, etc. Pour la morale, il y a à agir au plus vite. Toute volonté d’obstruction ou de faire semblant d’oublier les scabreuses affaires équivaudra à une complicité à des complots ourdis contre le Mali.
Aujourd’hui, le procureur en charge du Pôle économique et financier, habilité à traquer les délinquants économiques et financiers, a fait diffuser un appel à témoin pour ce qui concerne l’affaire de l’affaire des avions militaires cloués au sol et d’autres équipements militaires. Ce n’est pas le premier appel du genre de sa part et il faut donc prier que le plus récent ne connaisse le sort du précédent enfermé dans les tiroirs pour des raisons fort compréhensibles. Le Président Bah N’Daw a promis de transmettre à la justice tous les dossiers. Il revient donc, désormais, aux magistrats de s’emparer de tout leur pouvoir afin d’agir en professionnels consciencieux.
Amadou N’Fa Diallo
Source: L’Aube