En 2013, la France est devenue le deuxième pays exportateur de footballeurs dans les championnats d’Europe. C’est l’une des conclusions du rapport annuel que publie, mardi 21 janvier, l’observatoire des footballeurs professionnels (PFPO) du Centre d’étude du sport (CIES) de Neuchâtel (Suisse). Selon cette étude démographique, photographie au 1er octobre 2013 des 31 championnats de première division du continent, 306 ressortissants français délaissaient leur pays, préférant évoluer à l’étranger.
En 2009, dans la première édition de son rapport, le PFPO en recensait 247, soit une augmentation de 24 % en trois ans. Ainsi, en 2013, la France dépassait la Serbie (211 exilés) et l’Argentine (195) mais restait derrière le Brésil (471) qui, malgré une baisse sensible du nombre de ses ambassadeurs depuis 2009 (- 67), continue d’occuperla première place de ce classement.
« Cette envolée pourrait se prolonger dans les années à venir même si elle connaîtra un jour une stagnation, explique Raffaele Poli, directeur de l’observatoire du CIES. Les joueurs français restent une valeur sure. Certains d’ailleurs vont vers des championnats à l’Est, ouverts à la main-d’œuvre, comme la Roumanie ou la Grèce. Aujourd’hui, on estime qu’on prend des risques supérieurs lorsqu’on recrute en Amérique latine et en Afrique. Il y a de plus en plus d’expatriés issus d’Europe occidentale et notamment de France qui dispose de centres de formation très bien structurés. »
« Ce n’est pas un phénomène ponctuel, note François Blaquart, directeur technique national (DTN) à la Fédération française de football(FFF). Cela fait 8-10 ans qu’on observe cette tendance. Cela reflète la bonne santé de la formation à la française. On reconnaît notre savoir-faire en la matière. On le voit à travers les résultats de nos équipes de jeunes. Il y a des raisons économiques à ces départs. Certains joueurs rejoignent l’Espagne ou la Premier League anglaise pour des raisons financières ou salariales. D’autres partent car ils n’ont pas leur place enLigue 1 ou en Ligue 2. »
MIGRATION « ASCENDANTE » OU « DESCENDANTE » ?
Ce constat est partagé par Raffaele Poli, qui fait la distinction entre la «migration descendante» et l’« ascendante. » Pour résumer, d’une part, les joueurs médiocres en quête d’un meilleur emploi, de l’autre, les bons en quête d’un meilleur plan de carrière. « C’est en Belgique que se concentre le plus grand nombre d’expatriés français, soit 52, pointe le directeur de l’observatoire. On y trouve les joueurs qui n’ont pas réussi à s’installer durablement en Ligue 1 et qui cherchent à serelancer chez le voisin. » Pour des raisons diamétralement opposées, 49 exilés tricolores ont choisi d’officier en Premier League anglaise. Ce qui en fait la deuxième terre d’asile la plus prisée par les expatriés français.
L’exode massif des joueurs tricolores peut être analysé de « deux façons », selon Raffaele Poli.
« Ce n’est pas tout noir ou tout blanc. On ne peutavoir une vision manichéenne. Cela peut être quelque chose de réjouissant dans un contexte où les clubs français n’ont pas les moyens de retenir leurs meilleurs joueurs. C’est un bon indice de santé pour la formation française. Les clubs étrangers cherchent des joueurs français. Après, on peut avoir un point de vue inverse et se dire qu’il y aurait plus de spectacle si les joueurs avaient le temps de mûrir ici. Je prends comme exemple le 5-0 infligé à Nantes par le PSG.C’est par ailleurs un bon signe pour les Bleus qui, comme lors de leur victoire lors du Mondial 98, comptent beaucoup de joueurs évoluant à l’étranger.»
« En 1998-2000, on pensait que ces départs à l’étranger bonifieraient l’équipe de France. Est-ce qu’ils facilitent aujourd’hui le travail du sélectionneur qui cherche à créer une osmose ? Je me pose la question », s’interroge François Blaquart.
Frédéric Bulot a commencé sa carrière professionelle avec deux descentes en Ligue 2, le Stade Malherbe de Caen, et l’AS Monacol’année d’avant. En 2012, il signe au Standard de Liège pour jouer letitre.
LES DÉFENSEURS FRANÇAIS RECHERCHÉS
Parmi les nombreuses statistiques du rapport, celle qui concerne la répartition des expatriés français par poste. Plus d’un tiers (37,6 %) des exilés officiaient comme défenseurs. Soit une surreprésentation dans ce compartiment du jeu à l’aune du ratio (30,6 %) obtenu pour les expatriés pris dans leur globalité. « On voit que ce n’est pas un désavantage pour les Français d’être défenseurs puisqu’ils représentent 4/10 des joueurs à ce poste, glisse Raffaele Poli. Parmi les grands championnats européens, la Ligue est celui où l’on marque le moins. Il y a une expertise au niveau défensif, c’est gage de sérieux.» En revanche, les candidats tricolores au poste de gardien de but restaient peu nombreux (4,9 %) sur les pelouses européennes.
Si 20 % des joueurs qui avaient rejoint la Ligue 1 au 1er octobre 2013 émanaient des centres de formation des clubs de l’Hexagone, le championnat de France comptait 27 % de recrues étrangères. Alors que les ressortissants africains demeuraient majoritaires (33 %) parmi les joueurs expatriés (31 %) en France, le Brésil restait le pays qui fournissait le plus de joueurs (21) à la Ligue 1.
« Les équipes du championnat de France n’ont plus vocation à attirerles meilleurs joueurs, à part le PSG et Monaco qui ont les moyens derecruter des cracks. Les clubs misent davantage sur une politique de formation. Il y a 54 % d’expatriés en Italie. Ce qui ne veut rien dire de la qualité du championnat. Actuellement, la Série A n’est pas meilleure que la Ligue 1 », observe Raffaele Poli.
Dernier élément notable du rapport, l’Espagne a connu une vague croissante de départs depuis cinq ans. « Les effets de la crise du football ibérique se font sentir », précise le directeur de l’observatoire. En 2013, 178 joueurs espagnols évoluaient à l’étranger. Ils n’étaient que 57 en 2009.