Infatigables ces experts du Fonds Monétaire International (FMI) qui viennent chaque année, en costume-cravate annoncer aux autorités maliennes une dynamique économique et une croissance… introuvables !
Mieux encore, le chef de la mission du FMI pour le Mali a déclaré à la fin de sa mission du 19 au 29 novembre 2019 qu’il « estimait à près de 5% la croissance au Mali eu égard au développement important des activités minières et le dynamisme de l’économie en général. »
Il est temps que les experts du FMI cessent d’infantiliser nos pays en développement, à travers leurs déclarations tonitruantes sur « leur bonne croissance » et leurs « bonnes performances économiques » légitimant ainsi souvent la gouvernance économique de nos régimes.
Le FMI a encore frappé au Mali
La dernière déclaration de la mission du Fonds Monétaire International au Mali, qui n’est en fait qu’une «perle» du chapelet interminable de déclarations que les missions du FMI font chaque année, est non seulement fausse, mais d’un cynisme qui laisse tout observateur, de la dégradante situation économique et sociale du pays, pantois.
Lorsque dans notre pays , les mendiants peuplent les rues, lorsque l’infrastructure tant industrielle, économique et sociale est inexistante, lorsque les quatre-cinquièmes de la population vivent dans la misère et le dénuement complets, lorsque le chômage est le lot de toute une jeunesse, lorsqu’une capitale croule sous les ordures ainsi que l’indigence de ses responsables et le poids de ses quartiers malfamés, lorsque le pays profond vit sous le seuil de la pauvreté sans les moindres infrastructures de base ni eau potable, lorsque l’enseignement est un faire-valoir de la misère de l’élève, de l’étudiant et de l’enseignant, lorsque la corruption gangrène le pays au vu et au su de tout le monde, lorsque les détournements de biens public sont le commun de la gestion publique, lorsque le taux de mortalité (enfant et adultes) est l’un des plus élevés du monde, lorsque le pays tout entier est frappé par une crise multidimensionnelle….comment les experts du FMI peuvent-ils alors déclarer que le Mali a réalisé une « bonne croissance » et des « bonnes performances économiques »?
À tire d’exemple historique, une croissance qui déjà, selon eux se situait, pour 2011 à plus de 5,5%, portée par la reprise vigoureuse de la production agricole et le dynamisme attendu du secteur des bâtiments et travaux publics tandis que « l’inflation continuera à être contenue aux environs de 6% » ! D’autre part « La mission a félicité les autorités pour avoir réalisé avec succès les critères de réalisation et les repères structurels du programme à fin 2010 ». (Déclaration de la mission du FMI. Quatrième revue du programme du Mali appuyé par la Facilité élargie de crédit (FEC), Bamako. 2011).
Et depuis 2011, en croissance soutenue…le pays décroît !
Pourquoi ?
Parce que la « croissance » que les experts du FMI déclarent n’est pas la croissance réelle de notre pays.
Nos populations crient misère et les experts affirment les performances économiques ! Il est temps qu’ils tiennent un vrai langage, pas celui tenu dans les salons feutrés de nos ministères et imbu d’une vision macro-économique qui ne se justifie pas tant elle est déconnectée des réalités économiques.
Croissance, quelle croissance ?
La croissance économique ne résulte pas des critères retenus par ces experts, celle qu’ils clament à nos gouvernements est en fait une croissance du revenu national. Et l’on ne peut déclarer une véritable croissance que lorsque le revenu national est géré avec efficience et efficacité, aboutissant à un investissement économique et social profitant à la nation et visant le développement. Conduisant à une distribution équitable des richesses et générant la production et la productivité de tissus industriels et commerciaux qu’il aura participé à développer.
La vraie croissance est celle qui résulte de la plus-value générée par l’économie nationale toute entière, à travers son industrie, son commerce, sa recherche-développement, son innovation technique et technologique, de l’exportation de son savoir et de son savoir-faire.
On ne peut parler de croissance quand il s’agit de comptabiliser le revenu de ressources naturelles (minières et agricoles) et de le clamer haut et fort pour conforter nos gouvernants et la conscience des experts (soumettre à l’examen du Conseil d’administration du FMI la conclusion de la énième revue des accords passés avec le Mali), alors qu’il ne s’agit que de revenus de ressources non renouvelables.
En fait, les chiffres avancés par les experts du FMI sont trompeurs et portent sur la croissance au sens de “l’expansion du revenu national“, c’est-à-dire ce “fourre-tout” dans lequel on fait figurer le revenu de la Nation quelle que soit sa provenance!
La croissance… sans développement !
La « croissance » brandie par ces experts est ainsi celle du “revenu national” pas celle de la somme des valeurs ajoutées des unités économiques du pays et qui s’exprimeraient par des variations du Produit Intérieur Brut (PIB) réel (corrigé de l’inflation) ou nominal (exprimant la valeur marchande des biens et des services produits par un pays.).
La croissance dont il s’agit est bien celle du Revenu National et non pas de l’économie nationale!
En effet, la croissance économique, telle qu’elle est calculée, ne mesure que la variation quantitative d’un agrégat économique, elle n’est donc pas synonyme de développement. Le développement est généralement associé à la croissance, mais il peut y avoir croissance sans développement. C’est le cas du Mali où les taux de croissance affichés ne sont que ceux du revenu national (rente nationale).
Ainsi, si la vraie croissance économique traduit la variation quantitative, durable, auto-entretenue et non réversible de la production de biens et services, la fausse croissance au Mali traduit la variation quantitative non durable, auto-entretenue et réversible d’un revenu national (d’une rente aurifère et autre) au profit d’une minorité qui a depuis longtemps (et depuis toujours) planifié son détournement au détriment du développement.
La vraie croissance repose sur la fonction de production et non pas d’accumulation de revenu national (issu de la rente).
Cette fonction de production repose sur l’utilisation des facteurs de production, travail et capital.
La croissance dépend donc des quantités de facteurs de production disponibles et de la manière dont ils sont utilisés.
De la pauvre…histoire, éternel recommencement
Membre du FMI depuis septembre 1963, la coopération financière avec notre pays est ancienne et est même antérieure au programme d’ajustement structurel de 1985.
En 1979, la Mali avait déjà bénéficié de l’assistance du FMI à l’occasion de son programme de redressement économique. Le plan de redressement économique et financier (PREF), le Plan de consolidation et de relance (PCR) asseyaient déjà la philosophie des Plans d’investissements publics (PIP) et la grande saga des cadres de lutte contre la pauvreté (CSLP), des Cadres des dépenses budgétaires à moyen termes (CDMT) et autres Budget consolidés d’investissement (BCI).
L’ajustement structurel démarra effectivement en 1985, avec son défilé de missions du FMI et ses financements. Le FMI, devînt une manne pour les autorités maliennes qui, au-delà d’un semblant d’ajustement structurel copier coller sur bamada .net (dont on mesure aujourd’hui, les résultats !), affina la stratégie d’autorités publiques corrompues et budgétivores à se spécialiser dans l’utilisation des mécanismes de l’endettement pour « pomper » les moyens du FMI.
Ainsi, pour mieux bénéficier des avantages d’un tel système le Mali déclara son éligibilité à tous les mécanismes de la pauvreté internationale. Ses dirigeants la déclarèrent parmi les PMA (les pays les moins avancés), puis pour encore mieux bénéficier d’un régime plus favorable, ils déclarèrent le Mali PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).
Une mendicité internationale qui, contrairement à la mendicité locale, avait son financier international : le FMI.
Mais qu’a tiré le Mali de cette assistance du FMI ? Toujours aussi pauvre!
Avec le FMI, le Mali a expérimenté, en tant que PVD, PMA et PPTE, tous les circuits de l’assistance financière. Et ses gouvernants s’y complaisent.
Du « point de décision », à celui de l’achèvement en passant par celui de la transition, les autorités maliennes ont engrangé des millions de dollars au titre de leur engagement avec le FMI.
Le déficit budgétaire s’est-il résorbé ? Nos entreprises sont-elles devenues plus compétitives ? Notre tissu industriel est-il devenu une référence ? Nos infrastructures ferroviaires et routières sont-elles un exemple du genre? ….
Et pourtant à chaque mission du FMI, on annonce une croissance économique (rarement en deçà de 4%), un progrès dans le rétablissement des équilibres macroéconomiques, alors que notre balance des paiements est plus que jamais déficitaire et que l’endettement s’accroît. Le chômage est plus qu’inquiétant et le pouvoir d’achat des citoyens rivalise avec le niveau de la mer.
Plus de 50 ans d’assistance du FMI et nous sommes encore pauvres parmi les pauvres !
56 ans d’accords avec le FMI et nous sommes encore pauvres parmi les pauvres et pourtant les missions du FMI n’hésitent pas à nous affirmer «que les indicateurs de performances sont satisfaisants ». La seule chose que nous ne savons pas encore c’est à qui profite la performance et la croissance ?
Depuis 56 ans (1963-2019) que le Mali tire des Droits de tirage spéciaux, ces unités de compte du FMI, elle n’arrive plus à lâcher cette mamelle. Et le FMI n’arrivant pas à la sevrer est pris au piège d’un pays dont les problèmes résident moins dans le besoin d’assistance que dans l’intégrité morale des hommes qui le dirigent.
Ni le développement d’un pays, ni sa croissance ne peuvent être liés à des déclarations d’experts soumis aux canons d’une institution bridée par sa mission, celle de réduire le devenir des États et le sort de leurs populations à des équilibres macroéconomiques.
Mais le plus grave, c’est que les déclarations des experts du FMI, à travers leur appréciation de la croissance de nos pays ont une portée qui n’est pas simplement financière (en vue souvent de justifier, ou non, le financement du pays considéré), elles ont un impact important sur l’appréciation de la gouvernance économique et sociale de nos régimes politiques.
Souvent, ces déclarations, en contradiction avec la réalité socio-économique de nos peuples, induisent en erreur les masses, confortent la mauvaise gouvernance et les régimes dans leur gestion désastreuse de nos pays.
Il serait bien plus préférable que le FMI réduise la portée de ses déclarations au cercle gouvernemental intéressé par ses missions et adopte une politique de confidentialité évitant de les porter dans le public, car il participe à maintenir des peuples entiers dans la misère, la désinformation sur l’état réel de leur pays et conforte les régimes dans leur mauvaise action.
Le FMI doit structurellement s’ajuster pour adopter soit une définition de la croissance réelle, soit maintenir la sienne en faisant comprendre qu’elle n’est point expressive d’un quelconque développement économique. Mais il est à craindre que dans le premier cas comme dans le second, il ne témoigne de l’introuvable croissance, de la pauvreté structurelle des nations qu’il « ajuste » et donc de l’inefficacité de son action.
Dans tous les cas, il devient urgent que le FMI ne soit plus une institution qui justifie, à travers ses déclarations, les dérives socio-économiques de nos gouvernants.
En bloc, le FMI est une arme de destruction massive.
Jean Pierre James
Source: Nouveau Réveil