La semaine écoulée, lors de son audition devant la Commission des Affaires Etrangères, de la Défense et des Forces Armées du Sénat Français recevant les pays du G5 Sahel, l’ambassadeur du Mali à Paris avait pris les soins de dénoncer des «problèmes» posés par la Légion étrangère sur le sol malien. Il a évoqué des «débordements» à Bamako. « D’abord, avec tant d’hommes et de moyens déployés, on s’attendait à plus de résultats, moins coûteux en vies humaines. D’autre part, je vais vous parler franchement, dans ces forces, il y a des officiers, l’armée normale, mais aussi la Légion étrangère. C’est là le problème. Par moments, dans les Pigalle de Bamako, vous les retrouvez, tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée. Ça fait peur, ça intrigue», s’indignait notre ambassadeur, Toumani Djimé Diallo.
Le Ministère français des Armées avait aussitôt condamné cette mise en cause du diplomate malien en la qualifiant « de fausse mais inacceptable». Le ministre malien des Affaires Etrangères s’est vite rendu en France pour rencontrer le Président du Sénat, Gérard Larcher, lequel a vivement condamné les propos de l’Ambassadeur malien, qui, selon lui, « reposent sur des contre-vérités et ne servent qu’à alimenter des campagnes de communication contre la France, qui font le jeu des groupes terroristes ». copier coller sur bamada Comme si cela ne suffisait pas, le diplomate malien a été rappelé à Bamako par le Chef de l’Etat pour consultations. Le ras-le-bol de notre diplomate n’était-il pas fondé ? Sinon, devrait-il continuer de dissimuler, lors de cette rencontre, des vérités aux représentants du peuple français parce que leur pays est la puissance protectrice du nôtre ?
Olivier Arifon, dans Hermès, La revue 2010/3 (N°58), traite du langage diplomatique et de la langue diplomatique. D’après lui : « la langue diplomatique est à considérer selon deux dimensions. La première est le paradoxe d’une langue formelle présentant, par nécessité, des ambiguïtés. On l’a vu, cette langue et ses attributs sont au service de la relation et de la communication entre diplomates. Elle est donc à usage interne et l’expérience du diplomate lui permet de ne pas se laisser abuser.
Cependant, l’opacité du sens des propos, associée à l’image classique de la diplomatie, conduit le public à déconsidérer ce langage, car peu conforme à une transparence et à une communication « vraie ». copier coller sur bamada La langue diplomatique a également une dimension politique ; elle s’adresse donc aux citoyens et aux médias et, en démocratie, chacun souhaite accéder au sens, ce qui donne à cette langue un caractère externe ».
Par cet éclaircissement d’Olivier Arifon, l’on comprend aisément pourquoi il est d’usage qu’un diplomate se serve du langage diplomatique qui n’est autre qu’une langue de bois. Ce langage figé, constitué de formules souvent stéréotypées, est associé au discours politique. Lequel est une façon contrainte de s’exprimer. C’est ce discours stéréotypé que notre diplomate malien n’a certainement plus voulu prononcé devant les sénateurs français. En bon patriote, ce monsieur, bien instruit, très cultivé et maîtrisant la langue de Molière et connaissant parfaitement à la fois son pays et la France, a plutôt préféré leur dire toutes les vérités qu’il sait sur la présence des forces extérieures dans notre pays, leur comportement qui frise la trivialité dans le pays d’accueil. Toumani Djimé fait incontestablement honneur au Mali !
Propos pas suffisants pour provoquer un incident diplomatique
De notre point de vue, ce ras-le-bol de notre diplomate devant les sénateurs ne devrait pas, vu la situation sécuritaire pourrie et très ambiguë qui prévaut dans son pays, froisser les officiels français. C’est vrai, l’ambassadeur malien représente à Paris notre pays et le Chef de l’Etat. Mais il est d’abord un simple citoyen malien qu’il ne cessera d’être. Un jour ou l’autre, il serait rattrapé par l’histoire pour ne pas avoir défendu les intérêts de son pays devant un pays partenaire, fût-il l’ancienne puissance coloniale. N’importe quel diplomate français, auditionné à l’assemblée nationale du Mali sur les mêmes questions, aurait défendu les intérêts de son pays. Il n’y a pas d’amitié entre deux Etats. Les relations qui les unissent ne sont que des relations d’intérêts. Chaque camp défend ses intérêts.
En 2015, l’actuel ministre français des Affaires Etrangères sous Hollande, ne s’était-il pas comporté en révisionniste de l’histoire de notre pays jusqu’à saper ses fondements en soutenant que « Depuis les indépendances africaines, il existe deux Mali. Au nord, ce sont les Touareg. Au sud, les autres. Ils ne s’entendent pas. A chaque fois qu’il y a prise d’armes entre les deux, ça favorise l’arrivée es Djihadistes… Le même Lédrian récidivait en 2018 pour affirmer : « Il existe au Mali, un manque de volonté politique dans l’application de l’accord issu du processus d’Alger…. ». Ces propos d’un simple ministre des Affaires français n’étaient-ils pas une invective à l’endroit d’un Chef de l’Etat d’un pays souverain ? Pourtant dans les deux cas, il ne s’est point produit d’incidents diplomatique ? Est-ce parce que la France est plus puissante que le Mali pour que les officiels français aient le droit de tout dire et que les maliens doivent tout accepter? Que l’on cesse du côté français d’en faire des propos de notre ambassadeur, un incident diplomatique ! Il n’en est point !
Falaye Keïta
Source : Le Pélican