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FONDATION MO IBRAHIM A PROPOS DE LA MIGRATION: «L’Afrique est une terre d’immigration et non un continent d’exode»

Beaucoup d’idées reçues circulent sur le phénomène des migrations africaines. Heureusement que le nouveau rapport de la «Fondation Mo Ibrahim» lève le voile sur cette «usine à préjugés». Rendue publique à l’occasion du «Ibrahim governance week-end» (forum annuel de la Fondation) qui s’est déroulé le 6 avril 2019 à Abidjan (Côte d’Ivoire), l’étude met en évidence des données qui révèlent une autre réalité sur le phénomène des migrations africaines.

 

Mettre en perspective les chiffres africains par rapport à ceux du reste du monde et… relativiser le phénomène ! Tel est l’objectif visé par l’étude de la «Fondation Mo Ibrahim» publiée le 6 avril 2019 à l’occasion du «Ibrahim governance week-end» (forum annuel de la Fondation).
Ainsi, selon la Fondation, les 36 millions de migrants africains ne représenteraient que 14,1 % de la population émigrée du monde. Soit bien moins nombreux que les migrants d’Asie, 41 %, et les Européens, 23,7 %. L’Inde, le Mexique, la Russie et la Chine sont d’ailleurs en tête des pays le plus pourvoyeurs de migrants. L’Égypte, premier pays cité du continent africain, n’arrive qu’en 19e position.
Plus qu’un continent victime de départs massifs vers le Nord, l’Afrique est en fait «une véritable terre d’immigration». Ainsi, selon le rapport, malgré les 9 millions de migrants débarqués en Europe en 2017, 70 % des migrants subsahariens restent sur leur continent. L’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire et l’Ouganda sont à ce titre les trois destinations les plus prisées non seulement par les Africains, mais aussi par les migrants du monde.
En effet, en plus de ses propres migrants, le continent accueille 452 000 Palestiniens, 253 000 Français et 210 000 Syriens. Une politique d’ailleurs intégrée par le Rwanda : ce territoire de 12 millions d’habitants est le troisième pays d’accueil de migrants au monde.
Bien que l’arrivée de nouveaux venus soit parfois source de conflits communautaires, les auteurs du rapport montrent que les migrations recèlent un certain nombre d’avantages. Elles comblent, par exemple, «souvent les pénuries de main-d’œuvre dans les pays de destination ou les professions négligées par les habitants». Sans compter la participation des migrants au développement économique du pays d’accueil, grâce à leur consommation.
En dépensant, 85 % de leur salaire dans les pays de destination, les migrants contribuent largement à leur PIB. Les arrivants participent ainsi à hauteur de 19 % du PIB de Côte d’Ivoire, 13 % pour celui du Rwanda et 9 % pour l’Afrique du Sud.

Libéraliser les visas pour endiguer le fléau de la migration irrégulière
Un apport économique dont ne profitent pas logiquement les pays de départ, coupables, selon la Fondation, de ne pas fournir à sa jeunesse des emplois adaptés. Près de 3 millions d’emplois sont créés chaque année en Afrique. Mais il en faudrait 18 millions pour absorber l’arrivée des jeunes sur le marché du travail.
Pour les auteurs de l’étude, le chômage est d’ailleurs considéré par la jeunesse africaine comme «le problème le plus important». Plutôt que pour des raisons liées à leur sécurité, 80 % des migrants africains s’exilent dans l’espoir d’une amélioration de leurs conditions économiques et sociales.
Au-delà du manque de perspectives, c’est l’inadéquation de la formation proposée aux jeunes qui pose problème dans de nombreux pays africains. «La correspondance moyenne entre l’éducation et les compétences requises par les entreprises est pire en Afrique que dans le reste du monde», disent les auteurs. Pour preuve, d’après un rapport du groupe Ringier One Africa Media (ROAM), 90 % des demandeurs d’emploi n’ont pas les compétences nécessaires pour exercer le métier auquel ils postulent.
Pour endiguer le fléau, la Fondation Mo Ibrahim propose de «maximiser le capital humain». Acquisition de compétences dans les nouvelles technologies, formation vers des métiers non substituables par des robots et formation continue… Autant de pistes de réflexion proposées par le rapport. Le document milite une évolution drastique des lois régissant la mobilité géographique, et donc une libéralisation des visas.
En effet, selon les rapporteurs, «si une migration mal gérée peut apporter du grain à moudre aux réseaux criminels, une circulation intercontinentale bien régie renforce la compétitivité des pays concernés. Elle leur ouvre de nouvelles perspectives économiques comme le développement du tourisme ou des investissements intra-africains».
Ce qui est d’ailleurs déjà une préoccupation de l’Union africaine (UA). «Nos peuples, notre communauté d’affaires et nos jeunes, en particulier, ne peuvent plus attendre de voir la levée des barrières qui divisent notre continent», avait déclaré en décembre 2018 Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, à l’occasion de la Conférence économique africaine (CEA). Une bonne et pertinente piste de réflexion pouvant aboutir à une intégration africaine plus poussée !

Kader Toé

(Avec : Le Point.fr)

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