Trois mois après son élection en 2013, le président IBK, du temps de sa splendeur, avait poussé un mémorable coup de gueule contre Bakary Togola qui, en sa qualité de membre du Haut Conseil national de lutte contre le SIDA au titre du monde rital, avait eu l’outrecuidance d’intervenir en langue Bamanan lors de la première session présidée par le nouveau locataire de Koulouba. Il avait dit en substance son opposition à ce que des analphabètes en langue française dirigent des structures d’envergure nationale et se retrouvent dans l’incapacité de communiquer de manière compréhensible par nos partenaires au développement.
Sous ATT, le président de l’APCAM délivrait son message en bambara et un résumé de quelques minutes en était fait pour nos amis étrangers. Cela était insupportable à un président qui exhibe fièrement le Larousse et le Robert en conseil des ministres.
D’un digne fils du Ganadougou, on n’attendait pas de Bakary Togola de combattre frontalement IBK, mais d’adopter une attitude de désapprobation pour montrer au nouvel homme fort du Mali son refus de l’humiliation. En lieu et place, l’enfant de Koumantou a choisi de s’asseoir sur son honneur, mieux se mit à faire une cour assidue à IBK pour continuer à siéger parmi les “gens importants”. Les Journées Paysannes sont devenues dès lors une tribune de flagornerie pour attribuer à un président sans bilan mille et une réalisations fantômes. Elles furent aussi l’occasion pour Bakary Togola d’allécher le méprisant président sur sa force à lui dans le monde rural et le bénéfice que cela pourrait apporter à un candidat à sa propre succession.
IBK a fini par comprendre l’enjeu. Toute honte bue, il ravale sa détestation du président de l’APCAM en se souvenant fort opportunément qu’il porte le même prénom que son père ! Comme notre bien-aimé président a la haine aussi coupante qu’il peut avoir la sympathie obséquieuse, Bakary (Togola) homonyme de Boubacar (Keita) est devenu la coqueluche de Sébénicoro à mesure que l’élection présidentielle approchait. Gonflé à bloc par ces égards inattendus, le président de l’APCAM s’est mis à asséner des coups à tous ceux qui ne chantaient pas les louanges de Boua. En plein meeting de campagne au stade du 26 mars, il menace de mort ceux qui étaient tentés de faire obstacle à un second mandat de IBK, drapé dans son manteau de féticheur !
Il récidive une seconde fois devant le premier ministre Soumeylou Boubèye, en invitant le pouvoir à offrir quelques miettes à une opposition affamée afin qu’elle se taise, sur le ton d’une raillerie que son succulent bambara du Ganadougou transformait en injures !
Décidément, le natif de Koumantou avait percé les codes de la vie publique et jouait désormais sur le terrain le plus glissant, celui de la politique politicienne. Le sympathique paysan, qui a abandonné l’école pour se construire à la force de la daba, a fait place à l’affairiste retors.
Bakary Togola a si bien appris de sa nouvelle vie jusqu’à céder à la tentation de la “peopilation” avec une de ses épouses défrayant la chronique sur les réseaux sociaux par des distributions d’argent aux cérémonies et dans la compétition pour se faire mousser par les grandes cantatrices de la place. Il ne manquait plus que les révélations (vraies ou fausses) de la bimbo malienne, Diaba Sora, pour mesurer l’ampleur de l’égarement d’un brave paysan dans l’ivresse de l’ostentation !
Bakary Togola est pourtant né dans un terroir (le Ganadougou) où on prône le sens de la mesure en toutes circonstances, où on met en garde contre les mirages de la grande ville et les fourberies des citadins, mais rien n’y fit : l’attrait de la lumière a été bien plus fort !
Depuis son incarcération à la Maison d’arrêt de Bamako-Coura, notre bon homme a sans doute retrouvé le bon sens paysan et compris que, nous les Péquenaud, resterons toujours de la chair à canon de ces rusés citadins, qu’ils nous feront voler pour manger à leur tour dans le butin sans se salir les mains et la notoriété.
Malheureusement pour Bakary Togola, le chemin de croix ne se limitera pas au seul parcours judiciaire ; le plus dur sera un jour d’affronter le regard des “fa den” au village, avec l’habit symbolique du taulard qui ne le quittera plus jamais ! Soumi a perdu une élection truquée, mais Bakary Togola est le vrai vaincu du scrutin du 29 août 2018. Sacré retour de bâton!
Source: L’Aube