Bien qu’elles constituent la majorité de la population malienne, d’après le dernier recensement général de la population et de l’habitat, les femmes sont sous représentées en politique. Elles occupent, à titre d’exemple, moins de 10 % des sièges de l’Assemblée nationale. Malgré une loi en vigueur depuis 2015 qui leur réserve 30 % des postes nominatifs et électifs, elles peinent à se hisser dans les instances politiques.
Pour Madame Sanogo Gnagna Sene, femme leader de la société civile, il faut veiller à court terme à l’application de ce quota. Selon elle, il faut se projeter au-delà et viser la parité. Militante au sein de l’association femme, leadership et développement durable, une organisation membre du réseau pour l’émergence des jeunes femmes, elle nous livre sa vision sur la problématique de la faible représentativité des femmes en politique au Mali.
Quel regard portez-vous sur la représentativité des femmes en politique au Mali ?
Ici au Mali, les femmes représentent plus de la moitié de la population. Mais en termes de représentativité, on voit qu’il n’y a pas de femme, surtout dans la politique. A l’Assemblée nationale, il n’y a que 14 femmes sur 147 députés. C’est très peu pour une nation démocratique. Partant de la base que les femmes sont les plus nombreuses, elles peuvent changer la donne. Les femmes doivent se donner la main pour avoir leur place en politique dans ce pays.
Mais il faudrait également de la volonté politique pour que les femmes soient représentées dans toutes les sphères de décisions. A ce sujet, notre ministère de tutelle a fait adopter une loi sur des quotas. Mais le décret d’application se fait encore attendre. Si on doit aller aux élections aujourd’hui, je sais que les femmes seront toujours perdantes parce qu’il n’y a rien qui oblige les politiciens à respecter ce quota.
Selon-vous, quelles sont les raisons qui expliquent cette faible représentativité ?
Les femmes ont d’autres responsabilités qui les empêchent souvent de rentrer en politique. Il y a un problème de confiance en soi, mais également les pesanteurs socio-culturelles. Si je me lance aujourd’hui en politique, un milieu où les décisions sont souvent prises dans la nuit tardive, on me traiterait de tous les noms.
Par ailleurs, il y a une solidarité forte entre les hommes qui fait défaut chez les femmes. Aujourd’hui, quand une femme se lance en politique, ce sont d’abord les femmes elles-mêmes qui la critiquent. Ceci doit interpeller. Nous femmes devrions être plus solidaires, nous soutenir mutuellement pour une meilleure représentativité en politique.
Autre obstacle, la formation en politique. Les femmes disent souvent manquer de temps pour cela mais c’est une nécessité pour se placer au-devant de la scène.
La loi qui réserve un quota de 30% des postes nominatifs et électifs aux femmes peine à être appliquée. Que faire pour qu’elle le soit ?
Des plateformes comme le réseau des femmes leaders du Mali pourraient s’approprier toutes ces potentialités. En nous mettant en synergie avec d’autres réseaux, nous pouvons nous adresser à notre ministère de tutelle pour savoir où nous en sommes avec l’applicabilité de ce quota.
En exerçant une certaine pression sur notre ministère, celui-ci pourrait porter cette question en conseil des ministres pour une application de cette loi.
Les élections municipales sont prévues pour le 20 novembre, si le quota n’est pas appliqué, il y a peu de chance que les femmes soient représentées au niveau communal.
Avec le quota, l’Etat a-t-il rempli sa part ?
La constitution parle de parité mais on est parti sur une base de quota. Au moins, on peut dire qu’une partie est accomplie mais le plus dur reste à venir. La mise en application du décret serait une avancée mais pas une fin en soi. Cela ouvrira la voie aux femmes. Il sera alors envisageable d’aller d’aller au-delà des 30 %. Si on veut la parité, il faut dépasser les quotas.
Au-delà du cadre législatif, comment changer la tendance actuelle avant les élections municipales ?
C’est maintenant que les associations de la société civile doivent commencer le boulot. Elles doivent d’abord former les jeunes et les dames pour prendre les choses en mains. Elles doivent être formées afin d’être aptes à aller jusqu’au bout de leurs ambitions. Il faut d’abord les aider à connaitre leur environnement direct, car ce sont des élections de proximité, pour qu’elles soient en mesure de savoir ce qu’elles peuvent apporter à leur commune. On peut les accompagner dans ce sens.
On peut également chercher des mentors pour épauler ces dames. Il existe déjà le réseau des femmes parlementaires, le réseau des femmes ministres, pourquoi ne pas aller vers ces genres de réseaux ? Les associations de promotion de la femme doivent se mettre en réseau pour travailler afin que les femmes soient à la hauteur de ce qu’on attend d’elles.
Les obstacles sociaux à la représentativité des femmes en politique sont encore plus accentués dans les zones rurales. Comment ces femmes peuvent se hisser malgré tout ?
Si on décide de se présenter au niveau communal, il faut que l’on convainque d’abord sa famille pour bénéficier de son accompagnement. Partant de sa propre famille, on forme autour de soi toute une communauté. Si on arrive à fédérer la famille, les pesanteurs socio-culturelles vont être amorties. C’est en s’organisant qu’on peut arriver à cet idéal.
Les hommes doivent accompagner les femmes dans ce sens. Quand on voit une femme engagée, généralement elle bénéficie du soutien de son mari. On ne peut pas se lever un jour pour prétendre à un poste électif sans le consentement de son époux. On est complémentaires. Il faut que les maris accompagnent leurs femmes. Quand tout le monde s’apercevra que le mari mouille sa chemise pour que sa femme accède aux instances de décisions politiques, toute la communauté aura confiance.
Quelles sont les pistes qui peuvent permettre aux femmes, majoritaires au Mali, de participer à leur propre promotion en politique ?
La-dessus, je peux prendre exemple sur la législative. Il y avait le groupe pivot droit et citoyenneté des femmes, un groupement de huit associations œuvrant pour le bien être des femmes, qui a vraiment apporté son soutien aux femmes en les formant. Cet épisode doit servir d’expérience pour qu’à chaque fois qu’il y a une femme qui se positionne pour une poste, que les autres femmes viennent vers elle pour la soutenir.
Pour les élections communales qui s’approchent, il faut que les femmes soutiennent celles qui vont se présenter pour qu’elles soient élues. Il faut qu’elles se mettent en réseau. Moi qui suis de la commune III par exemple, il me revient de mobiliser les femmes pour celle qui décidera de se présenter. Il doit en être ainsi dans toutes les communes du Mali.
Source : Bamada.net