Le nouveau projet de Constitution ne parle pas expressément de l’héritage. Par contre, il garantit l’égalité entre l’homme et la femme en tout, au moment où des dispositions du Code des personnes et de la famille reconnaissent le partage inégalitaire de l’héritage dû au fait que les principes coutumiers et du droit religieux ne favorisent pas l’égalité des droits.
La Constitution est un ensemble de textes juridiques qui définit les institutions de l’Etat et organise leurs relations. Elle rappelle aussi des principes et des droits fondamentaux. Elle constitue la règle la plus élevée de l’ordre juridique.
Selon Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, la Constitution d’un pays fournit le cadre de son système juridique, qui façonne non seulement le statut politique des femmes, mais leur statut économique et social. Des avancées significatives dans la participation des femmes dans les processus de rédaction des constitutions récentes ont contribué à l’existence de constitutions de plus en plus sensibles au genre. Il est donc impératif que les femmes soient impliquées et participent tout au long du processus.
Au Mali, dans la Constitution en vigueur celle de 1992, comme dans le nouveau projet en discussion, le principe de l’égalité en droits entre hommes et femmes est réaffirmé. Cependant, si elles ne s’expriment pas de façon spécifique sur l’héritage, la Constitution définissant les principes généraux ; des instruments juridiques comme le Code des personnes et de la famille en vigueur ne contredit-il pas la loi fondamentale ?
Issa Coulibaly, imam à Sirakoro Kati, affirme qu’en matière d’héritage, la femme et les enfants du défunt sont indispensables dans le partage ainsi que les parents du défunt. “Mais la part du fils est toujours supérieure à celle de la fille. Le fils bénéficie d’une part entière, tandis que la femme bénéficie de la moitié d’une part. Dans le partage de l’héritage, seuls les enfants légitimes en bénéficient. Les enfants naturels n’ont pas droit à l’héritage”.
“Nous sommes dans une société à forte connotation coutumière, des pratiques qui relèvent de nos traditions. Ce qui fait que les gens ont souvent des mentalités erronées sur la femme”, soutient Aïssata Bocoum, présidente de l’Association Citoyenneté ‘Elles’ et membre du CNT, lors d’un débat, vendredi 3 mars dernier sur Joliba TV.
André Pascal Somboro, magistrat en Commune IV affirme que la constitution trace juste les balises. Le reste est décidé et convenu dans une loi organique. “S’il y a consensus dans la famille, tant mieux. Mais si parmi les héritiers quelqu’un n’est pas d’accord, on procède à la masse successorale. Si les intéressés sont pour la coutume des partis, tant mieux mais s’ils ne sont pas d’accord on opte pour ce que la loi attribue”, explique-t-il.
Le partage peut se différer d’une ethnie à une autre. Le Code des personnes et de la famille ne fait plus de différence entre l’homme et la femme, “mais très généralement le Code renvoi aux coutumes. La loi renvoi aux coutumes des partis. Les gens se réfèrent beaucoup à la religion. Dans la religion musulmane, la femme bénéficie de la moitié de la part de l’héritage tandis que l’homme bénéficie d’une part entière. Chez les chrétiens les parts sont égalitaires”.
Pour Maïmouna Dioncounda Dembélé, experte en égalité entre homme et femme, “les individus ont le droit de pouvoir laisser la possibilité à leurs successeurs de partager l’héritage comme ils le souhaitent sur le plan juridique, coutumier ou selon leurs religions. S’il n’y a pas de testament, on procède généralement à la manière religieuse. Le plus souvent le droit coutumier et religieux régissent ça. Pour ceux qui sont de confession musulmane, on dit que les filles héritent de la moitié de la part du garçon”.
“Personnellement, poursuit Mme Dembélé, je ne fais pas de jugement sur le droit musulman. Mais je pense qu’il est important que la loi puisse prévoir que les gens puissent hériter de façon égale“.
La loi n’intervient pas forcément lors de la succession. On le fait fréquemment de manière coutumière. Des fois certaines femmes se retrouvent sans héritage et on voit beaucoup de femmes lorsqu’elles refusent le lévirat forcé, se retrouvent déposséder de tout, car elles doivent partir et laisser le domicile conjugal ainsi que toutes les ressources laissées par le mari défunt.
Selon Dr. Mahamadou Konaté, juriste et professeur d’université, “en cas de conflit, c’est la Constitution qui s’impose. Si une femme conteste la manière dont l’héritage a été partagé devant les juridictions, elle gagnerait à coup sûr. Mais, en même temps, qui oserait le faire pour paraître comme celle qui met en cause les lois divines islamiques pour des raisons matérielles ?”
Aminata Agaly Yattara
Cet article a été publié avec le soutien de JDH-Journalistes pour les droits humains et NED
Source : Mali Tribune