L’affaire des » 49 mercenaires ivoiriens » arrêtés dimanche dans la mi-journée, à l’aéroport de Bamako-Senou, aura suscité un formidable émoi sur la toile avant de se dégonfler, le lendemain lundi dans la soirée, comme un ballon de baudruche. En fait de « mercenaires » venus » dans le dessein de briser la dynamique de la Refondation et de la sécurisation du Mali ainsi que le retour à l’ordre constitutionnel » pour emprunter la formule utilisée par le Colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement malien, il ne s’agissait, si l’on fait foi à des documents attribués au ministre ivoirien de la Défense et diffusés sur les réseaux sociaux, que de soldats de l’armée de la Côte d’Ivoire envoyés pour prendre la relève de leurs collègues en fin de mission au sein de la MINUSMA. Ils appartiennent aux Éléments Nationaux de Soutien (NSE en abréviation anglaise) qui sont des effectifs nationaux déployés par les pays contributeurs de troupes aux missions de paix de l’ONU. La liste nominative des 49 soldats est jointe à la « Note Express » adressée par le ministre ivoirien de la Défense à son Chef d’Etat-major général des armées relative à l’opération de relève. Des informations complémentaires indiquent qu’ils sont arrivés à l’aéroport Président Modibo Keita par le même avion qui avait rapatrié, quelques heures plus tôt, leurs frères d’armes.
La version officielle de la Côte d’Ivoire est confortée par un tweet d’Olivier Delgado, le porte-parole de la MINUSMA, selon lequel les NSE sont » une pratique communément appliquée dans les missions de maintien de la paix « . Et de préciser que » d’après (ses) informations, la relève du 10 juillet aurait été préalablement communiquée aux autorités nationales « , entendez maliennes.
De deux choses l’une. Ou les autorités sécuritaires maliennes ont péché par un déficit de communication à l’interne ou elles sont de mauvaise foi en découvrant des » mercenaires » venus déstabiliser le Mali là où il n’y a que de braves militaires d’un pays voisin sur le pied d’accomplir leur devoir de solidarité vis-à-vis du nôtre dans le cadre d’une mission internationale de stabilisation et de protection des populations civiles.
Hélas ! La deuxième hypothèse est séduisante à cause de deux précédents. Le premier est le renvoi par Bamako, en janvier dernier, d’un contingent danois déployé en renfort à la task force Takuba » selon les procédures habituelles » jugées obsolètes au regard de l’édiction de nouvelles mesures sécuritaires consécutive à la rupture de l’alliance militaire avec la France au profit de la Russie. Le second, plus proche du scénario ivoirien, est le refus opposé par le gouvernement malien, en juin écoulé, à l’arrivée sur son territoire d’un contingent de relève du Sénégal en rétorsion aux sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA qui frappaient le Mali et n’ont été levées que le 3 juillet.
On peut déduire de ces observations que les autorités de la transition malienne, qui ont étalé par ailleurs leur phobie sécuritaire à travers une multitude d’interpellations et de poursuites judiciaires pour « tentatives de déstabilisation des institutions de l’Etat, complot contre le gouvernement, propos diffamatoires et déstabilisants, tentative de coup d’Etat militaire » sans qu’elles aboutissent à des résultats probants, sont dans la logique de conduire à son terme leur nouvelle approche sécuritaire. Laquelle n’exclut pas le retrait des forces africaines de la MINUSMA, une structure dont elles n’ont accepté le renouvellement pour une année supplémentaire, le 30 juin passé, du mandat qu’à leur corps défendant et au prix de moult réserves. Cette orientation devrait aggraver l’isolement diplomatique et économique du Mali et l’empêcher de tirer un bénéfice substantiel de la levée partielle des sanctions communautaires. Elle pourrait même entraîner le pays vers une aventure autrement plus douloureuse.
* En post scriptum nous considérons comme une insulte au savoir-faire des FAMa et à l’intelligence des Maliens l’idée que 49 soldats ivoiriens, si braves soient-ils et fussent-ils équipés des armes et des minutions les plus meurtrières au monde, puissent débarquer en plein jour à l’aéroport Président Modibo Keita de Bamako-Senou avec l’intention d’opérer un coup d’Etat militaire comme le proclament certains écervelés. Au profit de qui, à supposer qu’ils réalisent cet exploit?
Saouti HAIDARA
Source: l’Indépendant