La crise du Nord Mali pourrait trouver sa solution dans le modèle de décentralisation du Royaume bambara de Ségou assure le romancier historique, Facoh Donki Diarra, auteur de plusieurs livres, dont « La Commune sous les manguiers ».
Les Echos : Pourquoi la décentralisation est-t-elle indispensable pour la résolution de la crise au Mali ?
Facoh Donki Diarra : La décentralisation, comme elle a été théorisée en 1996 au Mali, devrait permettre aux communes de se prendre en charge elles-mêmes. Il y aurait moins la présence de l’Etat et plus d’élus locaux. Cela vaut mieux que d’envoyer des fonctionnaires qui ne maîtrisent pas forcément les réalités des localités. Avec des élus locaux, la gestion est plus facile. Ils peuvent booster le développement de leur localité parce qu’ils connaissent les réalités.
Les Echos : Quel modèle de décentralisation pourrait être utile au Mali ?
F.D. D. : Le Royaume de Ségou au temps de Ngolo Diarra peut être un bon exemple. J’ai travaillé sur les chefferies traditionnelles à Ségou. Nous avons découvert que le pays, sous Ngolo Diarra, était un Etat très décentralisé. Il y avait des chefferies, en bambara « kèlèmassa dugu ». Elles fonctionnaient très bien. Sous la dynastie des Ngolo shi, l’Etat central dirigeait peu. La gestion locale était réservée aux chefferies. Elles étaient chargées de gérer les questions de justice, de protéger et de promouvoir le développement socio-économique et culturel de ces localités. Mais en temps de guerre, l’Etat central intervenait pour maîtriser la situation.
Les Echos : Comment ce modèle pourrait impacter sur le processus de paix et de réconciliation nationale au Mali ?
F.D. D. : On travaille actuellement sur ce modèle de décentralisation de Ségou à l’Institut des sciences humaines (IDSH). L’objectif est de produire des propositions concrètes pour aider le gouvernement à réussir le pari de la décentralisation, gage d’une sortie définitive de la crise au Mali. Des rapports sont déjà disponibles et au moment opportun, nous rencontrerons le ministère de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat pour lui faire des propositions. C’est à ce moment-là que le modèle sera bénéfique pour le processus.
Les Echos : Quel est le rôle d’un écrivain-historien dans la gestion de la crise ?
F.D. D. : Un écrivain écrit pour influencer, mais ce n’est pas un décideur. Les hommes politiques et les hommes publics lisent et s’inspirent des écrivains. Dans la plupart de mes écrits, je retrace l’histoire.
Les Echos : Quels sont vos projets ?
F.D. D. : Je travaille aussi sur un nouveau livre. Un sujet historique. La vie romancée de Ngolo Diarra. Le roman retracera son histoire. Je suis revenu sur son parcours en donnant beaucoup plus de détails. De son voyage à Tombouctou et jusqu’à sa mort. Ce roman aussi pourra inspirer les autorités. Il met en exergue comment Ngolo gérait le royaume.
Propos recueillis par
Sory I. Konaté
Qui est Facoh Donki Diarra ?
Né en 1953 au Bélédougou, dans la région de Koulikoro, Facoh Donki Diarra est titulaire d’un DEA en histoire obtenu à l’Université de Dijon. Il est aujourd’hui chercheur à l’Institut des sciences humaines (ISH). Il est l’auteur de « la Colère du Prince », « les Indignés de Kati », « Crime en mode majeur », « la Commune sous les manguiers », ainsi que plusieurs articles sur la politique, en particulier le traitement des questions du Nord. Une licence en lettres lui a donné le gout de l’écriture. Il est aujourd’hui docteur après avoir soutenu sa thèse à l’Isfra.
- I. K.
Source: lesechos
