[Exclusif] Au terme de la conférence-débat au Palais-Bourbon sur “la situation sécuritaire, politique, économique et diplomatique au Mali et au Sahel”, relatée par ailleurs, le Premier ministre malien Moussa Mara a accordé un bref entretien à L’Express. Nous souhaitions connaître sa lecture de la garde à vue de l’ancien titulaire du portefeuille de la Défense au sein de son équipe, Soumeylou Boubeye Maïga, entendu de jeudi après-midi à samedi par la Direction centrale de la Police judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine) ; et ce à propos de deux dossiers, l’un portant sur la fourniture d’uniformes par une société française, l’autre sur les modalités de l’acquisition récente -et controversée- au profit de la présidence malienne d’un Boeing 737-700, pour laquelle l’homme d’affaires corse Michel Tomi, mis en examen en juin notamment pour corruption d’agent public étranger, faux et usage de faux, abus de confiance et recel d’abus de bien social, aurait joué un rôle d’intermédiaire.
Moussa Mara dit avoir été “totalement surpris” par cet épisode. Dès que les autorités de Bamako ont été alertées, indique-t-il, soit le jeudi vers 18 heures, elles ont offert à l’ex-ministre l’assistance de l’ambassade du Mali à Paris, “afin de l’aider au mieux”. “On lui a même proposé un avocat, précise le titulaire de la primature, mais il avait déjà le sien”. En l’occurrence, comme le révélait lexpress.fr samedi, le bâtonnier Pierre-Olivier Sur, épaulé par son associée Nathalie Schmelck.
La question des intermédiaires
“Le gouvernement malien, poursuit son chef, est parfaitement serein. La justice française enquête. Nous tenons pour acquis qu’elle est indépendante, tout comme la justice malienne d’ailleurs. Dès lors, il n’y a pas lieu de commenter ses initiatives. Nous avons tout lieu d’espérer qu’il ne s’agit pas d’une action inamicale ou orientée.” S’agissant du fameux Boeing présidentiel, “c’est bien l’armée malienne qui a procédé à l’achat, puisqu’il s’agit d’un avion de commandement”. “C’est donc le ministre de la Défense de l’époque qui a signé le contrat. De même qu’il a été es-qualité maître d’oeuvre pour les achats de fournitures [militaires] auprès de sociétés françaises.”
Au sujet du fameux Boeing, tient à souligner Moussa Mara, le Fonds monétaire international (FMI) a constaté, au vu du rapport d’audit de ses experts, que son prix figure bien dans la fourchette pratiquée pour les appareils de cette catégorie : 20 milliards de francs CFA [soit environ 30 millions d’euros]. “Reste à déterminer, admet-il, s’il y a eu recours à des intermédiaires et quel a été dans ce cas le montant de leur rétribution.” Michel Tomi ? “Il ne figure pas à ma connaissance parmi ces intermédiaires, mais il se peut qu’il ait présenté X ou Y au ministre de la Défense d’alors.”
Sanctions
Bamako n’en fait pas mystère: plusieurs contrats, entachés selon le FMI de lourdes surfacturations, ont été annulés. Combien? “Une douzaine, pour un total d’environ 70 milliards de CFA [un peu plus de 100 millions d’euros], et dont 80% relevaient de la Défense. Contrats conclus de manière illégale. Trois cas de figure : absence de couverture budgétaire ; violation des normes régissant de tels marchés ; non-exécution des contrats.” “Tous les audits réalisés à notre demande, ajoute le Premier ministre, seront publiés. Cette semaine s’agissant de celui de la Cour suprême. Dès leur finalisation pour ceux du Bureau du Vérificateur général du Mali.”
Qu’adviendra-t-il des coupables? “Pour les hauts fonctionnaires, une sanction administrative : ils seront démis de leur poste quel que soit leur rang, ministre compris le cas échéant. Pour les autres acteurs, une sanction juridique : nous transmettrons le dossier à la justice. Le parquet appréciera s’il y a lieu de poursuivre ou pas. Soyez assurés que ce sera fait. Nul n’est au-dessus des lois.”
source : lexpress