Exciseuse pendant de nombreuses années, Zanne Ba vit à quelques kilomètres de Tominian (Ségou), où la pratique de l’excision sévit. Depuis quelques années, la sexagénaire s’est détournée de son métier.
À Tominian, ce sont uniquement des personnes de caste de la communauté Ouanssagnini qui excisent. Zanne Ba, depuis l’âge de 15 ans, excise. « J’ai pratiqué l’excision toute ma vie. Il faut passer par des initiations, ce qui n’est pas permis à tout le monde. En pays bwa, on ne devient pas exciseuse par choix, mais par destinée. C’est un transfert de génération en génération », explique-t-elle.
Selon elle, l’excision était un devoir et non un métier comme aujourd’hui : « L’excision, dans mon village, est pratiquée par une communauté dont je fais partie. Ma mère, en son temps, était exciseuse. Et donc, j’ai été désignée pour emboiter ses pas à l’âge de 15 ans. Les instruments que nous utilisons ne sont pas ordinaires, et sont conçus uniquement pour exciser. Nous les héritons de nos mères, et nous les transmettrons à nos filles également ».
A Mouagnè, une dizaine de femmes habitent une grande case à l’entrée du village qui leur sert de maison et de lieu de travail. « Habiter cette case a ses avantages. Nous recevons des vivres et divers présents de la part des villageois. Nous sommes respectées et craintes, car le métier d’exciseuse n’est pas chose ordinaire. Nous étions 15 femmes, moi et 4 autres personnes avons décidé d’abandonner l’excision ».
Dégâts de l’excision
Malheureusement, il existe toujours des villages dans notre pays où la pratique continue de sévir. De nombreuses personnes y succombent. Les rescapées, quant à elles, ont souvent des séquelles. C’est le cas de Nèman Keïta, abandonnée et marginalisée de tous à cause de sa maladie causée par l’excision. « J’ai été excisée une année avant mon mariage. Pendant les rapports sexuels, je souffrais et saignais. Cela a duré plusieurs années. Après un accouchement difficile, je suis devenue handicapée. Je marche à quatre pattes. Mon mari m’a finalement répudiée, et certains disaient que j’ai vendu mes pieds pour de la sorcellerie. C’est lors d’une campagne de sensibilisation que j’ai su d’où venait mon handicap ».
Si Nèman a pu s’en sortir, cela n’est pas le cas d’autres femmes. « Nous mettions en place des moments d’excision générale. Lors des cérémonies, nous procédions à un rituel suivi de l’excision des jeunes filles. Elles séjournaient dans notre case pendant 6 jours. Le 7e jour, nous procédions à l’excision. La plupart des filles rentrent chez elles après, mais d’autres perdent la vie. Nous mettions cela sur le compte des sorciers ou alors nous accusions leurs mamans d’infidélité. », avoue Zanne Ba. Cependant, de nombreuses personnes de ce village ignorent ou refusent de faire face jusqu’à présent aux dégâts que cause l’excision. « Depuis le temps de nos ancêtres, l’excision est pratiquée à Mouagnè. Nos mères l’ont fait, et elles n’en sont pas mortes. Arrêter aujourd’hui cette pratique signifierait renier nos coutumes », tente d’expliquer le chef du village de Mouagnè.
De l’espoir au bout du tunnel
Assise sur une natte devant sa case, Zanne Ba, la tête baissée, explique sa nouvelle vision de l’excision : « Cela fait six années que je ne pratique plus l’excision. Mon regard sur cette pratique a changé par le biais d’un groupe de religieuses venues faire des campagnes de sensibilisation dans mon village. A travers des photos, films et témoignages, j’ai réalisé à quel point l’excision peut être risquée. Aujourd’hui, avec du recul, je me rends compte que j’ai causé du tort à certaines filles ». Yirabo, ancienne exciseuse elle aussi, ajoute : « Lors de la sensibilisation, une série de consultations a été faite. La fille de mon frère, que tout le monde traitait d’enfant serpent à cause de sa démarche, est en réalité une victime de l’excision. Elle a été excisée par moi-même. »
Envahie par les remords et convaincue de son implication dans les cas de décès et maladies de certaines femmes de son village, Zanne Ba a décidé de déposer son arsenal d’excision. « Les débuts n’ont pas été faciles. Mes consœurs en colère, ne voulant pas me suivre, ont vite fait de me renvoyer de la case. Aujourd’hui, je me rends compte que certaines femmes du village qui n’arrivaient pas à enfanter ou qui ne faisaient que des fausses couches n’étaient en réalité pas des femmes de mauvaises augures ou des sorcières, mais juste des victimes de notre pratique ».
Jusqu’à présent, des pratiques d’excision persistent. Pourtant, si toutes les femmes suivent l’exemple de cette exciseuse, cette pratique sera bientôt du passé. « Désormais, je n’ai plus d’avantage. Je ne suis plus respectée par les villageois. Bien au contraire, on me déteste. Certains parce qu’ils n’ont jamais approuvé nos pratiques, et d’autres parce que je les ai abandonnés. Il y en a qui vont jusqu’à me traiter de sorcière, et les enfants ont peur de moi. Je ne leur en veux pas. Ils ont leurs raisons, mais j’ai compris certaines choses et j’ai changé », conclut Zanne Ba.
Source: benbere