Le taux de mortalité lors des opérations chirurgicales est deux fois plus élevé en Afrique qu’en moyenne dans le monde, ont affirmé, mercredi 4 janvier, des chercheurs dans une étude mettant au jour un fléau rarement discuté.
En théorie, la mortalité pourrait être moins élevée sur ce continent qu’ailleurs. Les patients y sont en effet plus jeunes et y subissent des interventions moins lourdes.
Mais, d’après les auteurs de cette étude parue dans la revue médicale The Lancet, « près d’un patient sur cinq en Afrique a des complications après une opération ».
Et là où existent des chiffres comparables, à savoir dans la chirurgie non urgente, la mortalité atteint 1 % sur le continent, contre 0,5 % dans le monde. L’étude est décrite comme la plus vaste et la plus fouillée sur la chirurgie africaine.
Elle a réuni plus de 30 chercheurs qui ont rassemblé les données de 247 hôpitaux dans 25 pays du continent, de l’Algérie à l’Afrique du Sud en passant par le Sénégal et les deux Congos. Ont été suivis les dossiers de 10 885 patients, dont un tiers a subi une césarienne.
Tueur silencieux
L’étude montre « qu’une pénurie de main-d’œuvre et de ressources aboutit à une chirurgie moins sûre dans la région. Pour améliorer ces résultats, elle appelle à une amélioration de la surveillance des patients pendant et juste après leur opération », a souligné The Lancet.
Au total, 18,2 % de ceux-ci ont connu des complications, et parmi eux presque 10 % en sont morts. Pourtant, quatre patients sur cinq étaient considérés à risque faible, sachant leur jeune âge et leur bon état de santé.
« Beaucoup de vies pourraient être sauvées par un suivi efficace des patients (…) Le résultat des opérations restera mauvais tant que le problème du manque de ressources ne sera pas réglé », a affirmé le principal auteur, le Sud-Africain Bruce Biccard, de l’hôpital Groote Schuur au Cap.
D’autres experts se sont dits encore plus inquiets face à d’autres chiffres, exposant le besoin criant de chirurgie sur le continent. L’Afrique ne connaît « que » 212 opérations pour 100 000 habitants par an, soit « 20 fois moins » que nécessaire pour couvrir les besoins vitaux d’une population, ont relevé trois chercheurs.
Le continent compte 0,7 spécialiste de la chirurgie (chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes) pour 100 000 habitants, loin des 20 à 40 recommandés par l’OMS. Si les patients meurent trop souvent, « l’absence de chirurgie en Afrique représente un tueur silencieux qui fait probablement plus de victimes », ont déploré les chercheurs.