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Entreprises militaires et de sécurité privée : vers une privatisation de la guerre ?

La Pologne dispose d’un camp d’entraînement de gardes rapprochés et « contractors » (employés de sociétés militaires privées) utilisés dans les conflits armés. C’est ce qu’ont relaté différents articles récemment publiés en ligne et consistant à mettre en valeur les activités de ce camps d’entraînement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Tel est le cas de Nice-Matin, l’Express et autres (1, 2, 3), décrivant des hommes armés particulièrement vigilants vis-à-vis des petits mannequins faisant office d’enfants, lors de leur exercice paramilitaire et ce, au sein de l’environnement champêtre et naturel de la campagne reculée polonaise.

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Parmi les photographies illustrant l’entrainement, on peut distinguer des écritures arabes venant parfaire le décor « islamo-terroriste », ce qui aide les mercenaires étrangers multi-nationaux (ne sachant certainement pas lire l’arabe) à bien comprendre qui est l’ennemi, à l’intérioriser dans l’association arabe-islam-terreur. Du véritable conditionnement psychologique quasi sectaire, consistant à embrigader des hommes conformistes et identitaires, en entretenant la terreur reliée à un ennemi imaginaire… Mais passons ! Lesdites activités sont présentées comme idylliques sans qu’aucune interrogation ne soit émise quant à la légalité de ces centres d’entraînement de mercenaires.

 

Pourtant, les entreprises militaires et de sécurité privée (EMSP) relèvent de réglementations nationales différentes ou inexistantes et constituent de ce fait un «trou noir» juridique. Des EMSP ont, dans le passé, été citées pour leur rôle jouer en Afghanistan et en Irak, suite à l’intervention illicite de l’administration Bush. L’une des plus connues est la société Blackwater (désormais dissoute) du libertarien Erik Prince (ex-militaire reconverti), une société de sous-traitance en matière de sécurité et d’activités militaires, dont certains membres du personnel ont été condamnés en 2014 pour leurs agissements illicites et atteintes aux droits de l’homme commis sur le sol irakien (4).

 

Seules les personnes physiques, directement impliquées dans l’usage de la torture, ont donc été sanctionnées (pas de sanctions de l’employeur/société) et ce, aux USA (pas de réparation des victimes irakiennes). Ladite société bénéficie, en effet, d’une immunité sur le sol américain (5) et, en 2006, l’administration Bush avait conclu avec le gouvernement irakien (représenté par un étranger n’ayant pas vécu en Irak, pro-chiite et anti-laïc) un accord selon lequel l’Etat irakien (la formule est cynique quand on sait ce qu’il est advenu de l’Etat irakien désormais inexistant) renonce à tout recours contre les USA pour des faits commis sur son territoire par des combattants des forces US (6).

 

Depuis 2014, Erik Prince ne manque pas une intervention (7, 8) pour vendre ses prestations dans le cadre d’une « guerre » illicite contre le groupe EI (la guerre contre le terrorisme est interdite/seule la répression-judiciarisation nationale est admise, la coopération internationale policière et le recours à une force internationale dans le cadre de mission spécifiques). Installé dans les Emirats arabes unis, ses activités sont volatiles et consistent à proposer des services militaires et de sécurité à des Etats autoritaires privés de contrôle citoyen: protéger les intérêts chinois au Soudan (9) ou encore protéger les installations minières du Congo.

 

Il s’agit principalement de recruter des hommes, les entraîner et armer pour la surveillance de sites, le transport et l’acheminement des marchandises. Dans ces territoires, des actes terroristes ont été revendiqués et les exactions commises contre les populations (privées de leurs richesses et visées aussi bien par les régimes en cause que par les rebelles) sont souvent dénoncées par les instances gouvernementales et des ONG. Les journalistes sont, quant à eux, censurés et/ou assassinés (10).

 

Eu égard au risque que constitue ces activités en termes de trafics d’armes, de matières premières énergétiques et de commerce humain, mais également en termes de corruption des régimes en cause, de répression des civils et atteintes démocratiques, la légalité des EMPS au regard des droits de l’Homme doit faire l’objet d’un éclairage, d’autant qu’il semble échapper à tout contrôle. Un groupe de travail onusien s’est constitué en 2008 pour élaborer une législation uniforme (11, 12) mais aucun texte n’est pour l’instant à l’ordre du jour en UE. Une résolution onusienne le mercenariat mais elle n’a aucun caractère contraignant (13). Nous sommes face à un vide juridique international.

 

Pour mémoire, en revenant sur la Pologne, celle-ci a récemment été condamnée (14) par la CEDH pour ses prisons secrètes et son implication dans le programme de l’administration Bush intitulé « extraordinaire redditions » (disparitions forcées/répression impliquant les dictatures arabes, Israël, Pologne…), lequel a fait l’objet d’un rapport du Sénat américain (2014) et d’une proposition de résolution du Parlement européen (15). Le cas de la Pologne, Etat extrêmement conservateur aux lois limitées sur le libre choix des femmes et de la famille, pilier du Vatican en UE, qui n’a connu quasi que des régimes autoritaires, devrait inciter l’UE à étoffer sa réglementation s’agissant des EMSP.

 

Enfin, il n’est pas possible de boucler ce billet sans faire référence aux récents charniers de migrants découverts en Malaisie (16), mais également en Thaïlande (17), dont les autorités de ces pays affirment ne pas avoir eu connaissance (des Etats pourtant extrêmement policés et autoritaires). Ces charniers appartiennent à des réseaux criminels de trafic de migrants (avec les transactions financières/sociétés écran que cela implique). Comme pour le trafic d’armes et de pétrole, ces réseaux s’appuient forcément sur des soutiens politiques, des Etats de non-droit et des sociétés privées pratiquant la corruption et le blanchiment.

 

S’agissant des frontières, notamment celle Thaïlande-Malaisie, leur contrôle est souvent opéré par des sociétés militaires et de sécurité privée, sous-traitantes de l’Etat en cause. Au motif d’économies réalisées grâce à l’externalisation et de la défaillance du service public de l’Etat, soutenu par des think tanks (18), la chaîne est complexifiée et cela permet de se soustraire aux obligations internationales. En Thaïlande, la société Thahan Phran (19) exerce des contrôles paramilitaires de patrouille aux frontières et ses missions se sont étendues, suite aux attaques terroristes de 2006/2007 marquées par des tensions civiles durement réprimées.

 

Pour autant, cette société est accusée d’être à l’origine de nombreux trafics et de terrorisme. Bien entendu, le droit de la presse étant limité dans ces Etats (Thaïlande, Irak, Soudan, etc.), les enquêtes journalistiques sur le sujet sont difficilement envisageables. Quant aux rapports onusiens, ils dépendent du bon vouloir des Etats en cause au moment de leurs déclarations et de la volonté politique des autres Etats. Néanmoins, de nombreux témoignages ont été rapportés et des avocats et auteurs ont déjà rédigé des ouvrages sur le sujet (20, 21).

 

On a donc des sociétés privées interpellées par la société civile et par des organisations gouvernementales pour leurs multiples atteintes au droit, qui se sont vues confier des missions d’Etat (dans des territoires où l’Etat de droit est inexistant, ou encore, dans des territoires occupés et déstabilisés); Des trafics de migrants et des flux d’armes générant du bénéfice net d’impôt; Des Etats de non-droit qui « découvrent » tout en censurant la presse; et des atteintes aux droits humains. Un cocktail redoutable permettant de comprendre d’avantage le rôle de groupes comme l’EI en termes de trafics, de contournement du droit onusien et de course à la guerre insurrectionnelle.

Source: Mediapart

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