Le samedi 3 février 2024, le Président Macky Sall a annoncé l’abrogation du décret portant convocation du collège pour l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024. Le Chef de l’Etat sénégalais a évoqué les «troubles qui pourraient gravement nuire au scrutin». Et proposé un «dialogue national ouvert… pour créer les conditions d’élections libres, transparentes et inclusives dans un Sénégal apaisé et réconcilié».
La proposition de loi portant report de l’élection présidentielle était portée par la formation politique de l’opposition, le Parti démocratique sénégalais (Pds) de Me Abdoulaye Wade dont le candidat, Karim Wade, a été recalé par le Conseil constitutionnel, à cause de sa double nationalité. Soutenue par la majorité présidentielle, cette proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale du Sénégal à la quasi-unanimité, par 105 voix pour et une voix contre, dans un climat tendu marqué par l’évacuation des députés de deux groupes parlementaires de l’opposition qui s’étaient opposés au vote sans débat du texte. L’élection présidentielle est donc reportée au 15 décembre 2024. Le vote a eu lieu dans un climat tendu avec la dispersion des premières manifestations à coups de grenades lacrymogènes, la coupure de l’accès à l’internet mobile à Dakar et le retrait de la licence de la télévision privée Wal Fadjiri.
En prenant cette décision inique à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, le Président Macky Sall porte ainsi un sale coup à la démocratie. Selon l’éditorialiste Vincent Hervouêt sur Europe 1, «Macky Sall fait du braconnage électoral mais ce n’est pas un coup d’Etat». La situation au Sénégal suscite de graves inquiétudes.
Dans un communiqué en date du 6 février, la Commission de la Cédéao encourage la classe politique à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral conformément aux dispositions de la constitution du Sénégal. «En ces temps difficiles pour le pays et la région, la Commission lance un appel à toutes les parties prenantes pour qu’elles renoncent à la violence et à toute action susceptible de troubler davantage la paix et la stabilité du pays. Elle exhorte les forces de l’ordre à faire preuve de la plus grande retenue et à protéger les droits fondamentaux de tous les citoyens… La Commission de la Cédéao restera attentive aux événements et prendra toutes les mesures nécessaires pour accompagner le gouvernement et le peuple sénégalais à maintenir la tradition démocratique du Sénégal».
Le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, appelle les Sénégalais à régler leur «différend politique par la concertation, l’entente et le dialogue».
Les exemples du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée Conakry doivent servir de leçons aux forces politiques et sociales du Sénégal. Aujourd’hui, elles ont l’obligation de construire un consensus politique autour de l’intérêt général du Sénégal. Un pays de forte tradition d’alternance politique et de dialogue. Pour ce faire, le Sénégal dispose de nombreux et importants leviers. Dans une sous-région et un monde en plein soubresaut, elles doivent se garder de mettre le pays sur certaines pistes. Elles doivent travailler à construire un consensus pour la poursuite du processus électoral.
Dans un texte collectif intitulé : «Restaurer la République», un groupe d’intellectuels appelle à «exiger le respect du calendrier républicain, de faire rétablir le droit par le Conseil constitutionnel…et de résolument restaurer leur République et leur idéal de vie commune».
Chiaka Doumbia