Dans son Arrêt n° 2024-04/Cc du 27 juin 2024, la Cour constitutionnelle du Mali a déclaré conformes à la Constitution et à la Charte de la Transition, les dispositions de la Loi organique n° 2023-058/Cnt-RM du 25 avril 2024 fixant les indemnités et autres avantages alloués aux membres du Conseil national de Transition (Cnt). Cette validation intervient après la prise en compte par ces derniers des observations et reformulations qu’elle leur a adressées dans un précédent Arrêt, celui n°2024-01/Cc du 18 avril 2024.
Au-delà de la pertinence voire la moralité de ces indemnités, toujours au cœur d’intenses débats au sein de l’opinion publique, l’Arrêt du 27 juin pose à priori un problème de cohérence. Par exemple l’article 8 du texte validé par “les 9 sages” dispose que «la présente loi, qui prend effet à compter de la date de mise en place du Conseil national de Transition, abroge toutes dispositions antérieures contraires et sera enregistrée et publiée au Journal officiel». Ce qui veut dire clairement que ladite loi rétroagit pour couvrir les actes antérieurs à son entrée en vigueur. Ainsi prend effet, depuis décembre 2020, date de l’installation du Cnt, une loi qui n’est pas encore promulguée par le Chef de l’Etat ni publiée dans le Journal officiel de la République du Mali !!!!
En validant cette proposition de loi, la Cour constitutionnelle confirme donc le fait qu’étaient sans base légale les indemnités payées aux membres de l’organe législatif de transition depuis son installation. Et c’est l’onction des sages de la Cour qui régularise ainsi cette anomalie vieille de 4 ans.
Cela survient au moment où des cadres privés de leurs libertés pour des faits similaires. Issaka Sidibé, ancien Président et Mamadou Diarrassouba, ancien questeur, Modibo Sidibé, ancien secrétaire général et Mamadou Touré dit Bavieux, ancien directeur administratif et financier de l’Assemblée nationale ont été inculpés par un juge d’instruction et placés en détention suite une mission effectuée par le Contrôle général des Services publics sur instruction du Premier ministre, Chef du gouvernement.
Pour le juriste Daba Diawara, ancien ministre de la république, la Cour constitutionnelle s’est rendue complice du blanchiment d’une infraction pénale. «Je sais depuis longtemps que la Cour constitutionnelle du Mali est au service du Prince du jour. Mais une de ses dernières décisions a fini de me convaincre que je n’avais pas pris la juste mesure de cette inféodation…
Je ne pensais pas que la Cour constitutionnelle pouvait aller jusqu’à se faire complice du blanchiment d’une infraction pénale que le juge a déjà retenue en mettant en prison les honorables Issaka Sidibé, Mahamadou Diarrassouba et leurs présumés complices… Les honorables Issaka Sidibé, Mahamadou Diarrassouba et leurs présumés complices sont aujourd’hui en prison pour avoir fait pour les députés élus sous le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita, ce que le colonel Malick Diaw, le colonel Dabitao et leurs collaborateurs ont fait pendant des années pour les membres du Cnt», écrit l’ancien ministre dans une tribune publiée, il y a quelques semaines.
L’histoire retiendra que pour des faits identiques dans le Mali Kura, certains sont envoyés en prison pendant que d’autres sont autorisés à les régulariser.
Deux poids, deux mesures ? Double standard? «Une injustice faite à un seul est une menace faite à tous», avertit Montesquieu.
Le challenger