L’hydrogène pourrait aider à se passer de pétrole. Mais le produire coûte énormément d’énergie. Or la Terre en produit naturellement. Des gisements qui restent à explorer.
L’exploitation de l’hydrogène que produit naturellement la Terre pourrait ouvrir une nouvelle ère énergétique
, estime Isabelle Moretti, ancienne directrice scientifique d’Engie, membre de l’académie des Technologies et chercheur à l’université de Pau et des pays de l’Adour et à la Sorbonne. Une ère, cette fois, non polluante et sans limite de ressources.
L’exploitation de l’hydrogène naturel, que les géologues appellent natif »,
suscite d’autant plus d’intérêt que l’usage de ce gaz, qui a triplé depuis 1975, sort de ses applications actuelles (raffinage pétrolier, production d’engrais, de méthanol et d’acier). Tant que l’usage de l’hydrogène restait limité à la chimie, ni les producteurs ni les pétroliers n’avaient intérêt à se pencher sur la production native. Ce qui explique qu’elle soit aujourd’hui encore mal connue
. Mais la donne change.
L’hydrogène alimentant des piles à combustible est désormais vu comme la meilleure solution pour les véhicules (à l’exception des avions, pour des raisons de volume) en complément des batteries. Si le couple hydrogène-pile à combustible a un rendement global deux fois moins bon que celui des batteries électriques (du fait de l’énergie nécessaire à la production de l’hydrogène), il offre une autonomie très supérieure (700 km pour une Hyundai Nexo) et un temps de rechargement de quelques minutes seulement. L’hydrogène présente en outre l’intérêt d’être une énergie qui, contrairement à l’électricité, se stocke sur le long terme, notamment dans des grandes cavités salines souterraines.
Mais, c’est le gros hic, pour produire les 74 millions de tonnes d’hydrogène (essentiellement à partir de gaz naturel d’origine fossile) actuellement consommées dans le monde, on émet 830 millions de tonnes de CO2. Et si l’on décidait de produire tout cet hydrogène en l’extrayant de l’eau par électrolyse, cela nécessiterait 3 600 térawattheures, soit davantage que toute la production électrique de l’Europe. L’hydrogène est certes un gaz dont l’usage comme réactif dans une pile à combustible ou comme carburant dans un moteur ne dégage pas de gaz à effet de serre. Mais sa production « verte »
en masse suppose une croissance gigantesque de la production d’énergie renouvelable.
Une réaction chimique de l’eau avec la roche
Sauf à capter ce fameux hydrogène natif
. Lequel semble bel et bien produit en continu par la croûte terrestre. Ceci par le biais de deux processus : la diagenèse qui est une réaction entre l’eau et certaines roches contenant des métaux, et la radiolyse, par laquelle la radioactivité naturelle des roches brise les molécules d’eau.
C’est surtout la première cause qui semble donner lieu aux plus fortes productions. Mais les ressources sont encore mal connues, en dépit de l’alerte qui avait été lancée, en leur temps, par des chercheurs russes ainsi que par l’Institut français du pétrole et l’Institut national des sciences de l’univers,
déplore Isabelle Moretti.
Très peu de sites sont exploités de par le monde. On en connaît au moins deux, au Mali et dans le Kansas. Mais la présence d’hydrogène natif est établie en Islande, où il serait facile à exploiter, ainsi que sur les rifts d’Afrique de l’est, ou encore dans la région de Moscou, au Brésil dans le Minas Gerais, aux Philippines, en Nouvelle-Calédonie et même dans les Pyrénées.
Isabelle Moretti, qui a pour sa part missionné des thésards pour mieux connaître les ressources identifiées à Djibouti, estime qu’ il faut maintenant adapter les méthodes de recherche – sismique ou aérienne – puis procéder à des forages pour savoir si les gisements sont viables
.
La scientifique, elle, en est convaincue : On est aujourd’hui vis-à-vis de l’hydrogène au même stade que lorsqu’on fabriquait le gaz de ville à partir du charbon. Et puis on a découvert qu’il en existait des gisements
Ouest France