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Emmanuel Macron, commandant en chef de la guerre au Sahel

Le président français reçoit lundi à Pau ses homologues du Sahel. But : prendre le leadership d’une coalition européo-sahélienne de lutte contre le terrorisme

Déplorant le manque de clarté du cadre d’intervention et d’accompagnement politique de la guerre au Sahel, Emmanuel Macron réunit, le 13 janvier au Château de Pau, les chefs d’État du Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie et Tchad pour un sommet à l’issue duquel la France renforcera son leadership dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans cette région.

Prisonnier d’un lobby militaire qui ne lui offre pas vraiment d’autre choix, Emmanuel Macron s’apprête à prendre la tête d’une grande coalition européo-sahelienne de lutte contre le terrorisme au Sahel. Ce nouveau schéma devrait être validé par les présidents ouest-africains avec la bénédiction de l’Onu, de l’Union européenne et de l’Union africaine, dont les chefs sont aussi attendus au Sommet de Pau. Il y a un mois, le chef de l’Etat menaçait pourtant de retirer ses troupes au Sahel en réponse à la montée du sentiment anti-francais, reprochant à certains alliés de ne pas assumer politiquement cette présence.

« Le Sahel est un laboratoire grandeur nature pour nos armées, explique un ancien disciple de Jacques Foccart, l’ex Monsieur Afrique de Charles de Gaulle. Depuis des années, elles n’avaient pas eu de champ d’action aussi large. Profitant de la faiblesse de l’Etat malien pendant la transition en 2012, François Hollande et Jean-Yves le Drian ont brandi le spectre d’une prise de Bamako par les groupes armés du Nord pour combler le vide sécuritaire  ».

Réticent à poursuivre l’aventure pendant la campagne électorale, le chef de l’Etat s’est laissé convaincre par l’armée, ce qui prouve l’influence des généraux sur tous les présidents de la Ve République. «  Le traumatisme de la démission avec fracas – du jamais vu depuis la fin de la guerre d’Algérie – du général Pierre de Villers est encore présent, ajoute l’ancien disciple. Le chef de l’Etat ne peut prendre l’armée à rebrousse poil, même s’il est désabusé par le délitement de la situation sécuritaire, particulièrement au Burkina et au Mali où les dirigeants sont accusés de laxisme ».

Un engagement coûteux. Depuis longtemps, les Opérations extérieures (Opex) sont devenues la vitrine – mais fort onéreuse – des engagements de l’armée française. Elles sont même un élément clé des recruteurs pour convaincre les nouveaux engagés. Soldats comme mécanos, cuistots ou transmetteurs veulent y participer pour toucher les juteuses primes. «  Ça fait bouillir la marmite, explique un historien des armées. On finit même par oublier la raison pour laquelle nous sommes sur le terrain.  ».

Le chef d’État-major des armées, le général Lecointre, justifie aussi cet engagement pour le rodage des équipements et l’entraînement de la troupe. Mais les résultats sont décevants. Le dispositif Barkhane (4 500 hommes) a pris le relais à l’été 2014 de l’opération Serval, qui avait repoussé les djihadistes au nord Mali. Objectif : stabiliser le Sahel.

Six ans plus tard, le front terroriste s’est répandu au Centre du Mali, au Burkina et au Niger. Il menace le nord de la Côte d’Ivoire et du Bénin, même si le ministère des Armées se targue régulièrement d’éliminer des djihadistes. Ces annonces martiales rappellent le temps des dominations coloniales où l’on donnait le bilan des HLL (hors la loi, ex-soldats de l’ALN, l’armée de libération nationale) tués en Algérie.

Sur le terrain, la coopération avec les alliés burkinabé et malien n’a pas atteint les effets escomptés. Du Quai d’Orsay, à l’hôtel de Brienne, siège du ministère des Armées, en passant par l’Elysée, on dénonce la faillite de partenaires incapables d’enrayer la menace terroriste. «  Jusqu’à présent, on misait sur nos partenaires sahéliens pour diluer les microsituations insurrectionnelles, indique un diplomate français. Mais, ils s’en montrent incapables et cohabitent même avec ces insurrections  »

Pour sortir du bourbier, Emmanuel Macron fait le choix de davantage de leadership en mettant aussi ses alliés devant leurs responsabilités. Il s’appuie sur son plus fidèle partenaire, le président nigérien Mahamadou Issoufou, qui appelle depuis des mois à la mise sur pied d’une grande coalition internationale pour combattre le terrorisme au Sahel. Paris n’est pas à l’aise avec le terme, qui rappelle les coalitions sous leadership américain en Afghanistan et en Irak, et a proposé de la nommer «  coalition Barkhane  ».

Un nom difficile à porter pour nos partenaires. Au sommet de Pau, les chefs d’Etat devraient choisir finalement entre «  coalition Sahel de lutte contre le terrorisme  » ou «  coalition pour la lutte contre le terrorisme dans le Sahel  ».

Ces derniers jours, l’Elysée leur a proposé la mise en place d’un commandement unifié des opérations et d’un état-major conjoint du dispositif Barkhane et du G5 Sahel, qui pourrait être basé à N’Djamena, quartier général de la force Barkhane. C’est aussi de là que devrait être piloté le nouveau dispositif Takouba, composé des forces spéciales européennes et destiné à la formation et l’appui logistique des unités d’élite sahéliennes.

«  C’est un habillage pour prendre le commandement des opérations au Sahel, ce qui atteste de l’échec de la force du G5 Sahel, confie un expert des questions militaires. In fine, la France se comporte comme les Américains, même si elle ne veut pas l’avouer  ».

«  France dégage  ». Les alliés sahéliens vont-ils accepter ce nouveau schéma ? Les dirigeants du Niger et du Tchad l’appellent de leurs vœux. Ceux du Mali et du Burkina, toujours prompts à agiter la fibre nationaliste, pourraient être un peu plus réticents. Emmanuel Macron demandera aussi à ses partenaires une plus grande implication dans les combats. La priorité sera donnée à la lutte contre l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et Ansarul islam dans la région des trois frontières (Mali, Burkina, Niger). L’armée tchadienne devrait mobiliser davantage de soldats dans cette région. La Mauritanie restera concentrée sur le fuseau ouest, à la frontière mauritano-malienne.

«  Enclenchée au sommet du G8 à Biarritz, toute cette séquence a été montée à la va-vite en novembre pour répondre à l’émoi des 13 soldats français de l’opération Barkhane décédés dans une collision d’hélicoptère au Mali, confie le diplomate. Elle apparaît comme un aveu de faiblesse du chef de l’Etat par rapport à un establishment militaire réclamant toujours plus de moyens. »

Au sein de l’armée, les tiraillements sont fréquents entre le général Lecointre, adepte du recours aux troupes conventionnelles, et le général Saint-Quentin, en charge des opérations et fervent partisan de l’emploi des forces spéciales, plus adaptées au combat antiterroriste. Sans véritable stratégie, l’Elysée arbitre plus en tenant de ménager les différents intérêts corporatistes de l’armée.

A Pau, Emmanuel Macron endossera son costume de grand chef de la coalition militaire sahélienne. Mais il aura du mal d’échapper aux critiques sur les visées impérialistes de son pays alors que les Maliens ont encore brandi, vendredi, lors d’un défilé à Bamako, des pancartes avec la mention «  France dégage  ».

Source: lopinion

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