L’implication des parents, des enseignants, des communautés, et l’engagement des autorités et des organisations internationales peuvent aider à scolariser tous les enfants. C’est le cri de cœur de Eliane Luthi, chef communication du bureau Unicef Mali. Pour Eliane Luthi, l’objectif de cette édition qui s’est tenue à Kéniéba du 14 au 18 septembre est de s’assurer que les enfants puissent partir à la rencontre des enfants les plus vulnérables.
Les Echos : Que faut-il retenir d’Oxyjeunes ?
Eliane Luthi : Oxyjeunes, c’est un événement annuel qui est organisé par le ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille avec le soutien des autres ministères et l’Unicef. C’est vraiment une plateforme d’expression pour les enfants, c’est-à-dire comme vous le savez, le droit à l’expression est protégé dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Malheureusement quand on regarde au niveau du Mali et dans d’autres pays, on ne voit pas cette voix de l’enfant publiquement et dans les médias. Donc Oxyjeunes, c’est vraiment une plateforme qui nous permet à la fois de former les enfants sur leurs propres droits, et de les outiller pour qu’ils puissent s’exprimer sur leurs droits et les promouvoir. Nous sommes à la 12e édition, et c’est une édition très spéciale cette année, par ce que nous sommes dans une zone qui est très isolée. L’objectif de cette édition est de s’assurer que les enfants puissent partir à la rencontre des enfants les plus vulnérables, les enfants qui travaillent sur des sites d’orpaillage, les filles victimes de mariage précoce, les autres enfants qui n’arrivent pas à accéder à l’école par ce que l’école est trop loin de leurs domiciles. On est ici dans des communautés de grande vulnérabilité. C’est dans la région de Kayes qu’on a le taux de mariage précoce le plus élevé du pays. C’est 2 filles sur 3 à Kayes qui se marient avant l’âge de 18 ans. Au niveau du travail d’enfants, c’est 1 enfant sur 2 qui est dans le travail. On est dans une région minière, on est dans une région de migration, donc tous ces facteurs combinés font que les enfants sont beaucoup plus exposés au risque d’abandon scolaire que dans d’autres régions.
On est à la veille de la rentrée scolaire et l’Unicef estime qu’i y a deux millions d’enfants qui sont en dehors du système scolaire au Mali. C’est une situation très alarmante. Ce sont des enfants en âge scolaire qui ont entre 5et 18 ans. Maintenant pour s’assurer qu’autant d’enfants puissent regagner les bancs scolaires, il faut l’implication de tous, il faut l’implication des familles, des parents, par ce que c’est leur devoir d’envoyer les enfants à l’école, l’implication des enseignants, des communautés, mais il faut l’engagement au niveau national, de autorités, des organisations internationales. C’est seulement si tout le monde s’implique qu’on peut s’assurer que chaque enfant malien peut aller à l’école. Et le rôle des enfants est primordial parce que l’enfant est messager pour les autres enfants. Notre espoir lors de cette édition est que ces enfants puissent aller à la rencontre des autres enfants vulnérables ensuite faire le plaidoyer pour eux. Donc, Oxyjeunes, c’est vraiment une plateforme pour outiller les enfants pour qu’ils deviennent la voix des sans voix.
Les Echos : qu’est ce qui explique le choix de Kéniéba ?
E.L : D’abord, le choix du thème fait suite à ce constat que 2 millions d’enfants maliens en âge scolaire ne vont pas à l’école, c’est alarmant et on peut changer la situation, mais il faut l’implication de tous.
Pour le choix de Kéniéba, c’est parce qu’on a des indicateurs alarmants. A Kéniéba, pour quatre filles qui rentrent à l’école primaire, une seule termine, les trois autres abandonnent en cours de route. Donc on est dans une zone à risque d’abandon scolaire et c’est pour ça qu’on a choisi de venir ici pour que les enfants constatent la situation de leurs camarades déscolarisés.
Les Echos : Quel est l’impact des éditions passées
E. L : Je pense que le premier impact que je remarque, c’est au niveau de la place des enfants dans les médias. Je trouve que les médias maliens sont beaucoup plus prêts à faire entendre la voix des enfants à interviewer les enfants, à raconter leurs histoires et expériences. Vous savez nous sommes dans un pays où 50 % de la population est enfants, donc il faut que cette partie vulnérable de la population soit écoutée. Donc, le changement le plus grand que j’ai remarqué c’est vraiment que les médias ont de plus en plus sensibles aux questions d’enfants qu’ils travaillent de plus en plus avec les enfants, avec les enfants journalistes, avec les enfants parlementaires avec les enfants ambassadeurs pour faire entendre leurs voix et je pense que le rôle des médias est très important pour amplifier le plaidoyer des enfants, donc je suis très contente de voir cette évolution et on compte sur les médias, et leur accompagnement.
Cette édition se tient à moins de 2 semaines de la rentrée scolaire, il s’agit de parler des enfants non scolarisés, est ce que vous pensez que cela va avoir un effet immédiat sur cette rentrée ?
Je pense que c’est un message qui continue avant la rentrée, pendant l’année scolaire et même pendants les vacances. Notre espoir est que tous ces enfants qui viennent de toutes les régions du Mali puissent retourner dans leurs régions et faire porter loin ces messages. Maintenant, la campagne a aussi une particularité cette année, le thème est « pour chaque enfant une éducation de qualité » et à travers le Mali on des enfants ambassadeurs de la rentrée scolaire, ils ont plus de 3800 enfants qui sont actifs partout dans le Mali qui sont entrain de faire la sensibilisation de porte à porte au sein de leurs communautés, sensibiliser les parents sur le droit à l’éducation et ils vont dans les ménages les plus vulnérables là où il y a les enfants à risque d’abandon scolaire, c’est une approche appelée approche enfant- enfant. Donc on utilise le pouvoir d’expression des enfants pour sensibiliser les parents. Cette année avec cette approche, une semaine après la rentrée scolaire, les mêmes gens vont passer dans tous les ménages sensibilisés pour voir si les enfants ont retourné à l’école ou pas. Donc on a une manière directe de savoir grâce à une nouvelle technologie, c’est des téléphones mobiles très simples qui nous aident à enregistrer le retour des enfants à l’école
Les Echos : Une évaluation de la campagne ?
Une semaine après la rentrée déjà on aura une première idée d’efficacité de la campagne. En fait, c’est des choses qu’on mesure, bien sûr on appui le ministère de l’Education nationale tout au long de l’année pour s’assurer que les enfants vont à l’école. Il y de mécanismes en place pour des enfants déscolarisés, nous avons dans la région de Kayes ce qu’on appelle « école passerelle » pour des enfants qui ont été déscolarisés longtemps ils peuvent regagner l’école en passant par ces structures qui sont une manière de réintégrer les enfants dans les écoles. Donc il y a des mécanismes en place pour ces enfants.
Propos recueillis
Idrissa Sako
Les echos