Mopti, 11 juin (AMAP) Sous un soleil de plomb, ce mardi 9 juin, jour de foire hebdomadaire à Fatoma, situé à 15 km de Sévaré, sur la Route nationale (RN) 6, le vieux Ousmane Kane Diallo, président du comité de gestion du parc à bétail, assis sur un pan d’un abreuvoir, visiblement soucieux, a accueilli l’équipe de reportage de l’AMAP.
Ici, un des grands centres de regroupement, les usagers ne se soucient pas de mesures barrières contre la Covid-19. Si certaines personnes utilisent le turban pour se couvrir la tête et une bonne partie du visage, la plupart ne porte pas de masque. Le premier constat, en ce grand lieux de rassemblement où les personnes et les animaux sont en contact direct, est l’absence total de kits de lavage de mains au savon et de gel hydro alcoolique. « Depuis environ cinq ans, nous souffrons avec l’insécurité, les enlèvements de bétail, les engins explosifs qui détruisent les troupeaux et la forte réduction de la mobilité des animaux. Voyez, vous-mêmes le parc, il y a plus de personnes que de bêtes. On nous a tous volé », nous confie le président.
« A ce sombre tableau est venu se joindre la maladie du Coronavirus qui nous a totalement asphyxié. Du fait de la Covid-19, avec la fermeture des frontières, les acheteurs potentiels qui nous viennent des pays voisins subissent le confinement », a-il poursuivi.
Selon le président Ousmane Kane Diallo, le parc, qui recevait plus de 2.000 têtes de bœufs par foire, n’enregistre actuellement qu’environ 600 animaux. Cela, parce que la zone exondée qui couvre les cercles de Douentza, Bandiagara, Bankass et Koro n’ont plus accès au marché du fait de l’insécurité. « En termes de taxes de sortie et d’embarquement fixée à 150 F par animal, le parc générait environ 200.000 Fcfa par foire contre au plus 60 000 Fcfa maintenant », a déploré M. Diallo.
Rien ne va plus dans cette infrastructure structurante où tous, enfants avec boite de peinture pour le marquage à 25 Fcfa chaque animal payé, les vendeuses d’eaux fraiches et de boissons sucrées trouvaient leur compte. « Tout le monde sait que les éleveurs de la région paient un lourd tribut aux conflits. Nous souffrons. Cependant, nous n’avons pas encore reçu d’accompagnement de l’Etat pour lutter contre la maladie. Nous avons besoin de kits de protection contre la pandémie et d’appui pour soulager les victimes d’enlèvements et de vol de bétails », a plaidé le président du comité.
Bien plus qu’une crise sanitaire, la pandémie de la Covid-19 a frappé de plein fouet le sous-secteur de l’élevage au Mali, à l’image des autres segments du développement a déclaré le directeur régional des productions et industries animales de Mopti, Hamadi Kane Diallo, dans un entretien avec l’AMAP.
Ce sous-secteur de l’élevage, qui faisait la gloire de la Région de Mopti, avec son potentiel de contribution à la sécurité alimentaire et de création de richesse, à travers la filière bétail-viande et lait, est aujourd’hui à la croisée des défis du changement climatique, avec la dégradation et le rétrécissement des parcours pastoraux, la recrudescence de l’insécurité, du vol de bétail, l’accès difficile aux zones de pâturage conjugués avec la pandémie de la Covid-19.
Le sous-secteur de l’élevage est un des piliers essentiels de l’économie de la région de Mopti qui a une vocation agro-sylvo-pastorale. Selon les statistiques nationales, le sous-secteur contribue à près de 19% du PIB soit la troisième source de revenu pour le pays après l’or et le coton. Pour la campagne 2018-2019, l’exportation du bétail sur pied au Mali a généré près de 88 milliards de Fcfa de valeur monétaire et procuré de l’emploi à près de 8,2 millions personnes avec une contribution de premier plan de la région de Mopti qui abrite plus de 19% de l’effectif des bovins et 28% du cheptel ovin et caprin du pays.
Selon le technicien, la mise en application des mesures barrières comme le couvre-feu a longtemps impacté la cueillette, la transformation des produits laitiers et le mouvement des consommateurs, entrainant une baisse drastique de revenus chez les producteurs.
En matière d’élevage, nos exportations de bétail sur pied sont destinées à des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Ghana. Du fait des différentes mesures de restriction de la circulation et de fermeture des frontières, le marché extérieur est à l’arrêt. Les exportateurs de bétail, les transporteurs et les intermédiaires sont tous au chômage. Une véritable période de vaches maigres pour des milliers de chefs de famille qui tirent leur revenu du secteur.
Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la Covid-19 et la protection des acteurs du secteur, la Direction régionale des productions et industries animales (DRPIA) « en collaboration avec les services vétérinaires et de santé, a initié une vaste campagne d’information des éleveurs sur la maladie du Coronavirus et les mesures barrières édictées », a indiqué M. Diallo.
DC/MD (AMAP)