Une « quatre-vingtaine ou une soixantaine de partis politiques dans notre plateforme, plus de 300 associations et mouvements politiques, 200 élus ou cadres transhumants politiques… Les chiffres et valeurs estimatives fusent de toutes parts dans une tromperie quasi-généralisée.
«Tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute !». Nos leaders politiques semblent écarquiller béatement les yeux dans la litanie des chiffres sur la fameuse « mobilisation » en leur faveur. « Plus de 60 associations et 10 partis politiques réclament la candidature de Soumana Sacko », «Plus de 300 associations et mouvements dans l’alliance…», « Des centaines de jeunes se mobilisent pour notre cause dans tel ou tel coin du pays »…
Ces propos sont abondamment ressassés aujourd’hui et meublent les colonnes de nos journaux. Ceux qui les tiennent brandissent ces élucubrations comme des trophées de guerre et nul ne semble se préoccuper pour vérifier ces chiffres dans leur exactitude. Comment d’ailleurs vérifier la composition d’une plateforme constituée de 100 associations quand on sait qu’une association est représentée par une ou deux personnes ?
C’est ainsi que ces escrocs d’une nouvelle espèce sillonnent les états-majors politiques pour soutirer de l’argent aux premiers responsables des partis pour préparer la prochaine élection présidentielle. C’est de cette façon que, à titre d’exemple, la Convention de la majorité présidentielle, qui était forte d’une « soixantaine de partis politiques, s’est vu brusquement augmenter son effectif. Son président, Dr Bokary Tréta, lors d’une sortie le samedi dernier au grand hôtel, a annoncé à gorge déployée que « 80 partis politiques se donnent la main pour faire réélire IBK à la tête du pays ». L’on est tenté de réclamer la liste de ces 80 partis politiques. Là aussi, le jeu est simple avec des inventions d’acronymes et des anagrammes pour créer des formations politiques qui n’existent que dans le subconscient de ces apprentis politiciens ou des apprentis sorciers de la scène politique. C’est dans ce sens que le parti national panafricain (PNP) aura son sosie, le Nouveau parti national (NPN) et chacune des deux entités politiques présumées n’est représentée que par un illustre inconnu prêt à réclamer son strapontin pour la campagne électorale qui s’annonce ou à prétendre à une prébende post-élection ! Qui trompe qui ?
En outre, l’on peut se demander comment la majorité présidentielle a-t-elle pu obtenu son excroissance quand on sait que durant ce quinquennat finissant la mouvance au pouvoir a plus perdu de plume qu’elle n’en a gagné. Les partis SADI d’Oumar Mariko, ADP-Maliba du député Amadou Thiam, Yelema de Moussa Mara, le CNID de Me Mountaga Tall et peut-être la CODEM du désormais ancien ministre de l’Education, Housseini Amion Guindo dit Poulo ne sont-ils pas, entre autres, des formations politiques qui ont lâché IBK pour diverses raisons ? Comment alors Dr Tréta peut-il légitimement débiter sur la télévision nationale que 80 partis vont signer une alliance pour faire réélire IBK à la tête du pays ? Toute honte bue, des cadres du RPM, comme pour corriger un tant soit l’exagération servie, ont préféré parler d’une soixantaine de formations politiques.
Du côté des associations et mouvements politiques, on se perd dans le flou arithmétique qui nous est servi comme si nous n’avons pas de jugeote ! Comment ne pas sourire quand on débite des monstruosités comme « 300 à 500 associations » soutiennent le président sortant. Certains osent aller jusqu’à dire que « 700 à 1000 associations réclament la candidature » du chef de l’Etat. A croire qu’il y a de nouveaux spécialistes du déchiffrage ou de la comptabilité dans le pays. Par quel mécanisme peut-on arriver à compter aisément autant d’associations ?
De même, du côté de l’opposition, les faiseurs de chiffres ne chôment pas. L’on annonce une vingtaine ou une trentaine de partis politiques prêts à signer le manifeste pour l’alternance et le changement. L’on glose en même temps sur quelque 300 associations soutenant le leader de l’URD, Soumaïla Cissé dans la course pour la présidence de la République…
Comme on le voit, ces chiffres permettent aux uns et aux autres de se livrer une certaine guerre psychologique avant le scrutin. Ils préparent aussi les esprits à des velléités de contestation des résultats électoraux. Car, l’on oublie souvent que ces « centaines et milliers d’associations et de partis politiques créent tout au plus ce que les politologues appelle « un phénomène de foule ». Et la foule n’est pas nécessairement constituée d’électeurs, mais de curieux, de badauds et d’oisifs !