C’est toujours un immense plaisir pour nous d’être à cette tribune d’expression démocratique pour partager avec les décideurs nationaux nos préoccupations et nos préconisations en faveur de la promotion et la protection des droits humains au Mali.
Mesdames/Messieurs les membres du Jury
Monsieur le Premier Ministre
Mesdames/Messieurs les membres du Gouvernement
Mesdames/messieurs, distingués invités
Permettez-moi de vous entretenir de nos inquiétudes et réflexions sur des problématiques liées entre autres à : i) la justice et à l’impunité ; ii) l’insécurité galopante, iii) atteintes aux libertés d’expression et de manifestation, iv) enfin à l’inégalité d’accès aux médias d’État…
S’agissant de la lutte contre l’impunité, si l’AMDH s’était réjouie à cette même tribune en décembre 2017 des avancées enregistrées, nous sommes au regret de constater que l’année 2018 a été marquée par peu ou pas de progrès notables en matière de la lutte contre l’impunité.
Nous constatons avec consternation des initiatives allant dans le sens de la promotion de l’impunité au Mali.
Je voudrais en l’occurrence citer l’initiative de la loi dite d’entente nationale qui risquerait d’anéantir tous les efforts consentis par l’État lui-même, ses partenaires et la société civile en matière de justice, de paix et de réconciliation nationale. Si elle venait à être votée par les députés le 13 décembre 2018, elle renforcera davantage la mésentente en République du Mali.
Mesdames/Messieurs, qu’est-ce que ce projet de loi dit en substance ?
Il prévoit l’exonération des poursuites pénales contre les personnes ayant commis des crimes et délits punis par le code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Mali. Bien que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le viol soient apparemment exclus de son champ d’application, le projet de loi contient des mécanismes inadéquats qui garantiraient l’impunité aux personnes responsables de ces crimes et d’autres graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrées pendant la crise de 2012. Les mécanismes qui seront mis en place par ce projet sont flous et portent des dangers pour les victimes.
D’où notre crainte qu’en l’absence d’enquêtes fiables et impartiales abouties au Mali, qu’une loi d’entente nationale prévoyant des amnisties ne conduise à exonérer les principaux responsables à répondre de leurs actes devant les cours, les tribunaux et la Nation.
Nous, organisations de défense de droits humains, tenons à préciser toutefois que nous ne nous opposons pas à une loi d’entente nationale ; mais nous nous opposons à ce projet de loi en l’état élaboré sans consultation d’aucune des victimes et les organisations de défense de droits humains. Nous estimons également qu’une loi d’entente n’est pas opportune en l’état actuel de la situation du Mali puisque la crise est encore en cours et que la commission vérité justice et réconciliation (CVJR) et la Commission d’enquête internationale sont encore en train de travailler pour établir la vérité sur les événements passés.
Par conséquent, il est impératif que ce texte ne soit pas adopté, parce qu’il représente une grave menace à l’État de droit et aux droits des victimes, et risque de mettre à mal les efforts déployés par le Gouvernement, la société civile et les partenaires afin d’atteindre une véritable réconciliation au Mali. Ainsi, nous voudrions exhorter le Gouvernement du Mali à retirer le projet de loi dit « d’entente nationale » pour ensuite engager des consultations.
En ce qui concerne l’insécurité au Mali, comme signifié à l’occasion de la publication de notre rapport «Centre-Mali les populations prises au piège du terrorisme et du Contre-terrorisme» le 20 novembre dernier, la situation du centre est particulièrement préoccupante. Le Centre est en proie à des violences d’une extrême gravité qui auraient fait, selon les chiffres disponibles, environ 500 victimes civiles entre janvier et août 2018. Si nous avons appris avec beaucoup de bonheur l’élimination de Amadou Kouffa par les FAMA et Barkane, nous estimons cependant qu’il faille adapter le Plan de sécurisation des régions du centre du Mali en y intégrant notamment les dispositions suivantes :
• Poursuivre les efforts en faveur du désarmement, la démobilisation et la réinsertion des éléments des groupes armés, milices et autres groupes d’auto-défense présents et actifs ;
• Garantir la sécurité des biens et des personnes notamment par le déploiement de forces de défense et de sécurité pleinement respectueuses des droits des personnes ;
• Promouvoir la consultation des communautés locales aux politiques de sécurité dans leurs zones ;
• Restaurer et renforcer la confiance entre les populations locales et l’État à travers des actions de sensibilisation et de renforcement de la sécurité des personnes et de leurs biens
Mesdames/Messieurs les membres du Jury
Monsieur le Premier Ministre
S’agissant des libertés d’expression et de manifestation consacrées à l’article 5 de la constitution du Mali, l’AMDH attire votre attention sur des atteintes régulières à ces libertés sous couvert de l’État d’urgence appliqué parfois de façon discriminatoire et sélective. Les tendances actuelles des pouvoirs à porter atteinte aux droits constitutionnels garantis sont de nature à mettre en péril notre démocratie chèrement acquise. En témoigne, le récent arrêté du Gouverneur qui foule aux Pieds la constitution et les traités internationaux sous la fallacieux prétexte de l’état d’urgence.
Par rapport au droit à l’information et à l’égal accès aux médias d’État, AMDH voudrait également alerter les plus hautes autorités sur des restrictions flagrantes à ces droits fondamentaux.
L’AMDH voudrait particulièrement interpeller les autorités sur le traitement sélectif et discriminatoire et des censures répétées et injustifiées de l’Office de Radiodiffusion Télévision du Mali (ORTM), notre fierté d’antan.
Monsieur le Ministre de l’économie Numérique et de la communication, nous voudrions vous inviter à faire un sondage auprès de l’opinion nationale sur l’audience de l’ORTM, à commencer par cette auguste assemblée.
Aujourd’hui peu de maliens suivent l’ORTM, Hélas !
Vous savez pourquoi monsieur le Ministre? Pour informer, s’informer ou éclairer l’opinion, les maliens sont obligés de se focaliser sur les Télé et Radio Privées, nationales ou internationales, heureusement qu’elles existent.
Enfin, nous encourageons la Haute autorité pour la communication (HAC) et le Comité d’égal accès aux médias à jouer pleinement leur rôle sans discrimination et dans le strict respect des textes qui régissent le domaine.
Monsieur le Ministre de l’économie numérique et de la communication, où en est-on avec ce projet de texte visant à dépénaliser le délit de presse annoncé depuis quelques années. A quand la réalisation de cette promesse du Gouvernement faite il y a plus d’un an, je cite : «Aucun journaliste ne doit se retrouver en prison à cause de son opinion, par conséquent, aucun journaliste ne sera poursuivi pour délit de presse en république du Mali ».
En ce qui concerne l’enseignement, nous voudrions aussi attirer l’attention de Monsieur le Ministre de l’éducation nationale sur certaines faiblesses dont la suspension des soutenances dans beaucoup d’universités.
Parlant des droits des femmes, nous exhortons madame la ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille de faire diligenter l’adoption d’une loi sur les VBG dont un avant-projet de loi a déjà été élaboré de concert avec les organisations de la société civile.
Enfin, des grognes sociales, sur tous les fronts inquiètent sérieusement doivent interpeller les plus hautes autorités.
Nous voudrions en particulier encourager le Premier Ministre et les membres du gouvernement à privilégier davantage le dialogue social et la pédagogie avec toutes les forces vives de la nation dans le règlement des conflits sociaux et politiques récurrents et cela dans le souci de ramener un climat de paix au Mali et de renforcer la confiance des citoyens dans les institutions.
Je vous remercie.
Fait à Bamako, le 10 Décembre 2018
M. Brahima KONATE
Membre du Bureau National de l’AMDH
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Drissa TRAORE Coordinateur Projet Conjoint FIDH-AMDH Tel portable: +223 78 16 51 07 Tel bureau: +223 20 22 34 62 @dritraore79
Source: info-matin