Le Premier ministre, Boubou Cissé, vient de boucler une tournée de cinq jours dans la région de Mopti, au cours de laquelle il a posé plusieurs actes de nature à rassurer nos compatriotes affectés par les événements tragiques. S’il y a une annonce qui aura retenu l’attention des observateurs et dont les retombées seront scrutées à la loupe dans les semaines et les mois à venir, c’est bien celle du déploiement de plus de 3000 hommes supplémentaires sur le terrain. L’annonce est un gage de crédibilité pour l’Etat, car elle préfigure une présence massive et permanente des forces de sécurité dans les zones, où, les groupes criminels se sont installés à demeure et s’adonnent tranquillement à des équipées macabres.
Ce déploiement d’un nombre conséquent d’hommes, s’apparente à un changement tactique de la part des pouvoirs publics dans la gestion de l’insécurité dans cette zone. La pratique des patrouilles qui se caractérise par la présence momentanée des soldats dans les localités, n’est nullement dissuasive pour les groupes radicaux. Sachant que les militaires sont simplement de passage, ces derniers n’ont qu’à se cacher et garder l’arme au pied en attendant que la patrouille tourne le dos pour reprendre possession du terrain. Maîtres des lieux parce que présents en permanence, ils ont le loisir de continuer à imposer leur diktat.
La présence en nombre des forces de sécurité permet de reprendre le contrôle du terrain et de renforcer la crédibilité de l’Etat aux yeux des populations qui attendent légitimement de la force publique protection et réconfort quand surviennent les périls.
Les militaires maliens seront désormais épaulés dans leur tâche par les Casques bleus. Ce changement notable dans la posture des troupes de l’ONU prouve que les massacres de ces derniers mois ont dû émouvoir jusque dans les bureaux aseptisés de l’immeuble de verre à New York. On pourrait y voir aussi le résultat du plaidoyer du gouvernement malien auprès du Conseil de sécurité à l’occasion du renouvellement du mandat de la Minusma fin juin. Jusqu’ici, les forces onusiennes déployées sur notre sol étaient restées juchées sur un promontoire d’observation, comptant les morts aussi bien en leur sein que parmi les populations et les militaires maliens. En plus, elles ne ratent pas d’occasion de rappeler aux autorités maliennes ce que celles-ci savent déjà, le devoir d’assurer la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire.
Nous avons fait appel à la communauté internationale, pas seulement pour se faire rebattre les oreilles avec le rappel du devoir régalien de l’Etat. Tout le monde est d’accord que le mandat de la Minusma est inadapté, mais impossible d’obtenir son réaménagement total pour l’adapter à la situation.
Si les autorités maliennes se gardent de toute critique ouverte, nos voisins, agacés par la situation à la limite de l’ubuesque et craignant la propagation du péril terroriste sur leur territoire, ne se privent pas de donner de la voix. On se souvient du retentissant « la Minusma ne sert à rien » du président guinéen Alpha Condé en avril dernier. Plus récemment, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, faisait remarquer qu’avec la moitié du milliard de dollars (environ 500 milliards de Fcfa) accordé annuellement à la mission onusienne au Mali, la Force conjointe du G5 Sahel pourrait éradiquer la menace terroriste dans l’espace sahélien. Soulignant que nos pays ont besoin de la solidarité internationale, le chef de l’Etat nigérien en a appelé à la formation d’une coalition internationale à l’image de celle qui est arrivée à bout de l’Etat islamique en Irak et en Syrie. L’idée n’est pas nouvelle.
On se souvient que la mobilisation internationale contre les groupes extrémistes du Sahel et du Sahara, avait été défendue sans succès par le président du Mali Amadou Toumani Touré. A l’époque, la rhétorique médiatique pointait notre pays comme étant le « maillon faible » d’une chaîne de sécurité, dont l’inexistence a été largement démontrée par les événements que nous vivons actuellement.
En attendant une hypothétique mobilisation plus accrue des grandes puissances à nos côtés – le Sahel n’a pas la même importance stratégique que le Moyen-Orient -, le gouvernement devrait continuer à renforcer sa présence sur le terrain. C’est la seule solution pour stopper la prolifération des groupes d’autodéfense qui prospèrent sur le terreau de l’absence de la force publique. L’insécurité a poussé les communautés à s’organiser pour se défendre. Elles en ont eu assez des incursions répétées de groupuscules armés dans les villages pour perpétrer des assassinats ciblés contre des notables réfractaires à leur domination.
La présence des forces de sécurité est de nature à dissuader les criminels et installer le sentiment de sécurité au sein de la population. Mais cet objectif louable pourrait être compromis si les hommes et les femmes en mission ne faisaient pas preuve d’exemplarité dans le comportement. S’exonérer des exigences du bon comportement et espérer gagner la sympathie des populations, est une gageure. Les représentants de l’Etat, civils et militaires, ont un devoir d’exemplarité.
En exhortant les populations à porter assistance aux forces de sécurité, il ne serait pas superflu de la part des autorités de rappeler constamment l’impératif pour les troupes d’une bonne image dans les contrées, où elles opèrent. Sous peine de discrédit, l’Etat ne peut faire l’économie de l’exemplarité des agents agissant à son nom. Sans cet effort de fermeté, tous les efforts seront vains. Nul doute qu’ils en sont capables ces hommes et femmes qui ont décidé de s’engager pour notre sécurité, allant souvent jusqu’au sacrifice ultime.
B. TOURÉ
Source: L’Essor-Mali