Le 31 octobre dernier, le pouvoir est devenu vacant à Ouaga après vingt sept ans de Blaise Compaoré étonnamment victime d’un naufrage au port pour quelqu’un qui avait tous les moyens de connaître la météo. Quinze jours plus tard, un sexagénaire est arraché à son verger pour diriger la transition burkinabe censée durer un an.
Le critère de son choix est limpide : ancien diplomate apprécié au Palais de verre à Manhattan, ancien ministre qui a traversé plusieurs régimes y compris celui de Compaoré, Kafando était de tous les candidats, celui qui avait rencontré des grandes personnalités dont des chefs d’Etat, hors du Burkina. Il avait siégé dans plusieurs conseils de ministres. Il sait comment se prend un décret, il connaît l’administration publique. Il était donc le candidat le plus immédiatement opérationnel pour conduire une transition qui n’aura pas de temps à perdre. Il doit donc sa désignation à ce critère décisif. Le rideau est donc tiré ? Pas si vite. Car les acteurs de la révolution qui se congratulent aujourd’hui à Ouaga, pourraient très vite réaliser que dégager Compaoré est bien plus facile que d’imposer le changement. La continuité démocratique balisée par la constitution qui prévoyait la présidentielle trois mois au plus après la démission de Compaoré n’aura pas été possible. La virginité révolutionnaire au nom de laquelle seuls les immaculés devaient compter, n’aura pas été valorisée, elle non plus. Le consensus a imposé le compromis. Et c’est ce compromis que Kafando devra gérer entre l’enclume du compaorisme sans Compaoré et le marteau des « citoyens balayeurs ». Il pourrait bien vite regretter l’ombre de ses manguiers.
Adam Thiam