Jadis très sollicité, le métier d’écrivain public perd de plus en plus sa place au grand désarroi de ses acteurs.
Dans le souci de respecter les règles de procédure des lettres administratives et ordinaires, du bon acheminement des courriers et des colis, du dépôt et retrait des cartes postales, le métier d’écrivain public était sollicité par le grand public et il nourrissait son homme. Mais aujourd’hui l’écrivain public a perdu ses lettres de noblesse.
Profitant de la journée de la poste, des acteurs du métier des écrivains publics se sont exprimés sur leur place d’antan et les difficultés auxquelles ils sont confrontés à l’heure du numérique. Parmi eux, Abdoulaye Doumbia, écrivain public devant la grande poste depuis 1980. “Je suis dans ce métier. J’exerce ce travail par nécessité, parce qu’à l’époque, après mes études, j’ai fait le concours de la Fonction publique 3 fois et je n’ai pas passé”, a-t-il confié. M. Doumbia se souvient de la période de faste :”En ce moment, on n’écrivait la lettre à 100 franc malien et on ne se plaignait pas parce que c’était la ruée”.
A l’en croire, le métier a toujours été exercé par des hommes âgés. ” Il n’est pas très sollicité par les jeunes ou à plus forte raison les femmes”, dit-il. Selon lui, les écrivains ont toujours exercé leur métier à la grande poste de Bamako.” Avant l’arrivée des nouvelles technologies, le métier était très rentable mais aujourd’hui, les clients se font rares”, explique-t-il. M. Doumbia a fait remarquer que si les choses continues sur cette lancée, ce métier est appelé à disparaitre dans les jours à venir. “Un travail qui a fait ses pluies et ses beaux temps. Aujourd’hui, il a perdu toutes ses lettres de noblesse”, lance Abdoulaye Doumbia.
Pour Drissa Dembélé, un retraité du trésor devenu écrivain public en 2001, “ce métier comme beaucoup d’autres métiers, nous le faisons par nécessité. C’est un travail qui commence à perdre ses valeurs nourricières. A l’époque, ce métier nourrissait son homme, avant la révolution de la technologie, les téléphones, l’internet ou toutes les formules standards des lettres administratives que ordinaires sont enregistrées”.
Le constat est alarmant, les valeurs de ce métier s’étiolent petit à petit. ” Dans ce travail, il n y a pas assez d’argent mais ça vaut mieux que de rester à la maison”, a expliqué Drissa Dembélé écrivain public.
“Le travail de l’écrivain public consiste aussi à orienter les clients pour le dépôt et le retrait des colis, des courriers, écrire des lettres administratives, des lettres ordinaires, des plaintes, faire des rapports et même de monter des projets, c’est dans ce canevas que s’inscrive ce métier d’écrivain public de nos jours”, a-t-il précisé.
En général, ces lettres administratives sont écrites au prix de 1000 FCFA, alors que celles ordinaires sont très prisées dans ce milieu et leurs prix varient entre 500 FCFA à 300 FCFA.
En ce qui concerne les rapports, ils sont établis au prix de 5000 FCFA tandis que les plaintes coûtent 3000 FCFA. Selon Drissa Dembélé écrivain public, en 2001, le métier était rentable, chaque jour, un écrivain public pouvait avoir en moyenne 2500 FCFA à 3000 FCFA par jour. “Mais aujourd’hui, avec l’évolution de la technologie et la décentralisation de la communication, il va sans dire que les écrivains publics gagnent moins”, témoigne M. Dembélé. Et d’ajouter que de nos jours, “ce n’est plus le cas, mais aussi que c’est une question de clientèle. Si vous avez des clients qui sont assidus, vous pouvez gagner la même somme”.
En effet, il y a aussi à côté de l’écriture, les emballages à savoir celui des cadeaux et celui postal.
Des difficultés et doléances
Parmi les difficultés, il y a d’abord l’incompréhension entre les écrivains et certains clients qui ne connaissent pas le cheminement des procédures. ” On a beau leur expliquer, ils ne comprennent pas. Ils se déchargent toujours sur vous en cas d’échec de leurs courriers ou de non réponse à la lettre envoyée”, explique-il.
Vu la place de cette activité, ces acteurs formulent des doléances. ” Les écrivains veulent un lieu beaucoup plus appropriés, plus décent conforme à la nature de leur travail qui est aujourd’hui la priorité des doléances que nous adressons aux autorités. Nous voulons un endroit stable”, a-t-il insisté.
S’agissant des relations entre les écrivains publics et les administrateurs de la poste, elles sont au beau fixe, a-t-il déclaré. “Ce métier comporte des risques parce que nous on ne fait que écrire ce qu’on nous dit d’écrire mais beaucoup de nos clients viennent s’en prendre à nous parce qu’ils n’ont eu le résultat escompté”, a fait savoir M. Dembélé.
Selon un jeune écrivain public, Amara Diarra, “il n y’a pas de sous métier, ce travail lui a permis de se perfectionner, de ne plus quémander de l’argent à ses parents. C’est une réalité que ce métier de nos est menacé mais nous vivons dans un pays où avoir du boulot est presque un rêve”.
Malgré les difficultés, le métier d’écrivain public reste très passionnant et continue de rendre un grand service à un grand nombre de citoyens.
Moribafing Camara
Source: L’Indicateur du Renouveau