Au Mali, en Guinée Conakry, au Tchad, au Burkina Faso, ce sont désormais les militaires qui dirigent le pays. Comment explique-t-on ce retour en arrière après plus de trente ans de pratique démocratique sur le continent africain ?
Faut-il voir dans le retour des militaires dans la gestion des Etats, un échec de la démocratie ? Le vent de la démocratie avait soufflé sur les Etats africains dans les années 90. Après des régimes dictatoriaux et monarchiques, il avait été « souhaité » que les Etats africains expérimentent la démocratie à l’européenne qui est la conquête et l’exercice du pouvoir par le biais des urnes. Plusieurs chefs d’Etat à l’époque paieront de leur vie ou de leur pouvoir pour s’être opposés à l’arrivée du vent de la démocratie dans leur pays. Mais, ce qui était écrit, est écrit. La démocratie viendra en Afrique et remplacera nos empires dirigés par des rois ; nos Etats dirigés par des « dictateurs ». Et la démocratie fut imposée aux Etats africains comme une camisole de force.
Nous sommes en 2022, soit plus de trente ans après que le vent de la démocratie ait soufflé sur nos Etats. Mais, il y a toujours des coups d’Etat. Les militaires continuent de faire irruption dans la gestion des affaires étatiques. Ils prennent par la force des armes le pouvoir, et l’exercent. Bien sûr, il y a toujours une levée de boucliers contre cette pratique qualifiée de révolue et de barbare, digne de l’époque où l’Afrique était encore « sauvage ». Mais, cela ne semble plus émouvoir les « sauvages ».
Faut-il trouver des explications à ce retour des militaires au pouvoir ?
En réalité, les militaires n’ont jamais quitté la gestion des affaires étatiques. Plus clairement, les coups d’Etat n’ont jamais cessé. Il y a toujours eu les coups d’Etats malgré l’avènement de la démocratie.
La plupart des coups d’Etat ont été justifiés par une déception dans la gestion des élus du peuple. Si le démocrate déçoit, cela va de soi qu’il soit redressé. La démocratie voudrait que cela se fasse à travers les urnes. On appelle ça « vote sanction ». Mais que se passe -t-il si cette procédure est corrompue et n’offre aucune garantie de pouvoir sanctionner les « mauvais gestionnaires » du pays ?
Au Mali, Moussa Traoré avait mis fin au régime de Modibo Kéita. Lui-même sera victime de coup d’Etat en 1991. Et celui qui perpétra ce coup d’Etat, sera lui-même déposé en 2012. Son tombeur a été contraint à faire revenir l’ordre constitutionnel. Celui qui fut élu suite à ce retour à l’ordre constitutionnel par la voie démocratique en 2013, est victime de coup d’Etat en 2020. En 2021, un autre coup d’Etat est survenu. Bref ! Au Mali les coups d’Etat ont remplacé les urnes et tout le monde semble désormais s’en accommoder.
Chez les voisins, c’est le même scénario. Ou presque. Quand ça ne va pas dans le pays, on fait un coup d’Etat et puis on cherche à avancer.
La démocratie corrompt plus-t-elle les cœurs et les esprits ?
Sous les régimes démocratiques, la corruption et la mauvaise gouvernance, ont été plus souvent avancées pour justifier l’intervention des militaires dans la gestion des affaires du pays. Ils viennent comme dit souvent pour redresser le pays. Après le redressement, on confie le pouvoir aux démocrates en attendant un autre coup d’Etat. Quand cela va-t-il s’arrêter ? C’est la question sans réponse pour nous, pour le moment.
Youma
Source : Le Pouce