Dans le cadre de son projet dénommé « Plaidoyer parlementaire en faveur d’une meilleure politique des drogues au Mali », dont l’objectif est une revue de la législation malienne sur les drogues, l’Organisation pour la réflexion, la formation et l’éducation à la démocratie et au développement (ORFED) en partenariat avec OSIWA, a organisé, hier lundi, à la direction nationale des Affaires judiciaires et du sceau à Bamako, à l’intention de la presse, un atelier de restitution de deux études sur « la consommation de la drogue dans la commune urbaine de Sikasso » et « la législation malienne sur les drogues », réalisées en juin 2017.
Placée sous la présidence du coordinateur du projet, François SANGARE, les deux études ont été présentées respectivement par les deux consultants : le Dr Younoussa SIDIBE, médecin à l’ONG Kénédougou solidarité et Hamidou KEITA, responsable juridique de l’Office central de lutte contre les stupéfiants. On y notait aussi la présence d’autres membres desdites organisations.
Il ressort des 2 présentations que le Mali, comme la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest, est confronté à un phénomène grandissant de trafic de drogue qui associe plusieurs activités connexes perturbant dangereusement la stabilité des institutions.
Aussi, ont noté les 2 consultants, le Mali n’est plus seulement un pays de transit des drogues, mais il est également de plus en plus un pays consommateur.
Le choix de la commune de Sikasso s’explique, non seulement par sa situation géographique, mais surtout par la présence de l’ONG Kénédougou Solidarité qui jouit déjà d’une certaine confiance auprès de certains consommateurs de drogue de la zone.
En effet, révèle le Dr SIDIBE, les drogues consommées dans la ville de Sikasso sont diverses et variées.
« La plupart des usagers des drogues en consomment différents types et cela en fonction de l’opportunité. 134 consommateurs, soit 64,42 % des personnes enquêtées consomment une seule drogue. Et parmi les personnes enquêtées, les hommes, 65,48 %, sont des mono consommateurs et pour les femmes cette proportion est de 45,45 %. La consommation des drogues diminue en fonction du niveau d’étude et cela que l’on soit mono consommateur ou poly consommateur. Les tranches d’âge 20-24 ans et 25-29 ans enregistrent le maximum de consommateurs de drogues qu’il s’agisse de mono consommateur ou de poly consommateurs », a-t-il soutenu.
Il ressort de l’étude présentée par le Dr SIDIBE que le revenu ne semble pas être un obstacle par rapport à la mono ou poly consommation et cela pourrait s’expliquer par la solidarité entre les consommateurs, car il s’agit assez souvent de groupe d’amis.
« Parmi les 74 poly consommateurs, 1/3 déclarent n’avoir aucun revenu ».
Sur le plan judiciaire, relève l’étude, 69 cas, soit 33, 17 % ont connu des arrestations par les services de police ; 45 usagers affirment avoir séjourné à la Maison d’arrêt de Sikasso, soit 21,6 % des enquêtées.
Des sources bien autorisées, a-t-il fait savoir, les usagers des drogues détenus représentent 75 % des arrestations opérées par la police.
« 42,2 % des détenus pour drogues affirment avoir eu des conditions de détention particulièrement sévères. 72,12 % jugent les textes “pas bien”, contre 23,07 qui en ont une appréciation positive. 4,81 % sont neutres sur la question ».
Sur le plan social, révèle l’étude, 20,68 % des consommateurs de drogues ont été victimes de discrimination, de stigmatisation ou des deux ; 05,80 % des usagers de drogues affirment avoir perdu leur emploi.
Sur le plan sanitaire, 7,7 % des usagers de drogues n’ont aucun recours, car ils disent ne jamais tomber malades en raison de la prise de drogue « Super man ».
De même, le traitement mixte (traditionnel et conventionnel) reste la pratique, mais avec le premier recours vers la médecine traditionnelle. L’automédication à travers « la pharmacie par terre » est assez importante.
« Les 93 % des usagers de drogues interviewés connaissent au moins une voie de transmission du VIH ».
Ainsi, le consultant a formulé quelques recommandations, tant au niveau des familles, de la société, des forces de sécurité et des décideurs. En effet, il recommande un allègement de la loi N° 01-78 du 18/07/2001 au niveau de son titre 9 portant contrôle des drogues et de leurs précurseurs au Mali qui met dans le même chapeau les consommateurs de drogues et les barons de la drogue ; le renforcement du plaidoyer auprès des forces de l’ordre et de sécurité pour l’humanisation de la lutte contre la drogue ; la mise en place des centres d’addictologie au niveau de toutes les capitales régionales de notre pays et du District de Bamako, ainsi que des centres d’écoute et de conseil pour les personnes usagères de drogues.
Enfin témoigne le consultant, au terme de cette étude, il convient de dire que la drogue est assez consommée dans la ville de Sikasso.
« 1/3 des détenus sur un total d’environ 300 prisonniers est incarcéré pour des activités liées aux drogues ».
Le deuxième consultant reconnaît que sur le plan législatif, le tout répressif a montré ses limites. Pour Hamidou KEITA, aujourd’hui, la répression de l’usage des drogues doit tenir compte des dimensions médicale et humaine, à travers la prise en charge socio-psychologique du consommateur de drogue qui ne doit pas être perçu comme un délinquant, mais une victime qui a besoin des soins.
Par Sékou CAMARA
info-matin