Le processus électoral enclenché depuis des mois pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale s’est achevé avec l’arrêt de la Cour constitutionnelle portant proclamation des résultats définitifs du 2ème tour, le 30 avril 2020. Le constitutionnaliste Souleymane Dé répond à Journal du Mali sur l’aboutissement du processus.
Quel regard portez-vous sur le processus électoral qui vient de s’achever ?
C’est un regard très attristé. En tant que juriste, quand on analyse ce processus du début à la fin, on se rend compte que le droit n’a été respecté à aucun moment et à aucun niveau. Il faut aussi souligner le fait que ces élections se sont déroulées quasiment dans un état d’exception, ce qui pose la problématique de la validité même du scrutin.
L’annulation des votes dans certains bureaux par la Cour constitutionnelle est-elle légitime ?
Dans le délibéré, la Cour nous dit que dans certaines circonscriptions électorales des assesseurs et des présidents de bureau de vote ont été changés sans passer par le biais du préfet. Ce point pose problème. Cela fait appel à l’article 83 qui régit la composition des bureaux de vote. Ces derniers n’ont pas tous été légalement constitués, mais la Cour n’a pas été capable de pointer les irrégularités. Elle ne peut donc pas annuler les voix des bureaux où elle prétend que les assesseurs ont été changés. Il était plutôt de bon sens qu’elle annule le scrutin dans les circonscriptions électorales où elle a estimé qu’il y avait des irrégularités.
Les contestations sont-elles fondées ?
Ces contestations sont légitimes. L’article 94 de la Constitution stipule que lorsque la Cour rend un arrêt il est incontestable. Mais encore faudrait-il que cette Cour rende son arrêt en bonne et due forme, dans le respect de la procédure. Ce n’est pas le cas. Nous avons vu une Cour constitutionnelle qui a fait un délibéré différent de l’arrêt qui a été publié. C’est très grave.
Un retour en arrière pour reconnaître d’éventuelles erreurs est-il possible au plan juridique ?
Oui. Notre Constitution ne le prévoit pas, mais le règlement intérieur de la Cour, dans son alinéa 4, article 10, lui demande d’accéder à toute demande en rectification ou réclamation sur ses arrêts. Donc il y a une porte de sortie. La Cour peut revenir en arrière et tirer toutes les leçons de ce qu’elle a osé faire en nous donnant un délibéré différent de l’arrêt publié. Cela permettra de ramener tous les Maliens vers la restauration de la confiance entre eux et les institutions de la République.
Germain Kenouvi