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Dr. Boly Amadou, épidémiologiste clinicien : “Nous n’avons pas analysé de nouveaux cas de Crimée-Congo jusqu’à présent”

Une fièvre hémorragique appelée Crimée-Congo a fait son apparition depuis le 1er février 2020 dans la région de Mopti, avec déjà 8 morts. Mali Tribune fait le point avec Docteur Boly Amadou, médecin spécialiste en épidémiologie clinique, chargé de surveillance épidémiologique à la direction nationale de la Santé et de l’Hygiène publique.

 

Mali-Tribune : Qu’est-ce que la fièvre Crimée- Congo ?

Dr. Boly Amadou : La Fièvre Crimée-Congo est une fièvre virale hémorragique qui est un ensemble de maladies causées par des virus. Parmi les signes cliniques on a le saignement qui peut être de n’importe quel organe c’est pour cela qu’on les appelle fièvre virale hémorragique. Elle est causée par un virus appelé agent infectieux qui appartient à la famille des bunyaviridae.

Mali-Tribune : Quel est son mode de transmission ?

Dr. B. A. : Ce virus est transmis à l’homme par les tiques qui piquent les animaux. Et ces animaux peuvent être les bœufs, les caprins, les ovins. On peut également être contaminé en manipulant la viande de ces animaux infectés.

Mali-Tribune : Comment se présentent ses symptômes ?

Dr B. A. : L’apparition des symptômes est brutale avec de la fièvre, des myalgies (douleur musculaire), des vertiges, une raideur, des douleurs de la nuque et de la dorsale, des céphalées, une sensibilité des yeux. On observe parfois au début des nausées, des vomissements de la diarrhée des douleurs abdominales et un mal de gorge puis de brutal saut d’humeur. Au bout de deux à quatre jours l’agitation peut laisser place à une somnolence, une dépression.

 Mali-Tribune : Comment est apparue cette épidémie sur le territoire malien ?

Dr. B. A. : En fait ce qu’on doit savoir c’est que ces maladies existent dans notre pays. Les premiers cas de ces maladies ont été documentés dans les années 1991, dans la région de Koulikoro, cercle de Kati, à Baguinéda. Il y a eu des études, on a retrouvé cette maladie avec une séroprévalence de 4,5 % chez les humains. Parallèlement on a dit que les animaux aussi peuvent avoir cette maladie donc des études aussi chez les animaux ont prouvé la prévalence allant de 15 à 66 % sur l’ensemble du territoire national.

C’était une étude nationale qui a été réalisée sur les animaux. La maladie existe, le virus est en train de circuler dans notre pays. Peut-être qu’on n’avait pas eu de cas humains depuis très longtemps. Ce qui s’est passé au cours de la 5è semaine épidémiologique on a eu des cas de décès dans l’aire de santé de Koréasi c’est des sujets qui sont brutalement tombés malades et ceux qui ont présenté des signes de saignements en sont décédés. Entre temps parmi ces malades certains sont venus se faire consulter à l’hôpital Gavardo de Mopti. C’est à travers les informations du responsable de centre de santé de Koréasi qui avait partagé l’information avec sa hiérarchie. Il y a eu une équipe d’investigation régionale en même temps la région de district sanitaire de Mopti sont partis à l’hôpital Gavardo pour investiguer pour voir ce qui se passe. Ils ont fait des prélèvements sanguins à la recherche d’agents infectieux. Ces prélèvements une fois analysés à l’Institut national de santé publique de Bamako, se sont révélés positifs au virus de la fièvre hémorragique Crimée-Congo. Donc la genèse de la maladie c’est ainsi.

Mali-Tribune : Quelles sont les mesures de prévention prises contre cette épidémie ?

Dr. B. A. : Pour le moment on va parler des mesures de prévention en général. Chaque fois qu’on a des maladies en potentielle épidémique, des maladies qui peuvent constituer une urgence de santé publique, de portée internationale, nous avons des mesures de prévention et de contrôle pour ces maladies. Et pour la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, nous pouvons agir à trois niveaux : faire en sorte de réduire le risque de la transmission de la tique, le vecteur de la maladie. Pour cela il est conseillé de porter des vêtements protecteurs, des vêtements à couleur claire pour pouvoir identifier facilement les tiques. D’utiliser également des produits contre ces tiques ; c’est-à-dire les acaricides. Bien sûr il faut utiliser les produits homologués.

La seconde stratégie c’est réduire le risque de transmission de l’animal à l’homme. Donc on fera en sorte de conseiller ceux qui sont en risque surtout les éleveurs, et les bouchers de porter des gants et des vêtements de protection lors de manipulation des animaux. On leur conseille également, quand il y a une suspicion, de mettre leurs animaux en quarantaine avant leur entrée à l’abattoir et de traiter en même temps ses animaux avec des pesticides.

La dernière stratégie c’est quand une personne est contaminée, comment on doit faire pour que cette personne évite de contaminer d’autres. Donc pour cela, il faut éviter tout contact physique avec les personnes contaminées. Et aussi porter des gants, des équipements de protections pour soigner les malades. Quant aux malades, on doit leur prodiguer des soins donc des personnels de santé doivent porter des gants et des équipements de protection adaptés aux cours des soins. Il est également demandé de se laver régulièrement les mains après avoir soigné les malades ou leur avoir rendu visite.

Mali-Tribune : Est-ce que la fièvre hémorragique peut être traitée ?

Dr. B. A. : Pour le moment, ce qui concerne la fièvre hémorragique Crimée-Congo, le traitement est essentiellement symptomatique c’est-à-dire s’il y a un saignement on doit faire en sorte qu’il y ait une transfusion sanguine. S’il y a des troubles digestifs on prescrira des médicaments contre les troubles digestifs, s’il s’agit de la déshydratation des éléments de réhydratation seront prescrits. Ça c’est le traitement symptomatique. Dans la littérature il a été documenté qu’il existe comme traitement une molécule antivirale qui, administrée donne de bons résultats.

Mali-Tribune : Quels sont les conseils que vous donnez aux patients et à la population ?

Dr. B. A. : Une fois que vous avez des signes de saignement, des signes inexpliqués d’une maladie au sein d’une communauté, il faut très rapidement se rendre dans des centres de formations sanitaires pour que ces malades puissent bénéficier d’une meilleure prise en charge en même temps d’une surveillance. Tout ça c’est pour pouvoir réduire le risque de propagation.

Maintenant pour la communauté, il faut des mesures de prévention. C’est une maladie qui est transmise soit par les tiques soit par la manipulation des animaux infectés. Respectez les mesures de prévention en manipulant les animaux ou les carcasses d’animaux, c’est un message aussi pour les bouchers, les éleveurs par rapport aux animaux. Pour le reste de la population c’est de leur dire que depuis les premiers cas de cette maladie nous sommes en train de travailler au sein des formations sanitaires, nous avons des équipes formées sur les signes de la maladie. Il faut éviter la panique.

 Mali-Tribune : Le nombre de décès est-il élevé à ce jour ?

Dr. B. A. : Depuis les premiers cas qu’on a eus le 1er février jusqu’à la date du dimanche 9 février, le total des cas est au nombre de 18. Parmi ces 18 cas on a trouvé que 7 sont positifs c’est-à-dire parmi les 18 on a puis faire 12 prélèvements et là les prélèvements analysés sont au nombre de 11 sur ces prélèvements on a 7 positifs. Parmi les 18 malheureusement 8 sont décédés. Voici un peu la situation jusqu’à la date du dimanche. C’est une situation évolutive nous n’avons pas analysé de nouveau cas jusqu’à présent.

 

Propos recueillis par

Djénébou Kané

Mali Tribune

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