En ne prenant pas sa responsabilité pour s’adresser à la nation dans ce qui apparaît désormais comme le plus grand scandale de l’histoire du Mali, le plus que sulfureux dossier de l’achat de l’avion présidentiel et du contrat des équipements militaires, le président de la République laisse libre cours à toutes les supputations des plus accusatoires les unes que les autres.
Qui ne dit mot consent « . La maxime est bien connue. Selon toute vraisemblance et à en croire les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé de près depuis longtemps, le président de la République ne saurait orchestrer toutes les malversations qui entourent l’achat de l’avion présidentiel et les contrats d’équipements militaires qui défraient la chronique depuis plusieurs mois. Il semble donc qu’il ait fait aveuglement confiance à certains de ses collaborateurs et membres du gouvernement pour « gérer » ces dossiers pour « l’honneur du Mali et le bonheur des Maliens « . Même si l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, assure que «le chef de l’Etat a donné son accord à toutes les étapes du processus» d’acquisition de l’avion et des matériels de guerre, on peut supposer qu’IBK ait simplement manqué de contrôler la transparence de tous les actes posés dans ces transactions. C’est à ce niveau que les puristes du Droit diront volontiers que le chef de l’Etat a commis une culpa in vigilando. Un manque de vigilance d’IBK censé savoir plus que tout le monde que ces contrats engageaient de façon significative les finances d’un Mali largement sous perfusion internationale. Et puisque gouverner c’est prévoir, le premier magistrat du pays doit savoir, lui, qui bat le record de longévité primatoriale au Mali (six ans d’affilé) que des marchés publics de telle envergure aiguisent toujours l’appétit vorace de ministres et autres hauts cadres de l’administration.
Hémorragie financière sans précédent
Or il est établi depuis des semaines que ce sont ces personnalités et leurs intermédiaires, choisis de façon non-désintéressée qui se sont, visiblement, rempli les poches sur le dos du peuple malien, meurtri par la plus grave crise de son histoire. Les rapports d’audits du Bureau du Vérificateur général et de la Section des comptes de la Cour suprême le démontrent à suffisance. Ainsi la société-écran créée, les expertises fournies et les autres interventions pour l’immatriculation de l’avion, sa licence, sa fréquence, etc ont provoqué une importante hémorragie financière à nulle autre pareille.
En outre, l’aéronef fait lui-même l’objet d’une abondante littérature. Même si l’opportunité de son acquisition a été largement contestée du fait de la disponibilité de l’avion présidentiel utilisé par le président ATT, sa valeur réelle est encore ignorée par tous. De 17 milliards F CFA pour le chef de l’Etat, ce Boeing aurait coûté 20 milliards à en croire le Premier ministre. Alors que le ministre des Finances parle de 21 milliards, l’ex-ministre de la Défense assure que l’aéronef a coûté moins de 7,5 milliards de nos francs. D’où la confusion totale dans les esprits des Maliens concernant le coût réel de cet avion.
«Catastrophe nationale»
Seule une intervention spéciale comme message à la nation doit éclairer la lanterne des Maliens sur ce que l’opposition URD appelle déjà « une catastrophe nationale ». Cette rupture du silence de plus en plus assourdissant du chef de l’Etat aura trois vertus essentielles. Elle permettra d’abord de dire à haute et intelligible voix tout ce qui s’est tramé sur le dos du peuple malien, sur ses finances publiques, depuis que la décision a été prise d’acheter cet désormais célèbre avion et les équipements militaires.
Cette adresse sera l’occasion pour lui de situer de faire son mea culpa quant à son manque de vigilance en laissant ce dossier dans les mains de responsables peu soucieux du respect du brave peuple du Mali et de ses maigres ressources financières. Ce sera le moment de s’expliquer sur les non-dits du dossier en précisant jusqu’à quel niveau lui-même s’est impliqué dans ces marchés. En outre, en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature, premier magistrat de la République, le message d’IBK donnera un coup d’accélérateur à la procédure judiciaire en cours pour que des sanctions exemplaires soient prises à l’encontre de tous ceux qui seront confondus de malversations.
Magouilles malodorantes
Au plan politique, il faut aussi préciser que l’intervention du président de la République sur ce sulfureux dossier est réclamée à cor et à cri par les partis aussi bien de l’opposition que de la majorité. Même au sein du RPM, des cadres ne cachent plus leur souhait de voir le chef de l’Etat sortir de sa réserve pour ne serait-ce qu’édifier les militants et les sympathisant sur sa non implication personnelle dans ces magouilles malodorantes. Faut-il rappeler que dans une récente déclaration rendue publique la Coordination de la majorité présidentielle exigeait des sanctions à l’encontre de tous ceux qui seront reconnus coupables de ces malversations ? Au même moment, l’URD de Soumaïla Cissé tient personnellement IBK pour « principal responsable de cette catastrophe nationale » et Tiébilé Dramé du PARENA demande que le chef de l’Etat veuille bien dire quelque chose au peuple malien dans ce « scandale des scandales « .
Pour toutes ces raisons, il urge qu’IBK s’adresse à son peuple en cette année 2014 décrétée celle de la lutte contre la corruption. Histoire de prouver qu’il respecte son peuple et reste à son écoute.
Bruno D SEGBEDJI