La Fédération malienne des associations de personnes handicapées (FEMAPH) a un nouveau président, ou du moins une nouvelle présidente, depuis le 29 décembre 2019. Il s’agit de Mme Djikiné Hatouma Gakou élue lors de l’Assemblée générale ordinaire tenue à la Maison du Hadj en présence de tous les délégués venus des Associations nationales, des Fédérations régionales et locales du Mali… Ce choix ne doit rien au hasard puisque cette brave Dame a consacré presque toute sa vie à la défense des droits et à l’intégration des personnes handicapées, notamment des femmes. N’empêche, à la tête de la FEMAPH, elle a un formidable défi à relever !
Après deux mandats à la tête de la FEMAPH, M. Moctar Bâ a donc passé le flambeau à Mme Djikiné Hatouma Gakou pour quatre ans le 29 Décembre 2019. Ils étaient 5 candidats à briguer la présidence de la fédération.
Au finish, à l’issue d’un vote à bulletin secret, c’est la présidente de l’Union Malienne des Femmes Handicapées (UMAPH) qui a été élue avec 58 voix contre 46 à son challenger, M. Albert Kanouté. Très fair-play, ce dernier s’est dit fier et content de la tenue d’une telle élection dans un climat apaisé. « C’est la FEMAPH qui gagne dans cette histoire. Hatouma est ma femme, et dans un couple si la femme gagne, c’est le couple qui gagne. Je la félicite et je remercie tout le monde », va-t-il déclaré sous les ovations nourries des délégués.
Le président sortant, M. Bâ, a souhaité « plein succès et courage au nouveau bureau ». Et cela d’autant plus que, a-t-il rappelé, «il faut avoir le dos large et avoir une conviction ferme pour pouvoir progresser ».
Quant à la nouvelle présidente de la FEMAPH, elle a tenu à remercier tous les participants venus pour l’occasion, particulièrement le président sortant M. Moctar Bâ et toute son équipe. Elle n’a pas oublié la Direction Exécutive qui supervise tous les travaux. « J’adresse mes remerciements aux délégations du nord et du centre, qui malgré le contexte difficile ont effectué le déplacement. La situation à laquelle ils font face affecte particulièrement les personnes handicapées et nous allons en tenir compte », a déclaré Mme Djikiné.
Elle place son mandat sous la bannière de la Lutte contre les préjugés, la défense des droits des personnes handicapées, la promotion de l’organisation et le développement de programmes de prévention, d’éducation de réadaptation et de réinsertion sociale en collaboration avec les associations membres…. Et cela parce que la nouvelle présidente est consciente que, malgré les efforts et des acquis indéniables, «la FEMAPH a encore du chemin à faire pour que chaque personne vivant avec un handicap soit prise en compte dans les politiques de l’Etat ». Les manifestations pour le respect des textes au moment des recrutements à la fonction publique montrent bien les difficultés à traduire la volonté politique en actes concrets.
D’ailleurs, Djikiné Hatouma Gakou n’a jamais caché sa conviction que « l’emploi est la seule alternative pour sauver la femme handicapée des vicissitudes de la vie actuelle ». Première femme élue à la tête de la FEMAPH, Mme Djikiné Hatouma Gakou est en terrain connu. Chargée de Mission des questions du handicap au ministère de la Solidarité et de la Lutte contre la pauvreté, elle est la présidente de l’Association malienne des Femmes Handicapées (AMAFH) et de l’Union malienne des associations et comités de Femmes Handicapées (UMAFH)
Le brillant parcourt d’une femme leader
Administratrice de l’Action Sociale, la nouvelle présidente de la FEMAPH est engagée dans la promotion des droits des personnes vivant avec un handicap depuis les années 80. Et cela avec comme référence notre regretté père et tonton, feu Ismaël Konaté, qui l’a galvanisée à s’engager dans cette lutte en 1982 lors d’une conférence à l’ENSUP. Hatouma était une ravissante et brillante lycéenne à l’époque. « De 1982 à nos jours, elle n’a cessé de s’investir dans la lutte pour les droits et l’inclusion socio-économique et professionnelle des personnes vivant avec un handicap aux plans national, ouest africain, africain et international », témoigne un proche.
Pour rappel, Mme Djikiné est membre-fondatrice de la coopérative BENSO et de l’EIHD depuis les années 90. C’est d’ailleurs forte de cette expérience enrichissante, qu’elle a lancé l’Association malienne des femmes handicapées (AMAFH) en 1994. Une première au Mali.
Cette initiative a permis de lancer des projets de sensibilisation et de plaidoyer mis en œuvre pour la cause de cette couche doublement discriminée. Des actions qui ont été appréciées même hors de nos frontières. C’est certainement pourquoi, en 1997, les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) ont décidé de dédier la célébration du 08 Mars 1998 (Journée internationale de la femme) à la femme handicapée dans les huit pays.
Les observateurs s’accordent à reconnaître que l’AMAFH a réussi à faire sortir les femmes handicapées en les amenant à avoir confiance en elles-mêmes. Intitulé « Amélioration de conditions de vie et de l’image de la femme handicapée », son projet phare a permis à cette grande dame dévouée d’avoir la confiance de toutes les communautés et des plus hautes autorités du pays.
D’autres associations de femmes handicapées ont vu le jour par la suite. Ce qui a donné à Hatouma Gakou l’idée de créer en 1999 une Union Malienne des Associations et Comités de femmes handicapées (UMAFH) pour fédérer les efforts en vue d’une synergie d’actions sous sa conduite. Les comités ont été mis en place dans les associations mixtes de personnes handicapées.
A ce jour, sous son leadership, l’UMAFH est membre de la FEMAPH, de la CAFO, de la Plateforme des Femmes Leaders du Mali, du Groupe Pivot Droit et Citoyenneté de la Femme, de la Plateforme des Organisations de la Société Civile qui travaillent sur les ODD 2030…
« Elle est de toutes les luttes pour la santé, l’éducation, l’emploi, les violences et les abus et tout autre droit pour les personnes handicapées », témoigne Rokiatou Diakité dite Rose. La Présidente Hatouma Gakou Djikiné s’est particulièrement impliquée dans « l’élaboration et le processus d’adoption de la loi relative aux droits des personnes vivant avec un handicap et de son décret d’application dont le processus est en cours ». Sans compter que, de 1996 à 2005, elle a été l’administratrice et la coordinatrice de secteur handicap de l’ONG Française « Handicap International » au Mali.
Sur le plan sous-régional, Mme Djikiné Hatouma Gakou a été vice-présidente de la Fédération ouest africaine des personnes handicapées (FOAPH) de 2000 à 2015. Et, ces derniers temps, elle est en contact permanent avec les femmes handicapées de la sous-région dans la perspective de la création de l’Union ouest africaine des associations de femmes handicapées. Et son élection à la tête de la FEMAPH le 29 décembre 2019 est un atout indéniable pour faire bouger les lignes dans la concrétisation de cette ambition.
Sur le plan Africain, Mme Djikiné a participé à l’essor des deux décennies africaines des personnes handicapées et elle est vice-présidente du Réseau africain des femmes handicapées (RAFH) et de Diabled Women in Africa (DIWA). Elle a occupé la vice-présidence de la Panafricaine des associations de personnes handicapées (PANAPH) de 2013 à 2019.
Sur le Plan International, en 1997 Mme Hatouma Gakou a représenté l’Afrique de l’ouest à la première conférence internationale sur les femmes handicapées aux Etats Unis.
Elle a également participé à toutes les sessions d’élaboration et de l’adoption de la Convention relative aux Droits des personnes handicapées aux Nations unies ; aux conférences sur la santé de la reproduction et à celles sur les Objectifs du Développement Durable (ODD) à New York.
En 2012, aux Nations unies, le Mali a proposé la candidature de la Présidente Mme Djikiné Hatouma Gakou à l’élection des membres du Comité international des Droits des personnes handicapées.
En 2016, elle a participé à Genève (Suisse) à l’examen du Rapport du Mali sur la Convention de lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Et cela pour la prise en compte des femmes handicapées dans les programmes concernant les femmes au Mali. La même année, elle a été élue comme membre du bureau de l’Organisation mondiale des personnes handicapées (OMPH).
Chevalier de l’Ordre National, mariée et mère de quatre enfants, Mme Djikiné est engagée à apporter sa petite pierre à la consolidation des acquis et à l’ouverture de nouvelles perspectives dans les prochaines années pour une Fédération nationale qui fait la fierté du pays, de la sous-région voire de toute l’Afrique et dans le monde.
Moussa Bolly
Le Combat