Après l’attaque des villes de Youwarou et Ténékoun le mois de mai dernier, les jihadistes du marabout Hamadoun Kouffa (tout porte à croire que ce sont eux) ont saccagé et brulé le poste de contrôle de Djenné le dimanche 15 juin comme une piqûre de rappel. Gardes et gendarmes, démunis, ont du mal à exécuter leurs missions de sécurisation des personnes et des biens.
Les autorités locales se sont réveillées de leur sommeil presque profond. Face à la situation d’insécurité qui s’est installée.
Avec un minimum d’éléments, la gendarmerie et la garde nationale (une vingtaine pour chaque corps), Djenné fait face difficilement à la sécurité du cercle qui compte 12 communes pour une population de 248 282 habitants, selon le dernier recensement.
Il n’y a pas de police dans le cercle de Djenné. Les deux corps présents n’ont pas d’abris. Jusque-là, ils occupent leurs anciens bâtiments, malgré de nouvelles constructions.
Les bâtiments qu’abritent certains services de l’Etat dans la ville ancienne de Djenné, classée patrimoine de l’humanité, sont peu enviables. Le classement de la ville par l’Unesco fait que toute nouvelle construction est soumise à une réglementation stricte.
En visitant la ville, deux bâtiments attirent l’attention, le Camp des gardes et la gendarmerie nationale, à cause de leur délabrement total.
D’abord le Camp des gardes. Ancien logement colonial, il abrite quelques éléments de la garde nationale et leurs familles. Le bâtiment principal a été construit en 1907 en banco. Il sert de logement au chef de peloton.
Pendant l’hivernage, il est impossible d’avoir accès au Camp des gardes. Une mare s’y installe des mois même après l’hivernage. Face à cette mare, s’entassent des maisonnettes qui ressemblent à des hameaux des Bozos au bord du fleuve Bani.
Chacun se sacrifie pour entretenir sa maisonnette pour passer l’hivernage avec la famille sain et sauf. Aucune autorité locale ne vient au secours de ces gardes qui, pourtant, veillent à la sécurité de tous à Djenné.
Heureusement le chef de peloton a transféré son bureau à la préfecture dans le même bâtiment que le préfet. Les gardes ont un pick up en bon état pour leur opération même si cela reste insuffisant compte tenu de la situation sécuritaire dans la zone.
A la gendarmerie, la situation n’est guère enviable. Là aussi, c’est le vestibule d’un logement colonial (datant de 1906) qui sert de locaux. Il y a juste deux pièces qui servent de bureaux pour les gendarmes.
Il s’agit d’une petite salle qui sert de bureau au commandant de brigade avec des incommodités inadmissibles, le deuxième bureau, le principal, où s’entassent 6 à 7 gendarmes, le reste s’installe à l’ombre d’un arbre en dehors des locaux.
Le bâtiment est tellement délabré, que rien n’indique que c’est un poste de gendarmerie. Vu de l’extérieur, on a l’impression d’une maison abandonnée sur le point de s’effondrer. Difficile de travailler à l’intérieur, car à la moindre goutte de pluie, c’est le plafond qui suinte. Son entretien se fait à la« douleur » du commandant de brigade.
A chaque hivernage, c’est l’insécurité pour ces agents qui assurent notre sécurité. Dans ces conditions, c’est le stress qui prime sur l’enthousiasme dans le travail surtout quand il s’agit d’effectuer des missions à l’intérieur du cercle. Pour assurer la sécurité des autres, il faut être soi-même à l’abri.
Paradoxalement, les deux forces de sécurité ont chacune un bâtiment flambant neuf depuis l’année dernière. Mais ils ne sont toujours pas occupés par les bénéficiaires. Les raisons profondes ne sont pas connues, mais on évoque souvent le manque d’eau, d’électricité et de mobilier.
Pourtant ces deux commodités sont disponibles. Il serait en tout cas illusoire de construire une telle infrastructure sans prévoir l’eau et l’électricité. Les bâtiments se dégradent et sont devenus les refuges d’animaux. Il faut agir vite, car Hamadoun Kouffa et ses hommes restent à l’affût pour essayer de porter l’estocade.
Lévy Dougnon
(Radio Jamana Djenné)
La rédaction