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Discours du président de la République à la 32e session de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine

Monsieur le Président en exercice de l’Union Africaine, Cher frère
Messieurs les Chefs d’Etat et de gouvernement,
Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués invités,

Ce serait de ma part commettre une faute de goût, sinon manquer de courtoisie que de commencer mon propos sans vous exprimer, Monsieur le Président en exercice de l’Union Africaine, Cher Paul, ma gratitude pour m’avoir choisi comme Champion de l’Union Africaine pour les questions de culture et d’héritage.

Vos collègues, nos pairs Chefs d’Etat comprendront donc aisément que mes premiers mots vous soient adressés et qu’ils le soient pour vous dire toute ma gratitude pour la confiance que vous placez en moi et, par delà ma modeste personne, en mon pays, le Mali, en me désignant pour assumer cette charge.

C’est là un honneur que j’apprécie d’autant plus que c’est la première fois dans son histoire que notre organisation nomme un champion pour un domaine si vaste et si complexe.

Monsieur le Président en exercice de l’Union Africaine,
Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués invités,

Affirmer que nous vivons une époque troublée, dans un monde brumeux ou de clair-obscur, comme dirait Antonio Gramsci, constitue un truisme. En effet, en proie à des mutations de tous ordres, balloté de toutes parts par des
changements profonds qui affectent diverses sphères, notre monde connaît une crise du sens, un sens compris comme signification et direction. La mise en perspective des cultures s’en trouve, plus que jamais, placée sous le signe de l’actualité.

A dire vrai, l’importance de la problématique culturelle n’a pas échappé à la sagacité de nombre de nos illustres devanciers. Les Présidents Modibo Keita,Léopold Sedar Senghor, Mwalimu Julius Nyerere, Kwame Nkrumah, Jomo Kenyatta, Sa Majesté le Roi Mohamed V, l’Empereur Hailé Sélassié pour ne citer que quelques uns des pères fondateurs de l’OUA sont de ceux-là qui ont eu à cœur de mettre en exergue l’importance de la culture, des arts et du
patrimoine dans le combat des peuples africains pour la liberté, la dignité et la paix.

Nourris aux sources du panafricanisme, familiers des thèses de Blyden, William DuBois, Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon, ces héros de l’indépendance avaient compris que la libération politique serait fortement compromise si elle n’était accompagnée d’une libération culturelle. Leur message sera amplifié par un Mario de Andrade, compagnon de Amilcar Cabral, Nelson Mandela qui compta parmi ses amis Sokoto, peintre talentueux mort en exil à Paris.

Dans votre décision de rehausser le rôle de la culture dans le processus de développement de notre continent, je veux voir une reconnaissance du caractèrevisionnaire de ces devanciers chantres de la renaissance culturelle et le souhait de porter plus haut leurs messages.

Au delà de leur célébration, au delà de la reconnaissance de la centralité et de la
modernité de la problématique culturelle, je veux voir dans ma désignation à cette charge votre ambition d’approfondir et d’élargir les nombreuses initiatives impulsées par l’organisation dans le domaine culturel.

Pour me limiter à celles-là auxquelles le Mali a été partie prenante, comment ne pas évoquer la Charte de la Renaissance Culturelle Africaine adoptée en 2006, la création de l’Académie Africaine des Langues qu’abrite le Mali depuis 2006, le soutien apporté par l’UA à la sauvegarde et à la conservation des manuscrits de Tombouctou ? Comment ignorer de quel poids a pesé l’UA dans l’inscription de biens africains sur la Liste du Patrimoine mondial et dans l’animation scientifique du Comite éponyme ? Comment, toujours sur ce registre, passer sous silence le rôle exemplaire de notre organisation dans la conceptualisation et l’organisation de deux éditions de la Conférence des Intellectuels d’Afrique et de la Diaspora (CIAD) à Dakar en 2004 et à Bahia au Brésil en 2006 ?

Comment ne pas mentionner, enfin, l’Agenda 2063, notre référentiel commun, dont un des piliers est précisément centré sur la culture, les arts et le patrimoine ?

Consolider les acquis dans ces différentes initiatives et en lancer de nouvelles : voilà ce à quoi nous devons nous atteler pour répondre aux attentes des Africains.

C’est donc une lourde charge que vous me confiez mais soyez assurés que je mesure toute la responsabilité qui sera désormais la mienne et ne ménagerai aucun effort pour m’en acquitter.

Les défis sont nombreux : ils sont d’ordre conceptuel, communicationnel et opérationnel. Je souhaite, pour les relever, mobiliser toutes les compétences, et toutes les énergies dont l’Afrique et sa diaspora disposent.

Un Conseil scientifique inclusif, sera donc établi dans les meilleurs délais pour dresser un état des lieux de la problématique culturelle et, le cas échéant, proposer des approches novatrices en la matière.

L’entreprise est difficile, voire risquée, car le concept de culture n’est pas dénué d’ambiguïté. Mais n’est-ce pas commettre un abus de langage à tout le moins, que d’attribuer à la culture, ou de justifier en son nom des conservatismes rétrogrades et parfois producteurs de ce qu’Amine Maalouf a appelé si justement des  » identités meurtrières” ?

Ce faisant, ne met-on pas sous le boisseau une autre conception de la culture, en l’occurrence celle qui consiste à donner à l’image et à l’estime de soi la place qui leur revient?

Et cette conception n’est-elle pas tout à fait compatible avec la construction d’une société ouverte et la mise en perspective de ce que l’Afrique et les Africains sont susceptibles d’apporter à la réalisation de l’universel et d’une mondialisation à visage humain?

Au demeurant, ces remarques sur la culture valent pour la civilisation. Si le vocable recouvre les progrès qui propulsent l’humanité vers plus de savoirs partagés, plus de pouvoir sur la nature, plus d’harmonie dans les cadres sociaux
ainsi qu’une grande maitrise du temps et de l’espace, ne devrait-on pas accorder la plus haute priorité à la correction des déséquilibres persistants entre le Nord et le Sud et qui sont liés pour une part non négligeable à la marginalisation de la question culturelle ? A toutes ces questions, je réponds oui sans ambages, ni hésitation.

Je veux dans cette foulée amplifier le message selon lequel non seulement « le clash des civilisations » n’a rien d’une fatalité à laquelle notre monde ne saurait échapper mais qu’au contraire un dialogue des civilisations est, en plus d’êtrehautement souhaitable, tout a fait possible.

A l’heure où, plus que jamais, il est question de développement durable, de passer d’une logique économique de compétitivité à une logique économique d’inclusion, basée sur la valeur de l’homme et du capital humain, à l’heure où plus que jamais il est question de passer d’une économie axée sur la croissance à tout prix, et donc sur la déprédation, à la construction d’une économie de l’innovation qui donne naissance à de multiples formes de production et de
valorisation des ressources, plus durables et résistantes, la culture doit être au cœur de cette démarche qui n’est rien moins qu’une rupture paradigmatique, il nous faut nous convaincre que la culture est ce qui peut et doit sous-tendre nos efforts pour repenser le développement.

C’est fort de ces convictions, et en m’adossant aux piliers conceptuels qui les supportent, que je m’emploierai à magnifier le rôle des arts et de la culture comme ressource pour la paix et la protection du patrimoine.

Avec votre soutien, avec le soutien des hommes et femmes de culture, en faisant appel à la créativité des artistes du continent et de la diaspora, je m’emploierai à renforcer les bases d’une culture de la paix dont notre monde a besoin plus que jamais aujourd’hui

Je veux, par ailleurs, engager notre Union Africaine à organiser un grand rendez-vous mondial pour célébrer les arts de notre continent, ses cultures et ses patrimoines

Il va de soi que pour mener à bien ces quelques tâches, votre désormais Champion de l’Union Africaine a besoin de la collaboration et de l’appui de chacun d’entre vous. Voila pourquoi j’entreprendrai sans tarder des consultations pour identifier, au niveau de nos sous-régions, des pairs qui permettront d’avoir un effet multiplicateur.

Monsieur le Président en exercice de l’Union Africaine,
Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués invités,

La tâche qui nous attend est immense mais je ne doute pas un seul instant que nous en viendrons à bout.

Je sais également que la communauté internationale aura à cœur de se comporter en partenaire loyale et responsable. A cet égard, la décision prise par la France de restituer à notre continent les œuvres d’art issues du génie créateur de nos peuples mérite d’être saluée en ce qu’elle marque peut-être un nouveau rapport au monde.

Je veux croire que les uns et les autres travailleront sans relâche, avec ardeur, car conscients que le développement durable auquel nous souscrivons tous,consiste en dernière analyse, à promouvoir le développement de tout l’Homme, de tous les Hommes.

Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

C’est sur cette note d’espoir que je voudrais m’arrêter en vous remerciant encore une fois de votre confiance et en remerciant par anticipation, et en votre nom, toutes celles et tous ceux qui se mobiliseront pour soutenir notre commune volonté de réécrire l’histoire au temps présent et de faire de nos cultures, de nos
arts et de notre patrimoine un viatique pour l’avenir.

Vive la Culture africaine !

Vive l’Unité africaine ! 
Je vous remercie de votre aimable attention.

 Addis Abeba, 10 février 2019

Amap avec Koulouba.com

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