Au lendemain de la circulaire Valls et de l’annonce par le maire de Bordeaux, Alain Juppé, d’une prochaine interdiction dans sa ville, tous les regards sont tournés ce mardi vers la préfecture de Loire-Atlantique qui doit prendre position concernant l’interdiction ou non du spectacle prévu jeudi à Nantes du polémiste controversé Dieudonné.
Au lendemain de la circulaire Valls et de l’annonce par le maire de Bordeaux, Alain Juppé, d’une prochaine interdiction dans sa ville, tous les regards sont tournés ce mardi vers la préfecture de Loire-Atlantique qui doit prendre position concernant l’interdiction ou non du spectacle prévu jeudi à Nantes du polémiste controversé Dieudonné.
Le gouvernement a appelé lundi les préfets et les maires à empêcher la tenue des spectacles de Dieudonné, jugés antisémites, et a été immédiatement entendu à Bordeaux, mais le polémiste a fait savoir qu’il contesterait en justice toute interdiction.
A quatre jours du lancement d’une nouvelle tournée de l’humoriste controversé, jeudi à Nantes, Manuel Valls a transmis une circulaire à l’ensemble des préfets pour rappeler les outils juridiques permettant d’interdire les représentations interdire les représentations du one-man-show “Le Mur”.
Pour le ministre de l’Intérieur “ces spectacles ne relèvent en rien de la création artistique”, il s’agit “de rassemblements politiques, où Dieudonné déverse sa haine” des Juifs.
Sur la base de la circulaire, le maire de Bordeaux Alain Juppé a annoncé qu’il interdisait à Dieudonné M’Bala M’Bala, déjà condamné à de multiples reprises pour antisémitisme ou injure raciales, de se produire le 26 janvier dans sa ville.
Le préfet de Loire-Atlantique, qui se prononcera mardi, devrait aussi se saisir de la circulaire pour empêcher la représentation nantaise, a pronostiqué le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
L’avocat de Dieudonné a déjà assuré que son client “agirait immédiatement” contre toute interdiction. “Bien sûr, il y aura référé”, a indiqué à l’AFP Me Jacques Verdier, en rappelant avoir déjà gagné sur ce terrain.
Les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat ont annulé une quinzaine d’arrêtés d’interdiction visant Dieudonné ces dernières années, au nom du respect de la liberté d’expression.
“Les mairies et les préfets s’étaient tous fondés sur la jurisprudence Benjamin” qui autorise d’interdire un spectacle en cas de risque de trouble matériel à l’ordre public, a rappelé l’entourage de Manuel Valls.
Cette jurisprudence est “difficile à mettre en œuvre. Ca n’avait pas marché. Là, on propose aux préfets un nouveau terrain juridique” en leur suggérant de se fonder sur l’atteinte à la dignité humaine, a ajouté cette source.
La circulaire rappelle aux préfets une décision du Conseil d’Etat du 27 octobre 1995 qui avait validé l’interdiction d’un spectacle de “lancer de nains”, reconnaissant explicitement que la dignité de la personne humaine était une composante de l’ordre public.
Public de fidèles
Selon des juristes, cette base pourrait aussi être fragile. “Ce n’est pas parce qu’on dit quelque chose dans un spectacle au jour J qu’on va le dire à J+1. On est dans la supposition”, a commenté Pascal Jan, professeur de droit public à Sciences Po Bordeaux.
Pour cette raison, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) a mis en garde contre les risques d’une interdiction préalable, qui pourrait “fédérer autour de Dieudonné une sympathie réactionnelle de ceux qui se considèrent opprimés”.
En revanche, comme le conseille aussi la circulaire, la LDH encourage à poursuivre en justice chaque atteinte à la loi de Dieudonné M’Bala M’Bala, déjà condamné à de multiples reprises pour antisémitisme ou injure raciale.
Il s’est vu infliger un total de 65.290 euros d’amendes, dont il n’a pas acquitté un centime, selon des sources judiciaires. Une instruction a été ouverte sur une éventuelle organisation frauduleuse d’insolvabilité et sur le patrimoine de Dieudonné.
Les places pour “Le Mur”, déjà rôdé à Paris, se vendent 43 euros. Plus de 5.200 billets ont été vendus pour la représentation nantaise, contre laquelle la famille Klarsfeld, au nom des Fils et filles des déportés juifs de France, a appelé à manifester mercredi.
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) leur a emboîté le pas, en appelant à la “mobilisation” dans la vingtaine de villes où Dieudonné doit se produire d’ici juin.
Malgré les dénonciations multiples, Dieudonné continue de s’appuyer sur un public de fidèles très présents sur les réseaux sociaux, qui compte notamment des militants pro-palestiniens et de l’extrême droite traditionaliste.
Ils témoignent de leur ralliement en effectuant le geste de la “quenelle”, qu’ils présentent comme “un bras d’honneur anti-système”, mais que d’autres interprètent comme un salut nazi inversé.
SOS Racisme et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) ont annoncé qu’ils poursuivraient désormais toutes les “quenelles” effectuées dans des lieux où elles “ne laissent pas de doute” sur leur caractère antisémite.
Des personnes se sont déjà fait photographier faisant la quenelle devant des synagogues, un mémorial de la Shoah et l’école de Toulouse où Mohamed Merah a assassiné un enseignant et trois enfants juifs en 2012.
Par ailleurs, le député-maire UMP de Montargis (Loiret), Jean-Pierre Door, a porté plainte après une vidéo où neuf jeunes faisaient le salut de la “quenelle” devant sa mairie, avec en musique de fond le Chant des Partisans, repris en choeur avec un couplet parodique.
Le vice-président du FN Louis Aliot a estimé sur La Chaîne parlementaire (LCP) que Manuel Valls était “le plus bel impresario” de Dieudonné et a “démultiplié les facteurs de promotion” de son spectacle.
© 2014 AFP