En grève illimitée, les magistrats maliens sont remontés contre le gouvernement à tel point qu’ils se sont livrés le 24 septembre 2018 à un déballage public et surprenant. Ils ont dévoilé des malversations présumées au ministère des Finances, en représailles au gel de leur salaire décidé par le gouvernement. Cette mesure dissuasive est endossée par le Premier ministre Soumelou Boubèye Maïga qui aurait saisi la Cour suprême pour avis sur la validité de sa décision.
Nos tentatives auprès du bureau de la primature pour en savoir sur la position du gouvernement se sont soldées par un échec. Et tout porte à croire que la nouvelle posture du gouvernement est de frapper les syndicalistes au portefeuille. C’est un couteau à double tranchant.
Si l’objectif est de faire mal aux grévistes, c’est une victoire pour le gouvernement. La preuve, c’est la réaction surprenante des magistrats qui ont visiblement voulu humilier le ministre de l’Economie et des Finances trempé, selon eux, dans une malversation financière à hauteur de 3, 5 milliards de nos francs.
Mais la décision du Premier ministre risque de coûter cher au gouvernement à court ou moyen terme. Les syndicats qui ont tendance à lutter en solo pourraient prendre conscience de leur faiblesse pour mener un combat collectif. Les syndicats de la santé qui ont mis fin à leur grève à la veille de la présidentielle et de nombreux autres syndicats, dont ceux de l’enseignement, vont certainement entrer dans la danse en raison des reproches qu’ils formulent régulièrement contre le gouvernement. Déjà les Directions de finances et des matériels de la primature et des ministères menacent d’observer une grève de deux jours en octobre.
Plus inquiétant, c’est le contexte politique explosif qui existe au Mali depuis l’élection présidentielle passée. On a l’impression que le pouvoir a tout fait pour jeter dans les bras de l’opposition les corporations. Le dialogue que le Premier ministre est censé avoir avec les partis politiques, surtout ceux qui contestent la légitimité du pouvoir, est également au point mort.
Soumeylou Boubèye doit tout faire pour ne pas perdre la main dans le jeu du dialogue social. Un pari qui n’est pas encore gagné. En plus de la rupture du contact avec les syndicats, une franche importante de la communauté religieuse est sur les dents. Même au sein des forces armées et de sécurité, il y a des remous que cache mal l’apparente cohésion démontrée lors de a célébration du 22 septembre 2018.
Dans ce contexte, l’opposition qui menace d’appeler à la désobéissance civile pourra facilement obtenir le soutien des syndicats qui sont maintenant prêts à faire feu de tout bois. Un appel de l’opposition a aujourd’hui des chances de mobiliser les Maliens autant que la cause de la plateforme Antè Abana.
Soumaila T. Diarra
Source: Lerepublicainmali