Il a fallu seulement trois petits jours pour que les Maliens de l’intérieur comme de la diaspora, mais aussi les observateurs étrangers, notent avec moquerie que les assises du dialogue politique dit inclusif national ne sont qu’une foire hilarante où les intervenants sont loin de pouvoir s’entendre. Du choc des opinions jaillit la vérité, dit-on. Mais ce qui se passe au palais des congrès a plutôt l’air des empoignades dans une pétaudière où brille par la cacophonie. Bavardage, répliques houleuses, en tout cas point de sérénité et de courtoisie. Pourtant, tout le monde le sait avec pertinence, il n’y a qu’une représentativité de la nation, le grand dialogue en cours ayant perdu avant même de commencer son caractère inclusif. Boudé par l’écrasante majorité du peuple, il ne mobilise d’ailleurs de moins en moins chaque jour selon plusieurs constats que les affidés du régime en place, qui ne parviennent pas malgré tout à accorder leurs violons. L’explication osée par un des participants est que « tout le monde connaît la vérité, mais personne ne veut le crier haut et fort ». Ce point de vue n’est ni une boutade ni une énigme. Il exprime simplement la nocivité de la gouvernance développée par IBK dès sa prise du pouvoir à l’issue d’une élection présidentielle qu’il a remportée en 2013, au regard des circonstances qui prévalaient, avec un score quasi soviétique de près de 80% des suffrages. Cet atout de départ aura été tout simplement extraverti en une sorte de laisser-aller qui a entraîné le pays dans une spirale infernale émaillée de favoritisme, de népotisme, de corruption, de fragilisation avancée de l’armée nationale et des services de sécurité. Mais comment répertorier tout cela sans se dénuder soi-même, les adversaires politiques ayant déjà, en ce qui les concerne, fait méticuleusement le point de toutes les tares que l’on continue de s’efforcer à nier? Somme toute, l’État est ébranlé dans ses fondements, IBK l’a dit dans son discours inaugural. « Vous êtes une force de propositions. Et le peuple attendra de vous que votre congrès ne soit pas un congrès de plus, mais le congrès qu’il fallait pour mieux asseoir notre processus démocratique, adapter nos institutions, corriger notre gouvernance, stabiliser notre pays, renforcer notre commune volonté de vivre en commun », avait lancé pieusement à l’inauguration un Ibrahim Boubacar Keïta très en verve. En clair, sans s’estimer en rien coupable, IBK rend responsables de l’avenir du pays les congressistes, car il s’agira pour eux « d’ausculter le pays pour voir quel est son mal, d’où nous vient-il et comment le soigner ». Ruse ne peut être plus évidente quand les délégués, tous de la mouvance présidentielle, ont un clair savoir que c’est la façon de gouverner du président de la République qui a causé tous les maux; que ce sont ses connivences, supposées ou vraies, avec la France et son pendant, la C.M.A., qui sont à la base de tous les errements dans la gestion de ce qui est convenu d’appeler la crise du nord; que c’est sa légèreté vis-à-vis des siens et proches, ironiquement nommés « Ma famille d’abord » qui a favorisé un niveau de corruption et de détournements de deniers publics jamais connu au Mali. Telles sont les vérités qui s’imposent aux congressistes alliés du pouvoir. De ce fait, ils n’ont que les armes de la colère, des accusations tous azimuts, de l’indexation de la partition en cours du pays. Quelle force de propositions peuvent-ils alors incarner quand bien même tout le mal vient de leur propre système, l’opposition s’étant proprement lavée les mains, non pas à la Ponce Pilate, mais en mettant régulièrement en exergue tous les manquements préjudiciables à la solidité de l’État et de la République? On comprend qu’IBK envisage un mécanisme indépendant pour l’exécution des résolutions qui sanctionneront son DNI. C’est avouer sans le dire, que ce ne serait pas le Gouvernement, encore moins la présidence de la République, à qui sera dévolue la mission de soigner un Mali alors ausculté. Mais une sorte d’ONG, ou une structure mi-privée mi-supranationale, hybride et fantomatique, qui ne dira pas son nom, mais qui prendra en main la mise en œuvre des fameuses résolutions attendues. Et pourquoi ne pas comprendre à l’avance qu’une équipe désignée d’avance travaille déjà sur ces résolutions-là qui iront dans le sens souhaité par le prince régnant ? Il faut sonder les lambris dorés de Koulouba pour en avoir le cœur net. Mais avons-nous les sondes? Si, notre intelligence patriotique.
Emmanuel Fankélé Traoré LE COMBAT