La phase nationale du Dialogue Inter-maliens a pris fin le vendredi 10 mai dernier à Bamako, mais sur fond de déception, puisque vidé de tout son sens, avec l’exclusion d’office des groupes armés. L’exception malienne en matière de dialogue aura cependant été que les recommandations du DIM appellent à ouvrir un autre dialogue avec lesdits groupes !
Doit-on dès lors en déduire que, pour cet autre dialogue, les autorités maliennes, si elles y adhèrent, vont accepter de suspendre les poursuites judiciaires engagées contre les leaders de l’ex-rébellion ? La question se pose, car c’est justement ce qu’il fallait faire avant le DIM !
Pour rappel, le dialogue tant espéré par les Maliens n’aura finalement été qu’une tribune de plus pour donner un nouveau bail aux autorités de la Transition, si bien que concernant le processus de paix, le Colonel Assimi Goïta avait privilégié, comme annoncé dans son discours du nouvel an, une appropriation nationale de l’accord en donnant toutes ses chances à un dialogue direct inter-maliens pour la paix et la réconciliation. Un dialogue qui, selon lui, devrait éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires, sans faire abstraction à l’unicité, la laïcité, et l’intégrité du territoire…
A sa suite, le gouvernement annonçait la fin avec effet immédiat de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger signé en 2015 à Bamako entre le gouvernement malien, les mouvements armés du Nord-Mali et la Communauté internationale en vue de parvenir à une paix définitive après une série de rébellions dans le pays. Le gouvernement invitait en outre tous les autres groupes signataires du caduc accord de paix, non impliqués dans le terrorisme, ainsi que les partenaires du Mali, à s’inscrire dans l’esprit du dialogue direct inter-Maliens ouvert à tous nos compatriotes épris de paix.
Mais au finish, la plupart des acteurs clés ont été méthodiquement mis à l’écart pour faire du DIM un cadre de légitimation de la Transition en cours qui a officiellement pris fin le 26 mars dernier.
Des grades de Général sollicités pour 6 colonels de l’ex-CNSP, dont le Président de la Transition, à une prolongation de la Transition de 2 à 5 ans proposée en passant la candidature du Colonel Assimi Goita qui ressort dans les recommandations du DIM, le constat aura été que cette énième assise, dédiée à la paix et à la réconciliation, n’aura été qu’un rendez-vous manqué.
Mais comment va donc se passer le dialogue bis avec les groupes armés comme recommandé par le DIM ? La question se pose, car on se rappelle qu’en novembre dernier, juste quelques jours après la reprise de Kidal, la justice malienne annonçait l’ouverture d’une enquête contre plusieurs individus, dont Iyad Ag Ghaly, Amadou Barry alias Amadou Kouffa, Bilal Ag Acherif, Alghabass Ag Intalla, Ibrahim Ould Handa, Fahad Ag Almahmoud, Hanoune Ould Ali et Mohamed Ag Najim pour « actes de terrorisme, financement du terrorisme et détention illégale d’armes de guerre ».
« Le Procureur Général près la Cour d’Appel de Bamako (…) a instruit au Procureur de la République du Pôle Judiciaire Spécialisé en matière de lutte contre le Terrorisme et la Criminalité transnationale organisée l’ouverture d’une enquête contre les leaders terroristes mais aussi d’autres membres signataires de l’accord » de paix de 2015 et « ayant basculé dans le terrorisme », indiquait le communiqué. L’enquête vise à permettre que les auteurs présumés de ces faits présumés et leurs « complices, répondent de leurs actes devant la justice », selon le communiqué.
Selon le parquet, « l’exploitation de renseignements » qui lui sont parvenus fait apparaître « la constitution entre certains individus d’une association ayant pour but de semer la terreur, de porter atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale et à ternir l’image » de l’armée malienne.
Des « faits d’une extrême gravité » qui « sont susceptibles de constituer des infractions présumées d’associations de malfaiteurs, d’actes de terrorisme, de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, de détention illégale d’armes de guerre et de munitions et de complicité de ces mêmes faits », susceptibles de provoquer des victimes civiles et militaires.
Faut-il en déduire que les charges retenues contre certains de ces leaders, notamment ceux de l’ex-rébellion de Kidal, vont être suspendues, voire abandonnées, pour donner une chance de réussite au nouveau dialogue avec les groupes armés prôné par les recommandations du DIM ? Question difficile à répondre, même si on n’est de dire que pour la paix au Mali, aucun sacrifice ne sera de trop !
MAIMOUNA DOUMBIA
Le Soir de Bamako