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Diago : UN CHARNIER SOUS LE KARITE

Dans la fosse commune creusée au pied de l’arbre, 21 corps ont été retrouvés, certainement ceux de militaires exécutés en mai 2012

 

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Une pièce majeure vient étoffer le dossier dans la procédure judiciaire lancée contre les présumés auteurs de la disparition des 21 bérets rouges, suite au contre-coup d’État tenté par des éléments du Régiment des commandos parachutistes le 30 avril 2012. Ce jour une partie du régiment des « bérets rouges » attaque l’ORTM, l’aéroport de Bamako-Sénou et le camp militaire de Kati, quartier général des putschistes commandés par le capitaine Amadou Aya Sanogo. La suite est connue : la tentative des bérets rouges est écrasée et les combats font des morts dans les deux camps. Après cet épisode militaire, les choses dérapent : une vingtaine de bérets rouges capturés, enfermés au camp militaire de Kati, et même exhibés à la télévision, disparaissent sans laisser d’autres traces que des séances de tortures filmées par des téléphones portables par leurs bourreaux et leurs complices.

Depuis lors, leurs familles sont sans nouvelles d’eux. Ces familles ont remué ciel et terre, organisé des marches et diverses manifestations, frappé à de nombreuses portes. Elles ont aussi saisi les nouvelles autorités militaires et judiciaires pour connaitre le sort réservé à leurs proches. Suite à cette saisie, les enquêteurs du Service d’investigation judiciaire de la gendarmerie (SIJ) ont creusé le dossier en collaboration avec le juge d’instruction Yaya Karambé en charge de ce dossier.

C’est ainsi que le charnier renfermant les corps de 21 bérets rouges a été découvert dans la nuit de mardi à mercredi à Diago, une localité connue pour son usine d’embouteillage d’eau minérale, située à 12 km de Kati. Hier, nous sommes parvenus à quelques dizaines de mètres de la fosse gardée par trois gendarmés armés de kalachnikov. Interdit d’approcher plus près. Nous nous sommes contentés alors de contempler de loin le karité sous lequel la fosse a été creusée.

Pendant que nous tentons de convaincre les gendarmes de nous laisser prendre des photos de la fosse commune, deux autres chasseurs d’images travaillant pour la presse internationale se font chasser des lieux. L’un d’entre eux avait tenté de faire des images de loin. Le charnier est situé au milieu d’un champ qui s’étend à quelques centaines de mètres de la voie ferrée. Pour y accéder, il faut descendre de la route goudronnée et s’enfoncer dans les hautes herbes jaunâtres.

En plus des corps découverts et exhumés, des pièces d’identité des militaires disparus auraient été retrouvées sur place. Un contact proche du dossier croit savoir que les survivants des tortures ont été « achevés à bout portant », avant d’être jetés dans la fosse commune de « 80 centimètres de profondeur ». Ce qui confirme les différents témoignages des villageois qui disent avoir « entendu des coups de feu cette nuit-là… ». Il faut rappeler que la découverte de ce charnier a été possible grâce à l’inculpation de certains proches de l’ex-chef de la junte, en l’occurrence, le général Amadou Haya Sanogo.

Ici dans le village de Diago, les villageois ne sont pas surpris de la découverte de ce charnier, mais évoquent la question avec une compréhensible réticence. Devant un atelier de collage de pneus, quelques villageois tentent de travailler. Malheureusement, ils sont devenus sous l’effet des événements et malgré eux-mêmes, « des guides du charnier ». Depuis hier nuit, rapportent-ils d’une voix trainante, beaucoup de gens sont venus en véhicules pour voir la fosse commune. Même ce matin, d’autres sont passés avant vous. Je n’ai pas besoin de vous accompagner jusqu’au lieu précis. Suivez seulement les traces des véhicules entre les herbes », nous conseillent-ils.

Comme indiqué, nous avons suivi les traces fraiches dans la broussaille, sous le regard indéfinissable d’un groupe de femmes qui pilaient à l’ombre d’un arbre.

En fait, l’existence de ce charnier a fait l’objet de rumeurs, parfois rapportées, par la presse au lendemain des combats de ce début mai 2012. Il semble que de nombreux militaires, surtout de Kati, en connaissait l’existence sans toujours pouvoir le localiser avec précision. Pour que l’équipe d’enquêteurs puisse situer la fosse et exhumer les corps, il a fallu que des fossoyeurs parlent. Et s’ils l’ont fait, le dossier judiciaire va considérablement gagner en consistance et les inculpations en gravité.

A. DIARRA

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