La folle rumeur qui a inondé la capitale, lundi, annonçant la démission du Premier ministre Moussa Mara, est le signe même du haut degré d’impopularité atteint par le chef du gouvernement.
i les Maliens piaffent d’impatience de voir le Premier ministre Moussa Mara remercié, ce n’est certainement pas pour le remplacer par un autre qui fera moins que lui en terme d’amélioration de leurs conditions de vie. Arrivé à la tête de l’Exécutif suite à la démission surprise du technocrate Oumar Tatam Ly, le président du parti YELEMA, Moussa Mara, avait été accueilli par tant de préjugés défavorables que sa mission paraissait quasi impossible.
Du 5 avril 2014, jour de sa nomination, à maintenant, rien, apparemment, ne semble lui réussir à la tête d’une équipe dont tous les membres sont pourtant loin d’être des « incompétents » voire des « corrompus ». Loin s’en faut.
Même si avec l’affaire de l’avion présidentiel acheté à coup d’une vingtaine de milliards FCFA et celle du contrat de matériels militaires controversé de 69 milliards FCFA passé avec une minuscule société dénommée GUO STAR, il est difficile de soustraire le bon grain de l’ivraie. Le Conseil des ministres extraordinaire du lundi 10 novembre a certainement eu les mêmes difficultés de savoir qui a joué quel rôle dans ce double dossier scabreux.
A supposer que le chef du gouvernement n’est pas directement concerné d’avoir trempé dans la soupe de la corruption, lors de la passation de ces marchés sulfureux, il peut être tenu comme moralement responsable de la boulimie présumée de certains des membres de son équipe. Encore que lui-même avait, devant les élus de la nation, annoncé qu’il détenait tous les documents relatifs à l’achat de l’avion présidentiel d’IBK. De même il avait été formel quant au fait que l’avion de commandement de l’ex-président ATT « n’avait pas de papier pour voler » et qu’il constituait « sur le plan technique un véritable cercueil volant « capable d’exploser en plein vol. Toutes assertions qui se sont révélées fausses.
Qui plus est, les différents rapports du Bureau du Vérificateur Général (BVG) et de la Cour Suprême ont révélé que l’avion d’IBK qui « n’est pas pour le Mali » malgré le fait que le Trésor public s’est saigné de 20 milliards F CFA pour son acquisition.
A l’Hémicycle, le Premier ministre a disserté avec une tranquille assurance sur un dossier qu’il ne maîtrisait pas. Et cela, il s’en est rendu compte après précisément la publication du rapport du BVG.
L’autre bévue commise par Moussa Mara est sa visite précipitée à Kidal, le 17 mai dernier, et la débâcle de l’armée du 21 mai qui s’est soldée par la mort d’un nombre élevé de militaires et de policiers.
En terme de pertes en vie humaine, cette escapade mortelle de Moussa Mara est comparable à l’exécution de masse d’Aguel Hoc, une centaine de nos braves soldats faits prisonniers ayant été froidement tués par armes à feu ou éventrés à l’arme blanche par des rebelles du MNLA et du HCUA. Après cette tragédie survenue à Kidal et due à un sentiment de suffisance mal maîtrisée, le Premier ministre devait pouvoir en tirer les leçons et présenter sa démission au président de la République.
Et, en même temps, publier ladite lettre afin de ne donner aucune chance au chef de l’Etat pour ne pas l’accepter. Comme ce fut le cas avec Oumar Tatam Ly.
Voilà deux occasions que Moussa Mara a ratées pour démissionner et garder l’estime des Maliens qui s’attendaient précisément à cela.
Dire donc qu’IBK n’a pas voulu de la démission de Moussa Mara, chaque fois qu’il a eu à la présenter, relève de l’affabulation. Le problème, c’est le président de la République lui-même qui reste sourd aux cris de détresse de son opinion publique. En continuant à garder à la tête du gouvernement un homme qui a failli sur toute la ligne. Le Mali a perdu Kidal, la misère a pris de l’ampleur, l’espoir a été tué. Vivement un nouveau Premier ministre pour apporter un sang neuf à un pays qui a perdu tous ses repères.
Mamadou FOFANA
Résistance du Premier ministre?
Selon une source crédible, le Premier ministre Moussa Mara joue à la résistance. Il aurait refusé de démissionner. Il faut avouer qu’il peut jouer sur le texte fondamental, la Constitution du 25 février 1992 qui dispose en son article 38 ceci : « Le président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement.
Sur proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions ».
Le texte reste silencieux sur l’hypothèse d’un refus du chef du gouvernement de démissionner. Au fait, le chef de l’Etat n’a aucune arme immédiate pour le démettre, si ce n’est demander à sa majorité parlementaire de voter une motion de censure pour renverser le gouvernement. Une procédure qui peut prendre quelques jours…
L’on se rappelle que dans l’histoire récente du Mali, un autre Premier ministre, célèbre celui-là, a voulu jouer sur cette corde avec le président Alpha Oumar Konaré. Ce fut un certain Ibrahim Boubacar Kéita.
Bruno D SEGBEJI