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Des Européens bientôt poursuivis pour génocide en Irak et en Syrie ?

Un rapport de la FIDH dénonce les crimes contre l’humanité commis par des djihadistes occidentaux, engagés au sein de l’État islamique.

Les atrocités commises à l’encontre des communautés yézidies du nord-ouest de l’Irak sont constitutives de «  crimes contre l’humanité  ». Les massacres d’hommes, de femmes et d’enfants, survenus entre 2014 et 2015 dans la province du Sinjar, non loin de Ninive, peuvent et doivent être qualifiés de «  génocide  ». Telles sont les deux principales conclusions du rapport publié le 25 octobre par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

Ce document d’une cinquantaine de pages, écrit par Amal Nassar, représentante de la FIDH devant la Cour pénale internationale, et Behzat Fahran, membre de l’association Kinyat, démontre que les exactions commises contre la minorité yézidie depuis 2014 ne sauraient être réduites à de simples actes de guerre ou de terrorisme. «  Les témoignages recueillis, comme les documents que nous avons réunis, attestent de la volonté des dirigeants de l’État islamique de détruire cette population pour la simple raison que ses membres ne sont pas musulmans  », affirme Dimitris Christopoulos, président de la FIDH.

Esclavage et déportations

Après la prise de Mossoul par les soldats du califat proclamé par Abou Bakr al-Baghdadi, en juin 2014, l’État islamique a conduit une campagne de «  purification  » de la région de ses éléments «  non islamiques  ». Le 3 août 2014, les combattants de Daech ont attaqué la région du Sinjar, obligeant 130 000 Yézidis à fuir vers les zones kurdes. «  Sans possibilité de repli, des dizaines de milliers de personnes ont été contraintes de se réfugier dans les montagnes, dans des conditions dantesques : le manque d’eau, de nourriture, d’ombre, et de matériel médical fera au moins 1 700 morts  », relève la FIDH.

Cela s’inscrit dans une politique de grande envergure visant à éradiquer les communautés yézidies. Selon la FIDH, ce projet génocidaire s’est traduit par l’arrestation et le transfert de milliers de personnes issues de cette minorité ethnique, présente en Irak depuis des millénaires. Mais aussi par des crimes de masse, des conversions forcées à l’islam et la réduction en esclavage de près de 7 000 femmes, mais aussi d’innombrables enfants, considérés comme des «  butins de guerre  ».

Des Français parmi les criminels

«  Ces crimes contre l’humanité continuent aujourd’hui d’être commis dans l’indifférence de la communauté internationale  », s’insurgent les auteurs de ce rapport. Amal Nassar estime ainsi à plus de 3 000 le nombre de femmes yézidies qui continuent d’être prisonnières des djihadistes aujourd’hui retranchés dans la poche d’Idlib, en Syrie. Analysant les textes émis par les dirigeants de Daech et autorisant ses combattants à récupérer, au titre de la «  sabaya  » (rétribution de guerre), des «  sabiya  » (esclaves souvent sexuelles ou des serviteurs «  mécréants  », parmi les enfants), Amal Nassar et Behzat Fahran dénoncent l’absence de réaction des États occidentaux. Et ce alors même que de nombreux auteurs de ces crimes ne sont ni Irakiens, ni Syriens mais des djihadistes occidentaux, dont certains Français !

Au moins cinq Français sont ainsi directement mis en cause par des témoignages de survivants. Si leur identité précise n’a pas été révélée, les services de renseignements hexagonaux ne devraient pas avoir de mal à les retrouver compte tenu des éléments laissés dans les bâtiments abandonnés par l’administration de l’État islamique à Mossoul et à Raqqa : photos, listes de kunyas (noms de guerre) et même contrats d’achat et de revente d’esclaves.

«  Pour le moment, les djihadistes poursuivis à leur retour en France ne le sont que sur la base d’infractions évoquant leurs liens avec une organisation terroriste. Il serait plus juste de les poursuivre, dans certains cas, pour crimes contre l’humanité  », relève l’avocat, Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH, qui milite pour le jugement, dans leur pays d’origine, des membres européens de Daech. «  On ne combat pas la barbarie par la barbarie  », énonce l’avocat qui pointe le fait que les procédures en cours en Irak, en Syrie, comme dans les territoires contrôlés par les forces kurdes ne garantissent pas un procès équitable aux personnes poursuivies.

Poursuites judiciaires

À ce jour, on estime à 300 le nombre de condamnations à mort prononcées à l’encontre d’anciens djihadistes, arrêtés sur le sol irakien. Le Soufan Center, une ONG présente sur le terrain, déclare que 5 600 combattants étrangers sont retournés dans leur pays d’origine. Au plus fort de la guerre, on évoquait plus de 31 000 djihadistes de nationalité étrangère, présents sur zone. Le pôle «  crimes contre l’humanité  », constitué au tribunal de grande instance de Paris conduit, à ce stade, une centaine d’enquêtes dans une quinzaine de régions du monde. Mais seulement 27 dossiers concernent la zone irako-syrienne.

«  Aucun dossier n’implique, pour le moment, des crimes commis contre des Yézidis  », affirme un connaisseur du dossier. «  Les choses pourraient changer  », veut croire Patrick Baudouin qui relève qu’il en va de « l’honneur des démocraties » de poursuivre et faire condamner leurs ressortissants lorsqu’ils commettent de tels actes de barbarie. L’avocat aimerait que la Cour pénale internationale, à défaut d’une cour «  ad hoc  », se penche sur ce dossier.

Nadia Murad, qui a reçu le prix Nobel de la paix il y a quelques jours, doit rencontrer aujourd’hui Emmanuel Macron pour lui demander que la France s’implique dans ce combat. «  Nous ne connaîtrons la paix que lorsqu’on nous aura rendu justice  », affirme la jeune yézidie, elle-même réduite pendant plusieurs mois à l’esclavage.

le point.fr

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