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Dans une vidéo transmise aux Observateurs de France 24, et dont nous ne diffusons que des captures d’écran ci-dessous, on peut voir un groupe de jeune taper avec un gourdin sur un chien, à terre et visiblement inerte.

Dans la vidéo de 17 secones envoyée par notre Observateur, de jeunes hommes tuent d’abord le chien avec un baton en tapant sur lui à plusieurs reprises.

Le chien, inerte, est ensuite trainé par une corde attachée à son cou.

« C’est de plus en plus difficile de trouver du chien selon les voleurs »

Ephrem Kondamoyen
 Ephrem Kondamoyen, notre Observateur à Bangui qui a tourné cette vidéo, précise :

Les jeunes n’étaient pas très à l’aise à l’idée d’être filmés. Ils m’ont affirmé qu’ils avaient volé cet animal à son propriétaire dans le 1er arrondissement [dans le centre de la capitale]. Puis, ils l’ont emmené dans un quartier du 6ème arrondissement [dans le sud de Bangui] pour l’achever et le dépecer. Selon eux, c’est de plus en plus difficile de trouver du chien, une viande très appréciée et bon marché. J’ai ensuite pris des photos les montrant en train de cuire la viande et de la vendre sur le bord de la route, 100 francs CFA (environ 15 centimes d’euros) le bout de chair.

Le chien visible dans la vidéo a ensuite été cuisiné sur des braises puis vendu dans la rue selon notre Observateur témoin de la scène.

« On ne laisse plus notre chien sortir seul »

Bien que choquante, cette pratique ne serait pas totalement isolée : plusieurs Observateurs centrafricains nous ont fait part durant ces six derniers mois de cas de vols de chiens. Un propriétaire de chien dans le 2ème arrondissement de Bangui nous a confirmé, sous couvert d’anonymat, qu’il était régulièrement harcelé depuis plusieurs mois :

Des jeunes nous ont dit que notre chien avait l’air en bonne santé, qu’il était robuste, et qu’il ferait, selon eux, un met succulent. Ils ne nous ont jamais proposé d’argent. [Selon nos Observateurs, un chien se négocierait autour de 10 000 francs CFA, soit d’une quinzaine d’euros, NDLR]. Selon eux, la viande de chien est très à la mode en ce moment, donc ils en cherchent plus que d’habitude.

Nous avons catégoriquement refusé, car pour nous, notre chien fait partie de notre famille. Mais nous avons très peur, car il y a une semaine, un autre chien a été tué dans le quartier. Depuis, on ne laisse plus le nôtre sortir : on l’accompagne toujours le soir, ou on l’attache en laisse à l’abri des regards en journée.

D’autres propriétaires nous ont confié avoir parfois vendu leur chien, une fois celui-ci décédé, à ceux qui voulaient récupérer la dépouille pour le vendre.

« Les voleurs de chiens risquent jusqu’à 5 ans de prison »

Contacté par France 24, Bienvenu Zokoué, directeur de l’Offfice central de répression du banditisme de Bangui, confirme avoir connaissance de cas de vols, même s’il affirme que ce phénomène n’est pas très répandu.

Récemment, nous avons reçu une ou deux requêtes de propriétaires se plaignant du vol de leurs chiens. Mais cela pourrait être beaucoup plus, car les propriétaires signalent plutôt ce type de vol auprès des autorités coutumières, et cela ne remonte parfois pas jusqu’à nous.

Consommer du chien, c’est une pratique culturelle de ressortissants de la République démocratique du Congo vivant en Centrafrique, mais aussi de quelques communautés centrafricaines des régions de Lobaye et M’baiki [dans le sud de Bangui, Ndlr]. A Bangui, c’est surtout de la viande qu’on consomme dans le 6ème arrondissement, dans le sud de la capitale. Les chiens ne sont pas les seuls concernés : nous avons aussi eu vent de chats qui sont chassés. Cela est bien sûr formellement interdit : le vol d’animaux est puni jusqu’à 5 ans de prison et 500 000 francs CFA d’amende selon le code pénal centrafricain.

Depuis l’année 2015, le gouvernement a lancé de vastes opérations de vaccination des chiens de Bangui pour éviter la propagation de maladies telles que la rage. Photo publiée en 2015 sur Letimbi par Rosmon Zokoué.

« Ces personnes qui chassent des chiens prennent de gros risques pour leur santé »

Jean Faustin (vétérinaire)

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Les cas de vol rapportés par nos Observateurs soulèvent également des problémes sanitaires comme le souligne Jean Faustin (pseudonyme), un vétérinaire à Bangui.

Avant la crise centrafricaine, il y avait des élevages encadrés de chiens destinés à la consommation de viande, notamment pour quelques restaurants ou vendeurs qui commerçaient avec les ethnies friandes de cette viande. Ces élevages ont petit à petit disparu avec la crise qui a touché le pays pour des raisons économiques.

La consommation de viande de chien en dehors de ces circuits formels est une inquiétude pour nous : aucun contrôle sanitaire n’est effectué, et ces chiens volés peuvent être porteurs de maladies zoonotiques, c’est à dire qui se transmettent de l’animal à l’homme, comme la rage, sans en avoir des symptômes apparents. Les risques ne sont pas au niveau du consommateur, car une fois la viande cuite, la maladie n’est plus présente. En revanche, ces maladies peuvent se transmettre à l’homme lorsque les cadavres ou les entrailles sont manipulées. Ces personnes qui chassent les chiens prennent donc de gros risques pour leur santé.

« Les chiens que nous contrôlons sont souvent positifs à des maladies zoonotiques »

Contacté par France 24, le responsable de laboratoire de l’institut Pasteur de Bangui, Emmanuel Rivalyn Nakouné Yanndoko, confirme que des chiens sont régulièrement abattus chez des éleveurs ou des particuliers. Il précise :

A chaque fois je demande que la tête soit envoyée au laboratoire pour analyse, et souvent, le diagnostic à des maladies zoonotiques est positif. Dans ce cas, nous faisons systématiquement un communiqué radio pour que toutes personnes ayant été en contact avec l’animal se rendent au Centre de traitement antirabique à l’Institut Pasteur de Bangui, pour une prise en charge.

Pour limiter les effets des maladies zoonotiques, le gouvernement centrafricain a procédé à la vaccination de 16 165 chiens au mois de juin dernier. Selon les estimations du ministère de la santé, il resterait environ 3 400 chiens recensés qui n’ont pas été présentés par leur propriétaires lors de cette campagne de vaccination.

Article écrit en collaboration avec

Alexandre Capron , Journaliste francophone

 Observateur France 24