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Décryptage : N’Daw/Goïta : écrire un nouveau contrat politique

Aussi Bizarre et saugrenu que cela puisse paraitre, c’est la première fois que le Mali a à sa tête un président et un vice-président. Une première dans l’histoire du Mali indépendant. Le colonel-Major à la retraite, Bah N’Daw, devient Président de la transition, et son cadet d’une trentaine d’années, le colonel Assimi Goïta, président du CNSP, devient son vice-président.

 En désignant un militaire à la retraite comme président de la transition, le CNSP a coupé la poire en deux pour contenter la Cédéao qui exigeait un président civil pour la transition. Un compromis qui équilibre les rapports de force entre le CNSP et la Cédéao dans un contexte sécuritaire dégradé.

Pour diriger le Mali, et ramener la paix, Bah N’Daw et Assimi Goïta coexistent au sommet de l’Etat. C’est le symbole du “partage” de pouvoir par deux générations mais aussi de deux personnes du même corps de métier, l’armée.

Mais que va donner cette co-présidence ?

Elle n’aura en tout cas de sens que si la question de la sécurité et de la rénovation des institutions est traitée : inégales chance d’accès à l’emploi ou aux soins, opacité du système démocratique, dégradation sécuritaire, criminalité, banditisme…. Tout se passe comme si une partie de la population (le pauvre quidam) n’avait plus sa place dans la société à cause de l’engluement des élites (les dirigeants) dans les combines et la démagogie. Cette élite est plus préoccupée par l’idée de se mettre à l’abri des besoins immédiats que par celle de travailler au développement et au changement du Mali. Dans certains pays voisins comme la Côte d’Ivoire et la Guinée Conakry, on retrouve le même type de tensions liées aux candidatures renouvelées des présidents sortants (Alassane Ouattara et Alpha Condé) et ce pour un 3eme mandat ! Ils n’ont pas su résister à la tentation de conserver le pouvoir !

Au Mali, pour se distinguer de la transition de 2012 et donner l’exemple, N’Daw et Goïta doivent avoir une feuille de route, une orientation commune et réaliste pour diriger la transition. En 2012, les difficultés pour s’accorder sur le “partage” du pouvoir entre le capitaine Amadou Haya Sanogo du CNRDRE et Dioncounda Traoré, président de la transition ont eu pour effet l’agression le 21 mai 2012 du président de la transition au Palais de Koulouba par une foule en colère. Gravement blessé, Dioncounda Traoré, soigné à Paris, ne reviendra à Bamako que presque deux mois après son agression. C’était un épisode triste et insupportable des jeux de pouvoir au Mali.

Aujourd’hui, le nouvel exécutif doit garder le sang-froid et s’inscrire dans un réel projet de pacification du Mali. Ce projet consiste à dessiner la carte du nouveau paysage de la sécurité dans laquelle sont redéfinis la place, le rôle et les enjeux du pays et des différents partenaires au chevet du Mali. Ni les émotions politiques, ni le travail des courtisans ne doivent avoir raison de leur capacité à créer un climat de coopération d’égal à égal. Il y va de même pour le retour définitif de Kidal dans le giron malien, avec la réinstallation effective des services publics.

Un autre point important de l’équilibre de leur duo, c’est la rénovation institutionnelle. Bah N’Daw et Assimi Goïta doivent laisser un héritage, un nouveau “contrat politique” pour le Mali à l’image des Manuscrits de Tombouctou qui font la fierté du Mali dans le Monde. L’objet de ce contrat est de règlementer la vie politique actuelle pour arrêter la saignée démocratique, à l’origine des crises maliennes. A propos de la loi électorale par exemple un travail de toilettage doit être mené pour des élections générales transparentes. Cela nous désengluera de l’image de pays à contestations post électorales. Rappelons que le contentieux électoral des législatives dernières était une des causes immédiates de la chute d’IBK.

En plus de la pacification du Mali et de la rénovation institutionnelle, les Maliens sont en quête d’un territoire paisible pour eux et leurs enfants. Autant dire que la responsabilité du tandem N’Daw et Goïta est immense devant l’histoire. Dans ce cadre, la nouveauté serait d’articuler la question des enjeux de survie (manger, se soigner, s’éduquer) avec la question socio-économique (reconnaissance des artisans du quotidien, reconnaissance économique des femmes et des jeunes…). C’est une volonté pour s’inscrire dans une égalité de traitement des citoyens. Réfléchir à ce qui unit les différents axes d’une politique, dans une transition, c’est remettre du sens et de la qualité dans la gouvernance.

Pour conclure la coexistence N’Daw (70 ans) et Goïta (37 ans) peut être un atout pour le Mali si les jeux de pouvoir et d’influence, inhérents à tout pouvoir, sont maitrisés. Il peut aussi être un atout pour créer une dynamique sécuritaire, et redonner espoir à tous ces Maliens qui manquent de route en état de fonctionner ou d’écoles en état de marche. Ce sera le rêve de milliers de Maliens qui espèrent un jour que travail résonne vrai.

 

Mohamed Amara

Sociologue

Source: Mali Tribune

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