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Décryptage : La survie de la démocratie malienne

Le contexte actuel du Mali le confirme : notre démocratie s’asphyxie, entre excès de confiance locale et méfiance de la communauté internationale

 Blessures d’aujourd’hui, haines de demain ?

Certes, Issa Kaou Djim est incarcéré pour « … trouble à l’ordre public… ». Certes, il n’est pas convenable de qualifier « d’irresponsable » la décision de chasser le représentant spécial de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, Cédéao, par l’exécutif lorsque l’on est le 4eme vice-président de son organe législatif, Conseil national de transition. Monsieur Djim devient ainsi le premier membre du Conseil national de transition, (CNT) à être poursuivi par la justice malienne. Il représente surtout le maillon faible de la transition, la pièce à sacrifier pour avancer. Son immunité parlementaire, ses liens avec l’imam Dicko et avec le Président de la Transition le Colonel Assimi Goïta ne l’ont toutefois pas protégé. Espérons, cependant, que les blessures d’aujourd’hui n’alimenteront pas les haines de demain.

Quand le foyer des divisions nous tient, la maison mère s’effondre !

À l’échelle de l’Histoire, tout cela pèse peu à côté du phénomène suivant : la survie de la démocratie malienne. Ce lundi, 25 octobre 2021, a marqué du fer rouge les relations entre la Transition et la Cédéao : déclarer « persona non grata » le Représentant spécial de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, Monsieur Hamidou Boly. Quel dommage ! Quand le foyer des divisions nous tient, la maison mère s’effondre ! Or, les préoccupations quotidiennes des populations de la Cédéao sont plus proches des nôtres : éducation, justice sociale, liberté, santé, sécurité, etc. Bien entendu, on dira que les tensions entre l’Elysée et Koulouba ont accéléré la décision, que le dialogue entre l’exécutif malien et le Représentant de la Cédéao n’était plus possible, qu’une partie des Maliens n’attendait que ça : l’expulsion de M. Boly. Tout cela n’est pas faux, mais ne gomme pas un fait : la détérioration des rapports entre la transition et la Cédéao.

Chute de Moussa Traoré, terreau fondateur de la République

En clair, la transition connait des débats essentiels : la bataille entre une souveraineté fermée et une souveraineté ouverte. Une bataille pour laquelle Choguel Kokalla Maïga, le Premier ministre actuel, veut s’imposer comme un leader. Il est partout. Souvent trop. Sur l’arc politique, il se considère comme un républicain, mais peu sensible au rejet de sa politique par une partie de ses concitoyens. Par exemple, les Assises nationales de la Refondation (ANR) ont été rejetées par une partie des partis politiques. Or, « La souveraineté nationale appartient au peuple tout entier qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice », article 26, Constitution malienne du 25 février 1992. Certes, il est important de faire vibrer le rêve des Maliens, retrouver la paix et la stabilité. Mais ce rêve se réalise en étant indépendant, mais ouvert au reste du Monde. Et n’oublions pas que la chute de Moussa Traoré en 1991 constitue le terreau fondateur de la République : liberté d’expression, liberté souveraine de l’esprit, multipartisme, etc. Par ailleurs, les propos d’Issa Kaou Djim illustrent cette liberté, un des acquis des années 1990. D’autant que la politique, c’est aussi la vie parlementaire (CNT), les débats d’idées… C’est ça la dynamique politique. Ceci dit, aujourd’hui, il n’y a qu’une question qui vaille : les tensions actuelles entre le Mali et la Cédéao sonnent-elles la cloche de nouvelles vulnérabilités politiques ?

Avoir l’intelligence du poulpe

Pour répondre, il est de l’intérêt général du Mali, pour l’exécutif, de travailler à la tenue d’Assises nationales apaisées ; d’autant qu’elles sont déjà rejetées par une partie de la classe politique. Une mauvaise publicité pour la transition, qui a une pression énorme sur ses épaules : respect impératif de la date des élections générales, perspectives de pressions économiques, etc. Mais du plus fort qu’il peut, pour notre survie démocratique, l’exécutif actuel doit incarner le Mali en refusant une nouvelle crise politique. Il doit avoir la capacité d’intelligence du poulpe, cet animal par excellence, qui a la faculté de passer dans un trou, étroit soit-il, à condition qu’il soit plus large que son œil. Donc, à l’image du poulpe, l’exécutif actuel doit apaiser les esprits pour mieux fédérer les Maliens, et s’ouvrir à l’Afrique. Pour le peu de temps qui lui reste. Rappelons-nous que « le peuple souverain du Mali […] réaffirme son attachement à la réalisation de l’unité africaine, à la promotion de la paix, de la coopération régionale et internationale, au règlement pacifique des différends entre Etats dans le respect de la justice, de l’égalité, de la liberté et de la souveraineté des peuples », Préambule de la Constitution malienne, 1992.

Retrouver l’énergie de l’espoir

La recherche de la paix, l’unité africaine et les acquis démocratiques des années 1990 ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel des tensions entre Paris, Moscou et Bamako. La transition ne doit pas se lasser embarquer dans les rivalités politiques inutiles ou des agitations « populistes » à Bamako. Le Président de la Transition, Assimi Goïta, et son Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, ont un pari : retrouver l’énergie de l’espoir pour redonner un sens à la vie de ces Maliens fragilisés, endeuillés, humiliés par le narcoterrorisme. Le Mali, le monde entier, a les yeux braqués sur vous. Votre profondeur d’esprit doit être mobilisée pour trouver le point d’équilibre entre la liberté vis-à-vis de la communauté internationale et le refus de l’excès de confiance aux milieux faucons de la République.

Pour vaincre le terrorisme, ne doit-on pas avancer avec les Maliens ?

MAM

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