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Décryptage : Bamako, une capitale en souffrance

Bourgade hier, métropole aujourd’hui

Capitale de la photographie, Bamako est la ville où l’on s’habille élégamment pour tromper son statut social. Or l’histoire du peuplement de la ville se confond avec l’exclusion des plus démunis. Bamako est la ville des marchands ambulants de lampes solaires, de housse-auto, d’essuie-glaces, d’accessoires de téléphones, d’eau en sachet plastique, de cacahuètes, etc. C’est la débrouille. De 129 000 habitants en 1960, Bamako s’achemine aujourd’hui vers les cinq millions d’habitants sans une réelle politique d’urbanisation pour répondre aux évolutions démographiques. La ville s’étire dans une folie foncière entraînant une dysharmonie urbaine. Outre cela, la folie foncière mine l’urbanisation au point que l’on peut se demander comment les gens y habitent sans se révolter. La majorité des déplacements se fait rarement à pied, faute de trottoirs adéquats. La peur d’être renversé par un motocycliste dissuade. Au petit soir, certains ronds-points et places publiques sont assiégés par les joggeurs, fuyant les trottoirs encombrés. Bourgade, devenue métropole, Bamako est cette agglomération où les heures de sortie de bureau sont propices aux embouteillages.

L’enfer urbain

Chaque embouteillage est une chance pour les vendeurs ambulants pour écouler leurs articles auprès des passagers des voitures. Un moment où la ville des trois caïmans ressemble à un enfer urbain, rappelant le célèbre tableau- ″la guerre″- du peintre allemand Otto Dix. Une cohue urbaine où la joie des vendeurs ambulants côtoie la souffrance humaine : mendicité, angoisse, deuil, ennui, chômage, toxicomanie, etc. Écœurant. Bamako, c’est la ville où se croisent toutes les intrigues, faisant le lit de l’impéritie, de l’enfermement, de l’incertitude, de la précarité, etc. Sans vouloir exagérer, Bamako souffre. A 40°C, les accidents de véhicule rythment le quotidien des Bamakois. Traverser la ville du Nord au Sud ou d’une rive à une autre, c’est tenté de relier Sévaré/Gao par la route nationale 16. Une course d’obstacles. Les camionneurs, les taximen, les triporteurs et les Telimen (moto taxi) deviennent les présidents de la route. Le temps d’un trajet. Cédons-leur le passage, comme on le cède à un cortège présidentiel. Au diable le code de la route !

Bé Bitagnini

Sur les bords du Djoliba, un climat de chaos règne, accentué par les klaxons qui retentissent à tout-va. Ce climat participe d’un désordre organisé par les présidents de la route pour grappiller le moindre mètre de trajet. Parfois au prix de la vie humaine. Les abus sont partout. On tourne en rond. Les uns interpellent : I gné te néla. Les autres harpaillent. Tout paraît invraisemblable. Bienvenue dans la fourmilière bamakoise où chacun tente de se tirer d’affaires : Bé Bitagnini en Bambara, Boro Kul Ga Nga Wanoo Ceci en Songhay. Dans la ville symbole du pouvoir politique, ce climat chaotique se prolonge par une invitée surprise, la poussière. Elle s’incruste partout. Elle est à tous les coins de rue et de maisons. Autre exemple, des dépôts d’ordures de Badalabougou et de Lafiabougou s’échappent une fumée toxique, rappelant la fragilité sanitaire des Bamakois. « La mouche qui se pose sur la couche usagée d’un dépotoir est la même qui piquera la mangue d’un Bamakois », observe un Bamakois. Appelée hier « Bamako la coquette », la ville de Modibo Keita, 1er maire de Bamako, subit durement la croissance démographique et les impacts sécuritaires : déplacés, banditisme, etc.

Rebelles, optimistes et indifférents

Dans la ville des orateurs politiques (Modibo Keïta, Alpha Oumar Konaré, etc.) héritiers de l’art déclamatoire de Konaté et de Hampâté Bâ, il se dessine trois catégories de citoyens ayant un rapport différent à la manière d’habiter Bamako, ville cosmopolite. D’abord, les citoyens rebelles. Ils ne sont pas nombreux. Mais ils sont exaspérés par l’état d’insalubrité. Ils prennent pour responsables les élus municipaux, censés se charger de l’assainissement des communes qui s’encombrent de poubelles. Mais, ces mêmes citoyens sont parfois les premiers à transgresser la règle. Ensuite, les citoyens optimistes. Ils croient dur comme fer aux possibilités de transformation de Bamako. Dans certains quartiers, ils s’organisent. Ils reprennent même l’initiative pour assainir les rues principales et curer les caniveaux. Des initiatives à encourager. Ils ne veulent paraître ni faibles ni plaintifs. Ils se responsabilisent. Et enfin, les citoyens indifférents. Ils sont les plus nombreux. Ils subissent la situation. Ils attendent que ça passe. Faute d’ancrage foncier et à la recherche de quoi vivre, ils sont pris dans un tourbillon urbain où ils investissent la ville comme un lieu de transit.

La rue, un espace de transition

L’analyse de ces trois attitudes, superficiellement opposées, conflue vers un point : une politique urbaine insuffisante. Elle montre aussi l’hétérogénéité sociale et culturelle des Bamakois influant sur les manières d’habiter. Au-delà de ces attitudes, Bamako est la capitale où une partie de la population cache la misère en gérant les pauvres par les dons sans jamais se préoccuper du phénomène de pauvreté. Quand les gens vont mal, ils choisissent des solutions faciles. Ici, le pauvre n’a pas de place. La structure sociale et le lieu d’habitation déterminent la position sociale. Un habitant de Sabalibougou n’est pas soumis aux mêmes indifférences sociales qu’un habitant de Badalabougou. Même si à Sabalibougou comme à Badalabougou, la rue reste un espace de transition entre vie privée et vie publique. Par exemple, une même personne peut appartenir à moult grins, investissant une facette de sa personnalité dans chaque grin. Ainsi va Bamako comme d’autres capitales ouest africaines qui ont les mêmes enjeux. C’est le cas de Lagos ou de Niamey.

Bamako, la locomotive du Mali

Dans un contexte de crise, l’urgence est d’agir par homéostasie pour rendre la capitale malienne habitable et attirante. Une ville où chacun peut s’épanouir et construire un avenir. Une ville où les enjeux de développement prennent leur sens dans un cadre, celui d’un projet urbain prospectiviste. Pour la renaissance de Bamako, un projet dans lequel s’articulent place des Bamakois et rénovation urbaine. Penser Bamako comme la locomotive du Mali. Un projet d’aménagement urbain où écoles, universités, hôpitaux, rues et habitats incitent à visiter Bagadadji, Bozola, Darsalam, Dravéla, Niaréla, Ouolofobougou, N’Tomikorobougou, etc. Une meilleure manière d’accroître le potentiel économique et touristique de la ville. Ni inféodation, ni spoliation, mais une politique urbaine avec zéro déchet pour une meilleure qualité de vie. La capitale du Musée de la femme et du monument de l’hospitalité mérite mieux. C’est notre responsabilité. Le sens commun nous l’oblige.

Écoutons Bal de Bamako de Mathieu Chedid, Toumani Diabaté et Fatoumata Diawara.

Une question avant le prochain décryptage :

Que peut-on faire contre le silence sur l’état de souffrance de Bamako ?

Rue par rue, quartier par quartier, commune par commune, un débat démocratique franc et libre entre les Bamakois pour construire des solutions durables ;

Dans le cadre d’un projet architectural, une politique urbaine cohérente et solidaire avec plus d’espaces verts et de zones piétonnes aménagés ;

Et vous, qu’en pensez-vous ?

 

Mohamed Amara

Sociologue      

 

Source : Mali Tribune

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