Mahamadou Djery Maiga, vice-président du Mouvement National de Libération de l’Azawad, a rendu l’âme à l’hôpital Mère-enfant le Luxembourg à Bamako, à la suite d’une courte hospitalisation dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 octobre 2018. Le MNLA a demandé une autopsie pour, dit-il, « lever toutes inquiétudes sur les causes de ce tragique événement ». Un communiqué qui ouvre la porte à des doutes car, en réalité, des réponses sont nécessaires à certaines questions qui étaient là concernant Mahamadou Djéry Maïga et sa mort subite ne fait qu’en rajouter.
Une vérité de Lapalisse : depuis un certain temps Mahamadou Djéry Maïga dérangeait au sein même de la CMA, notamment avec les positions conciliantes qu’il défendait jusqu’au sein du Comité de suivi de l’Accord (Csa). Au point que, s’il était très bien apprécié du côté de toutes les parties siégeant audit Comité de suivi, en contrepartie, il n’était plus dans le schéma d’une organisation comme le Hcua, qui vient d’ailleurs de faire sur opa sur la présidence de la CMA dont elle est une composante. Curieusement, cela s’est passé le même jour où Djéry rendait l’âme et aussi au moment où la gestion du dossier de la crise du nord du Mali entre dans une phase décisive.
Par ailleurs, en choisissant d’élire domicile à Bamako, Mahamadou Djéry Maïga n’était plus bien vu par les responsables de la CMA qui souhaitaient l’avoir tout le temps parmi eux, dans leur fantomatique pays de l’Azawad. Il lui a été demandé, à maintes reprises, de se replier sur Kidal. C’est tout un symbole pour la CMA qui a fait de Kidal le centre des décisions de son pays imaginaire de l’Azawad. Cependant, Djéry qui n’était pas de Kidal, mais de Gao, avait préféré élire domicile à Bamako où il se sentait certainement plus en sécurité. Que craignait-il alors ? Mystère et boule de gomme !
L’on sait aussi qu’il ne pouvait non plus vivre en toute sécurité dans sa localité d’origine, à Gao, où sa communauté le voyait finalement comme « un traitre » ayant pactisé avec le diable, pardon avec les Touaregs. Là, rejaillit la question de fond concernant cette crise du nord du Mali. Elle cache mal une problématique identitaire. Les Touaregs s’étant trop mis en avant pour la question du nord du Mali, irritent les autres groupes ethniques qui veulent affirmer, hic et nunc, qu’ils sont bien présents et personne ne peut et ne doit parler ou décider en leur nom. Le tollé provoqué par le projet de réforme administrative et territoriale en est une parfaite illustration.
Effectivement, cette grogne contre Djéry de la part de sa communauté d’origine a connu son paroxysme ces derniers temps, notamment avec le projet du découpage administratif, pour lequel il lui est reproché de ne pas défendre la région de Gao, se laissant manipuler par les Touaregs qui ne pensent et n’agissent que pour Kidal. Pourtant, selon des indiscrétions, le défunt n’était, pour autant, partant pour le projet de découpage administratif tel que présenté actuellement. Dès lors, il se trouvait entre le marteau et l’enclume car balloté entre deux intérêts contradictoires.
Il se trouve aussi que les choses bougent du côté des indépendantistes de Kidal, lesquels, appuyés par leurs amis de l‘extérieur loin d’en être de même pour le Mali, veulent faire monter la pression sur l’Etat malien afin d’user et d’abuser du prétexte de blocage de l’application de l’Accord, pour poser des actes qui remettraient en cause tous les espoirs de reconstruction de l’unité territoriale. Quel rôle attendu de Djéry à ce niveau ? Acceptait-il d’être le fer de lance de cette stratégie sordide, en tant que représentant de la CMA au Comité de suivi de l’Accord ou, au contraire était-il réticient et par conséquent disparaître pour laisser sa place à un Touareg bon teint, comme cela se susurrait depuis un certain temps dans les rangs d’une fange de la CMA ?
A vrai dire, l’Azawad, comme entité territoriale projetée, est un cocktail explosif. Ce qui se passe déjà au centre du pays en offre un avant-goût. En essayant de créer un nouveau territoire sur les flancs du Mali, afin de faire main basse sur les nombreuses richesses supposées, la nébuleuse de Communauté internationale s’engagerait dans une « soudanisation » du Mali aux effets regrettables, comme cela se passe actuellement au Soudan. L’erreur est certes humaine, mais y persister devient diabolique.
C’est pourquoi, une certaine prise de conscience commence à habiter un pan important des fauteurs de troubles au nord du pays, lesquels savent désormais que leur salut est dans le Mali unifié, même s’il faut profiter de la situation pour hâter le pas vers l’achèvement du chantier de la Décentralisation amorcée par le Mali depuis un peu plus de vingt ans. Et pourquoi pas, créer de micro-Etats déguisés en régions, selon l’influence de chaque tribu, comme ce qui se dessine à l’heure actuelle ! Et Djéry, qui n’était plus dans une logique indépendantiste, selon la position défendue ces derniers temps, y compris jusqu’au sein du Comité de suivi de l’Accord, ne pouvait donc plaire aux extrémistes et autres cousins connus comme des complices du fameux Iyad Agaly dans la déstabilisation, voire la dislocation du Mali.
S’y on y ajoute le fait que Mahamadou Djéry Maïga en savait un peu trop sur des négociations et tractations entre la CMA et les autorités maliennes, il devenait donc très gênant, dans le contexte actuel où sa communauté de base et sa localité d’origine, Gao, se dressent contre des projets de réformes qui ne profitent qu’à des communautés minoritaires au nord du Mali dont celles des thuriféraires de la CMA. En d’autres termes, l’engagement de Mahamadou Djéry Maïga dans la rébellion ne commençait-elle pas à s’émousser lorsqu’il a compris que des intérêts divergents motivaient les membres de la CMA à dominante touareg ?
Dans la vie, il y a des chemins sans retour. Comme le dit un de nos aînés, ces histoires de MNLA et CMA, c’est comme le « komo » dont la seule voie de sortie est la mort. Mahamadou Djéry Maïga est parti emportant tous ses secrets, mais a-t-il naturellement emprunté cette voie de sortie ou au contraire y a-t-il été poussé ? Il y a vraiment matière à investiguer car après le communiqué laconique du MNLA, demandant l’autopsie de son corps, il y a de quoi se demander : de quoi le MNLA a-t-il autant peur pour réagir ainsi ?
Karamoko
Source: Le Pays