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DECES DE L’EX-PRESIDENT IBK: Kankélétigui s’en va au moment où le Mali est à la croisée des chemins

Evincé du pouvoir en août 2020 par un groupe d’officiers dirigé par l’actuel président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) a tiré sa révérence à 76 ans, dans sa résidence personnelle, sise au quartier Sébénikoro de Bamako. Bien avant sa chute, on savait que la santé du natif de Koutiala était plutôt déclinante, surtout avec son hospitalisation à Paris en début 2016 pour y subir une intervention chirurgicale au cou, et son malaise vagal survenu au cours de la même année, lors de la Cop22, à Marrakech au Maroc. Mais c’est seulement après son départ du pouvoir que l’état de santé du septuagénaire va susciter de véritables inquiétudes, avec son séjour à la clinique Pasteur de Bamako en septembre 2020 à cause d’un accident ischémique transitoire qui annonce généralement un infarctus du myocarde, mortel dans la plupart des cas. Il y a deux mois, il était encore à Abu Dhabi aux Emirats Arabes Unis pour un contrôle médical. Celui qui fut tour à tour Premier ministre (février 1994- février 2000), président de l’Assemblée nationale (juillet 2002-septembre 2007) puis président de la République jusqu’en août 2020 à la faveur de la présidentielle de septembre 2013, a quitté l’arène politique en laissant derrière lui une société malienne fracturée, avec des affrontements fratricides entre des communautés, notamment au Centre du pays.

                Kankélétigui n’est pas le seul comptable de l’actuelle descente aux enfers du Mali

Sa gouvernance économique ne laissera pas non plus un souvenir impérissable à ses compatriotes, ses deux mandats ayant été entachés de scandales financiers et de catastrophe sécuritaire, sur fond de gestion patrimoniale du pouvoir. Mais Kankélétigui, comme l’appellent ses intimes,  n’est évidemment pas le seul comptable de l’actuelle descente aux enfers du Mali, ayant pris les rênes du pays au moment où tout partait déjà en vrilles, et entouré de civils ripoux et d’officiers militaires devenus ces dernières années les plus putschistes de la sous-région. Résultat : il a été contraint à une démission humiliante par la soldatesque, et donc à la remise des clés du pays à ses successeurs dans un contexte de chaos généralisé. Jusqu’aujourd’hui, ces derniers n’ont pas fini de solder les comptes ou de colmater les brèches laissées largement ouvertes par IBK et ses prédécesseurs, malgré leur volontarisme et le soutien populaire dont ils se prévalent. On pourrait même dire que la situation s’est dégradée davantage, avec l’avalanche de sanctions récemment prises par la CEDEAO contre le pays pour punir les dirigeants de la Transition qu’on soupçonne de velléités de fossilisation au pouvoir avec le mandat ad hoc de cinq ans qu’ils se sont offert. Pour dénoncer cette ‘’méchanceté’’ de la CEDEAO, Assimi Goïta et les siens ont fait envahir vendredi dernier, dans une ambiance de kermesse, les rues de plusieurs villes du pays par des dizaines de milliers de leurs compatriotes. Les manifestants ont énergiquement rejeté, par les slogans scandés, les mesures draconiennes prises par les dirigeants ouest-africains, dimanche dernier, contre le Mali, et ouvertement défié l’Organisation sous-régionale qu’ils exècrent désormais, parce qu’ils la considèrent à tort ou à raison comme la cinquième roue de la colonne que la France utiliserait pour déstabiliser davantage leur pays.

                Les différentes parties dans cette crise doivent mettre de l’eau dans leur…boisson

Et dans la forêt de pancartes qui se sont dressées à la place de l’Indépendance, chacun a fait assaut d’imagination pour produire des slogans percutants : ‘’Abas les laquais locaux de la France !’’  ‘’Que les marionnettes et leur marionnettiste aillent au diable’’ ‘’Assimi Goïta, repose-toi, on s’occupe de ça !’’ Ailleurs dans les autres agglomérations du pays, les bannières étaient tout aussi explicites sur le rejet des sanctions et sur le sursaut citoyen des Maliens qui disent être prêts à consentir n’importe quel sacrifice pour affronter ce problème d’une nature particulière, parce que touchant tout le monde sans exception. Esbroufe ? Propos altiers ? Populisme bas de gamme ? Volonté réelle d’aller à l’affrontement quoi qu’il en coûte ? Difficile de faire la part des choses, mais une chose est sûre : l’ampleur de la mobilisation en dit long sur l’impopularité des sanctions et sur le retentissant coup de Trafalgar diplomatique de la France, avec le refus catégorique de la Chine et de la Russie de faire endosser le blocus sous-régional du Mali par les Nations unies. Mais la marée humaine qui a répondu à l’appel à manifester de la junte et la bérézina de la France et de la CEDEAO à l’ONU, ne doivent pas être interprétées comme un blanc-seing accordé à Assimi Goïta et à Choguel Maïga pour qu’ils se taillent une transition à la mesure de leurs ambitions politiques. Les récriminations contre l’ancienne puissance colonisatrice et contre les pays voisins sont fondées dans une certaine mesure et bien compréhensibles, mais reconnaissons qu’adouber un régime putschiste pendant cinq ans de suite, déclencherait, ipso facto, une série de coups d’Etat dans cette région déjà chroniquement instable du continent. Ce serait un reflux démocratique lourd de dangers pour le développement et pour la paix sociale, d’autant que n’importe quel galonné pourrait se prendre à rêver de devenir président, simplement parce qu’il a la Kalachnikov comme arme de persuasion ou plutôt de dissuasion, et le sacrifice des libertés individuelles et collectives comme programme de gouvernement. C’est pour conjurer ce sort que la junte malienne est appelée au respect des délais d’une transition courte, en créant les conditions acceptables d’élections pluripartites. Qu’elle continue à ruer dans les brancards au nom de la souveraineté du Mali est légitime, mais attention aux prises de position aventuristes qui isoleraient pendant longtemps le pays, car l’Algérie, la Mauritanie et la Guinée qui gardent toujours leurs frontières ouvertes, ne sauraient garantir sa survie en raison de la distance qui les sépare, de l’insécurité sur les axes et de la détérioration avancée des routes qui les relient. Les différentes parties dans cette crise qui n’aurait pas dû avoir lieu, doivent mettre de l’eau dans leur…boisson, en faisant des concessions de part et d’autre, dans l’intérêt du peuple malien. L’Algérie ou la Mauritanie pourraient jouer les bons offices, et on espère qu’ils vont s’y atteler rapidement en trouvant une date consensuelle pour l’organisation des élections.

 

                                                                            « Le pays »

Source: lepays.bf

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