Ce livre est le douzième d’une série, quand les onze précédents titres ont été utilisés pour démontrer. Ici, il ne s’agit pas pour nous de démontrer encore, mais plutôt de montrer des faits et de laisser les participants les voir et les apprécier dans leur apparition. Donc ce livre prend à témoin le lecteur pour confirmer la réalité et l’exactitude de ce qui lui présenté au sujet de l’économie.
Ce qu’on a pensé de la monnaie ou ce qu’on a fait de la monnaie ne représente pas ce que fait la monnaie de manière spécifique. Nous allons partir de ce qu’on a pensé ou fait de la monnaie pour découvrir ce que fait la monnaie de manière spécifique. Ainsi, la monnaie est de fait considérée comme un objet de souveraineté et utilisée comme telle par le pouvoir public. Il en a été ainsi, avec le Roi au moyen-âge français de 1360 à 1795, ou avec les autorités françaises qui l’ont suivi, dans la France métropolitaine, ou dans les colonies et plus tard dans les pays africains issus de ces colonies.
Cependant, nous allons voir que des pays soucieux de leur souveraineté, comme les pays de l’Union européenne, se sont séparés de leurs différentes monnaies nationales, pour confier l’administration d’une monnaie, qui leur est commune, à une entité privée, la Banque Centrale Européenne, (BDE).
Malheureusement, avec une telle pratique, il aura échappé de faire le point des méfaits causés par l’usage de la monnaie comme un instrument de souveraineté.
Dans le cas spécifique des pays africains francophones, la monnaie n’y est connue qu’à travers ce que les autorités de France en ont fait au cours du temps ou continuent d’en faire. Partir de ce qu’on a fait de la monnaie, pour apprendre ce qu’elle fait spécifiquement, tel est l’objet de la Conférence, un des objectifs du livre. Il s’agira pour le lecteur d’observer attentivement les pratiques et de profiter des agissements différenciés des autorités pour apprécier les actes posés ou leur modification au cours du temps. Nous allons comprendre que l’homme a un savoir-faire naturel de la monnaie, qui correspond à l’usage spécifique de cet instrument.
La seule hypothèse de travail est l’existence d’une économie de liberté que nous avons considérée comme étant le prolongement d’une société apaisée, où l’on peut aller et venir librement, avec ses biens pour les échanger avec qui on veut et comme on le souhaite, sans crainte d’être objet de violence.
Lorsqu’un agent A envisage d’échanger son panier de poisson contre du mil détenu dans un sac par un agent B, A et B vont passer par une troisième chose, qui n’est pas le poisson ni le mil, mais par exemple le sel, pour trouver que le panier de poisson correspond par exemple à une calebasse de sel et que le double de cette même calebasse de sel correspond au sac de mil. Par conséquent, le panier de poisson va être échangé contre la moitié du sac de mil.
Etape 2. Le sel aura été utilisé comme intermédiaire pour rendre comparable la valeur que représente le panier de poisson avec la valeur que représente le sac du mil, une double comparaison qui assure l’égalité des valeurs des biens échangés.
Etape 3. Dans la pratique, le sel, (et même le drap) aura été utilisé comme intermédiaire pour servir d’instrument de mesure de la valeur commune des biens, que sont le panier de poisson et le sac de mil.
Il convient de noter que la limite de cette pratique de la mesure est que la valeur du sel est inconnue, ainsi que les valeurs des biens qu’elle a permis d’échanger, même si ces biens sont de même valeur.
Nous allons comment la monnaie permet de corriger cet inconvénient.
En effet, il est facile de se rappeler que la monnaie, un bien qu’on ne mange pas, que tout le monde reconnait et recherche comme étant tellement commode pour acquérir ce qu’on désire, joue merveilleusement bien ce rôle d’intermédiaire dans les échanges.
En effet, quand on veut échanger le bien A contre le bien B, il suffit d’échanger le bien A contre une quantité de monnaie, et muni de cette quantité de monnaie, on échange celle-ci contre la quantité nécessaire de la marchandise B. Ce rôle est connu sous l’appellation d’intermédiaire dans les échanges, malheureusement dans l’ignorance de la double mesure assurée par la monnaie.
En effet, il convient de comprendre que le premier échange du bien A contre la monnaie traduit la mesure de la valeur du bien A en quantité de la monnaie. Ainsi, cette mesure de la valeur du bien A est échangée contre la quantité de bien B de même valeur. Ce faisant, l’égalité est assurée entre les valeurs des biens finalement échangés, ce qu’Aristote indique en écrivant : « La monnaie dès lors, jouant le rôle de mesure, rend les choses commensurables entre elles et les amène ainsi à l’égalité : car il ne saurait y avoir de collectivité sans échange, ni échange sans égalité, ni enfin égalité sans commensurabilité. »
L’avantage de l’usage de la monnaie, par rapport à l’usage du sel comme instrument de mesure, est la quantité de monnaie est une grandeur connue. En effet, pour obtenir la monnaie, l’autorité monétaire fixe les conditions.
Par exemple, pour obtenir 1FCFA il faut donner au préalable à la France une quantité de devise de 0,02 FF, qui désigne la valeur du FCFA. Ainsi, la quantité de FCFA reçue en échange du bien A désigne en même temps la mesure de la valeur de ce bien A. Ce faisant les biens échangés l’un contre l’autre présentent la même valeur, qui est connue avec l’usage de la monnaie.
Les biens et services échangés sont produits principalement par les agents du secteur privé pour satisfaire leurs besoins de consommation et de profit. Ces produits sont en grande partie détruits lors de leur consommation. Ils sont exceptionnellement stockés, car l’intérêt de les produire est de les faire consommer.
De tels produits constituent des flux, si on en augmente le prix, le producteur gagne plus sur ces nouveaux produits et marginalement sur son stock, par conséquent, il pourrait donc produire plus. En revanche, si les prix baissent, certains entrepreneurs peuvent avoir des difficultés à couvrir les coûts et se retrouver en faillite. Par conséquent, si le prix baisse, la production peut baisser et entrainer une relative pénurie.
Ce FCFA désigne un papier émis dans un pays européen, la France, et circulant exclusivement dans les pays africains qui en sont utilisateurs. Ce papier représente la marque de la richesse qui a été préalablement déposée, le dépôt de garantie en devises, auprès de l’autorité monétaire du Trésor français.
Il représente la promesse de l’autorité qui l’a délivré, de restituer à son détenteur la richesse déposée auprès d’elle en échange de ce papier. On dit que le FCFA est une monnaie fiduciaire. Pour avoir la monnaie, tout le monde passe devant l’autorité monétaire, qui est le seul à fixer les conditions pour obtenir sa monnaie.
Quand on écrit 1 FCFA = 0,02 FF, cela signifie que tout personne devra déposer auprès du Trésor français une richesse en devises de 0,02FF pour avoir 1 FCFA. Ainsi, si la population apporte 20 000 FF de devises, elle obtient 1 000 000 de FCFA en circulation.
Le titulaire de cet argent va se présenter sur les marchés pour échanger cette somme d’argent contre des biens et services. Les nouveaux titulaires des montants d’argent vont à leur tour les utiliser pour avoir les biens désirés. Contrairement aux biens et services qui sont détruits et retirés de la circulation, les montants d’argent sont destinés à rester longtemps en circulation pour constituer des stocks.
Cependant, aussi longtemps que dure cette détention de la monnaie en circulation, la promesse de l’autorité qui l’a délivrée, de restituer à son détenteur la richesse initialement déposée auprès d’elle en échange de ce papier, reste entière.
Si la France décide que le dépôt en échange du FCFA n’est plus de 0,02 FF mais 0,03 FF, cela signifierait que la quantité de 1 000 000 FCFA en circulation vaut désormais comme richesse en dépôt une valeur de 30 000 FF. Par conséquent, cela signifie que la population aura gagné de la richesse, sans aucun effort particulier ayant occasionné ce gain qui s’élève à une richesse supplémentaire de : 30 000 FF – 20 000 FF = 10 000 FF.
Nécessairement, la question se pose, de savoir, qui va payer cette richesse supplémentaire à cette population africaine ? Ce ne serait sûrement pas le Trésor français, dont le rôle est de faire gagner l’argent à la France.
Ce faisant, il apparaît que le dépôt en échange du FCFA ne peut pas augmenter de valeur, car cela signifierait que la population aura finalement déposé plus de richesse que dans la réalité, quand la France augmenterait inutilement et sans raison sa dette vis-à-vis de la population africaine, ce qui, évidemment, n’a visiblement pas de sens.
Dans la même hypothèse que précédemment, avec une population qui dispose d’un montant de 1 000 000 FCFA avec 1 FCFA = 0,02 FF examinons si la décision peut être prise de porter le dépôt de richesse contre le FCFA à 0,01 FF, accusant donc une diminution.
Dans la même analyse, cette décision indique que la population qui avait déposé une richesse de 20 000 FF pour disposer de 1 000 000 FCFA auprès de la France ne dispose plus auprès de celle-ci que de 10 000 FF.
Donc, de façon symétrique à la proposition précédente, il apparait que la population aura perdu la moitié de cette richesse qu’elle avait déposée à l’encaissement auprès du Trésor français.
Par conséquent, le Trésor français va se trouver héritier automatique de cette manne d’argent que la population africaine perd, alors que celle-ci n’aura commis aucune faute ou infraction qui aurait pu lui couter une telle fortune, sinon infortune.
Il est donc clair, qu’il s’agirait là également d’une expropriation par abus de confiance contre les populations africaines, qui auront travaillé pour obtenir leur richesse pour la déposer au Trésor français, sous le respect de la confiance selon laquelle la valeur assignée à la monnaie fiduciaire du FCFA est bien de 0,02 FF.
Par conséquent, ce gain du Trésor français ne peut être que relatif à la violation de cette relation de confiance ayant entrainé ce gain aussi injuste, inéquitable qu’injustifié. Un tel gain ne résulte point d’une politique publique !!
Il faut rappeler et constater que le Royaume de France avait un système monétaire bâti sur deux monnaies : la livre tournois, monnaie fictive définie en quantité d’or, soit par exemple à 2,5 grammes d’or fin et la seconde monnaie, la monnaie matérielle circulante, appelée l’écu, qui était reliée à la première, soit par exemple, 1 écu = 2 Livres tournois.
Supposons que le système, après un temps de fonctionnement, dispose d’un tonne d’or en circulation dans 200 000 écus de 5 grammes d’or.
Pour satisfaire en toute autorité son besoin de financement, le Roi décidait de définir à la baisse son écu, en le ramenant, pour l’exemple, de 2 Livres Tournois à 1,8 Livre Tournois, en ramenant donc le dépôt de garantie de 5 grammes d’or à 4,5 grammes d’or.
Ce faisant, il retirait les pièces d’écu de la circulation et les refrappait en conformité avec la nouvelle définition de 1 écu = 1,8 Livre Tournois, soit donc 4,5 grammes d’or. En restituant à leurs propriétaires les nouveaux écus en échange des anciens écus, le Roi gagnait 0,5gr d’or par écu, soit 100 000 gr d’or sur les 200 000 écus en circulation. Ce gain était appelé droits de seigneuriage.
Sur les marchés, les prix connaissaient des bouleversements et la population, qui s’en révoltait, était réprimée avec violence pendant plus de 400 ans de 1360 jusqu’à la révolution française de 1789.
Ainsi, de proche en proche, le dépôt en échange de l’écu est continuellement réduit, pendant plus de quatre siècles. Or, nous avons vu que le dépôt de garantie en échange de l’écu ne doit pas diminuer au risque d’exproprier la population.
A suivre
Dr. Lamine Kéita
Auteur d’une douzaine de livres d’économie, dont la plupart sont traduit dans plus de six langues européennes
Source : Mali Tribune