« Il est inacceptable de constater qu’à l’atelier de validation des TDR, il eut une sélection de tripatouillage vide de tout sens »
« Les richesses de la terre malienne et de ses hommes sont séculaires et font la convoitise du monde entier. Un des rois de l’empire du Manding, Kankou Moussa a effectué un pèlerinage inédit. Sur tout son parcours, il s’est montré très généreux en faisant des cadeaux avec l’or de son empire. Cette attitude exhibitionniste a fait du Mandingue (Soudan) ou « bled el soudan » la convoitise des Arabes et des Européens. La diversité de la richesse du Manding a fait de cette terre le « pré carré » des « prédateurs » des richesses de cette partie du monde.
Pays de rencontre et de civilisation, le Manding devenu Mali a toujours été au centre des échanges commerciaux et de la vie économique de l’espace sahélo-saharien. Ces échanges commerciaux se sont bâtis sur l’intégration et la complémentarité des courants d’échange entre le Nord et le Sud, l’ouest et l’Est.
À l’indépendance en 1960, le Soudan Français devient la République du Mali. Il a une longue et vieille histoire avec une population plurielle constituée d’une diversité d’ethnies parmi lesquelles il n’y a avait pas eu des difficultés du vivre ensemble.
Depuis son indépendance en 1960, le Mali a souvent été confronté à des difficultés : sécheresses et famines récurrentes, dictatures, coups d’État, des rebellions touaregs… et dans ces quelques années islamisme djihadisteavec l’arrivée d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Cette instabilité chronique et la crise actuelle ont de multiples causes, lointaines et/ou récentes.
Les événements de mars 1991 ont ouvert la voie au pluralisme politique suivi d’une liberté d’expression pour des besoins de justice sociale. Le pays rentre dans l’ère démocratique et les citoyens ont l’occasion de porter librement leur choix entre plusieurs postulants à la magistrature suprême du pays et aussi choisir leur représentant à l’hémicycle. Ce fut des moments de joie.
En mars 2012 d’autres événements se produisirent et mirent le Mali dans une situation chaotique. Elle est le produit de la conjonction de facteurs internes (Mouvements de revendication touareg et la lente, mais constante décomposition de l’État fruit de la mauvaise gouvernance), mais aussi de facteurs externes, à commencer par l’installation, tolérée par le pouvoir, dans le nord du pays, de groupes venus de la Libye, suite à la chute du guide libyen.
La situation actuelle est dramatique et inédite. Le Mali vit la dégradation de ses valeurs historiques culturelles et sociétales. Le citoyen est abattu comme un « animal ». Ôter la vie ressemble à un exercice de jeux d’enfants quand ils pourchassent leurs proies préférées « les margouillats ». Le Pays rentre dans un tournoi de tests qui, du coup, occasionnent des préjudices qu’il ne méritait pas. Notre patrimoine commun est sur la « table chirurgicale » des hommes qui ne veulent pas connaitre sa valeur et sa place dans l’humanité.
Ce sont ces moments pénibles que nous vivons. C’est pourquoi nous sommes dans l’obligation, dans l’exigence de l’histoire de nous poser des questions :
- Que voulons-nous ?
- Le Mali !
- Quel Mali ? Le Mali, notre Patrimoine commun.
Tant de questions se bousculent dans nos têtes au moment où les réflexions sont menées à tous les niveaux. Tant de pourquoi et de comment. Unis et dignes de notre pays, de son histoire, les Maliennes et les Maliens surmonteront cette pente si raide. Fiers de notre identité, malienne, toutes ethnies confondues, tout dédain et toute haine à part, nous réussirons si nous le voulons.
De nos jours, à regarder de près, la souveraineté, l’autorité de l’Etat sont en interrogation. L’intégrité du territoire est à géométrie variable selon la localité dans laquelle on se trouve.
Notre devise : « Un Peuple-Un But-Foi » est-elle une réalité pour nous, citoyens de ce temps ? Tous les maux triomphent sur les valeurs positives. Toutes les actions qualifiées de honteuses, de déshonneur font la fierté quand leurs acteurs les pratiquent. Le civisme est enterré avec l’appât du gain.
On assiste publiquement à la classification de deux catégories de citoyens. Ceux qui sont nés et éduqués dans le « coton » avec la main dans la « gourde du miel » ne se souciant d’aucune difficulté. Face à eux, les citoyens nés et éduqués sur les « rochers » et avec la main dans la « gourde du fiel » assis pour souffrir sans mots dire. Acceptons de souffrir sous le poids de l’humilité en empruntant l’expression chez le poète David Diop.
La mauvaise gouvernance a offert des opportunités aux acteurs du système au point de penser qu’elle est légitime. Les maux s’empirent du jour au jour. Seuls sont « heureux » ceux qui se trouvent sous la douche du « Seigneur » du jour, mais quel bonheur ?
À ces maux aux dimensions incalculables s’ajoute une insécurité atroce. La partie septentrionale des régions du sud, le centre (région de Mopti) jusqu’au Nord, la population vit dans l’angoisse. Les habitants dorment d’un seul œil et se demandent de quoi demain sera fait. Les activités des populations sont au ralenti, voire au point mort ce qui présage un retard dans le développement.
Face aux réalités alarmantes, Maliennes et Maliens sont dans l’obligation de grandir dans l’amitié, dans la citoyenneté y compris avec ceux qui pensent différemment. Réfléchir et penser différemment sont aussi constructif.
La mauvaise gouvernance crée l’indignation des paisibles populations face à la forfaiture des « illuminés » qui ne cherchent qu’à servir des causes funestes. Au bout de cette indignation se trouve la résistance, la détermination à passer de la souffrance au combat pour la paix. Aux générations à venir, laisser un exemple de courage et de dévouement pour la patrie, un exemple de sacrifices consentis pour rendre meilleur notre Mali est un devoir.
La diversité multiple des maux crée un malaise social, des signes de pauvreté et beaucoup d’autres signes qui déstabilisent le tissu social. D’où la nécessité de créer un cadre de se parler entre citoyens, de dialoguer en famille afin que germent les prémices de la paix et du mieux vivre ensemble. Opposition, majorité, la société civile et les leaders des confessions religieuses sont tous unanimes pour un parler franc, « un dialogue » qu’il soit « politique » ou « national » inclusif. Un Dialogue national inclusif a-t-on conclu le 16 septembre 2019.
L’essentiel n’est pas de convenir d’une appellation de terminologie, mais de convenir d’un contenu essentiel, d’un contenu malien. Tous les acteurs du Dialogue national inclusif ont la charge intellectuelle de garder en mémoire le préambule de notre constitution de1992. Dès que ce rappel sera dans nos mémoires, majorité, opposition, société civile, religieux, chacun en fonction de sa place saura agir pour sauver notre héritage commun : le Mali.
Les craintes
« Quand des hyènes et des chèvres doivent cheminer ensemble, il y a lieu d’avoir peur ». En observant la situation, les craintes sont multiples. Dans certains pays la tenue du dialogue n’a pas tant souffert. La notion de la Nation a eu raison du fait partisan. Le Mali est à l’époque où il n’y a pas de la place pour la majorité, ni de l’opposition ni de société civile ni de leaders religieux, mais la place pour les Maliens qui veulent sauvegarder le Mali. La campagne est finie, les meetings sont terminés. Place aux hommes qui représentent et non qui occupent. Engageons-nous tous à bâtir l’histoire de notre temps sur les rochers de la paix et du vivre ensemble.
Les sages qui ont fait l’objet de la confiance du Président de la République attirent sur eux le regard des 18 millions des Maliens. Les destinées du Mali sont entre leurs mains. Ils sont remplis de la sagesse qu’il faut pour conduire sagement le processus. Votre parcours témoigne qu’il ne vous manquera pas le talent pour convaincre qui de droit, celui-là même qui vous a mis en mission. La prise en compte des propositions venant de l’opposition, de la majorité, de la société civile sont autant de facteurs de la réussite du Dialogue surtout qu’il est national.
Les propositions venant de l’opposition ne doivent pas souffrir du fait qu’elles émanent de l’opposition, mais du fait qu’elles font progresser vers la paix, le vivre ensemble. Elles ne portent aucun germe qui manque à la cohésion sociale, au mieux vivre ensemble.
- Évaluer l’utilité de tous les participants et allier l’inclusivité à la représentativité paritaire, tant du côté de la majorité et de l’opposition que de la société civile, en évitant la surreprésentation de l’État qui devrait se limiter strictement à la facilitation logistique, sécuritaire et budgétaire ;
- Préciser à l’avance le processus décisionnel qui devrait être sanctionné par une majorité qualifiée des trois quarts (3/4), à défaut de consensus sur un point donné ;
- Débattre sur les raisons des retards et blocages de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger et, le cas échéant, envisager sa relecture ;
- Apprécier l’opportunité et la pertinence de la révision constitutionnelle en ce moment en raison, par exemple, de l’absence de l’État à Kidal et dans bien d’autres localités du Centre et du Nord du pays, de la persistance voire l’aggravation du phénomène d’insécurité et de la nécessaire mise en place des Règles et mécanismes permettant la transparence des consultations électorales ou référendaires ;
- Affirmer clairement le caractère exécutoire et contraignant des Résolutions adoptées ; et, enfin, mettre en place le mécanisme d’un Comité de Suivi indépendant et participatif.
À ces points si utiles ne point perdre de :
- Réhabiliter nos valeurs sociétales dans toutes ses dimensions,
- Permettre aux maliens de s’approprier des vrais problèmes du Mali.
Comment faire pour une participation peu critiquable
« sigi ka kuma ye damu yen » « S’asseoir et parler est tout un plaisir » propos des sages maliens.
Voilà une expression que nos différentes communautés se disaient pour se réconcilier.
Il est inacceptable de constater qu’à l’atelier de validation des TDR, il eut une sélection de tripatouillage vide de tout sens. Des participants venus de tous les bords sans légitimité démocratique. Le Mali actuel est au-dessus de cette pratique. Le Mali restera le seul maître de son histoire.
Fort de tout ce qui précède, c’est de faire un « dialogue national inclusif » dans toutes ses dimensions sans tabou aucun. Œuvrer pour la sauvegarde du Mali qui est un devoir de citoyenneté.
Le responsable doit être irréprochable, un homme sobre, raisonnable équilibré, accueillant, capable d’enseigner, ni querelleur ni cupide. Telle devrait être la devise des organisateurs de ce « Dialogue National Inclusif »
Le jeu de cache-cache des gens mauvais ne doit pas nous enlever l’espoir de vivre dans un Mali meilleur et de construire par nos actions individuelles et collectives ce Mali que nous réclamons de tous nos vœux.
Reconnaitre les qualités de son opposant est loin d’être une faiblesse, mais aussi une qualité. Opposition ou majorité, Société civile et leaders religieux, il s’agit de sauver le Mali, notre patrimoine commun que nul n’aura le droit de sacrifier sur l’autel d’aucune divinité.
Secrétaire Général du Parti Mouvement pour un Destin Commun (MODEC), David COULIBALY
Source: lepays