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Crise sociopolitique : Appels à l’apaisement

Dans son message à l’occasion de la Tabaski, le président Ibrahim Boubacar Keïta a appelé nos compatriotes à regarder dans la même direction. L’imam Mahmoud Dicko a, lui aussi, exhorté au rapprochement des cœurs. Tous les deux répondent aux aspirations profondes des Maliens à la paix et à la quiétude

 

Aussi bien du côté du chef de l’État que de Mahmoud Dicko, figure de la contestation qui secoue notre pays depuis juin, le ton est plutôt à l’apaisement. À l’occasion de l’Aïd el-Kébir, le président Ibrahim Boubacar Keïta a souhaité que «tous les enfants de ce grand pays de foi et de labeur regardent dans la même direction».

Comme en échos, l’imam Dicko, après avoir dirigé la prière dans sa mosquée, a estimé que c’est un devoir citoyen et religieux pour tout un chacun de se «faire violence sur soi… pour que les cœurs se rapprochent et que nous puissions vraiment bâtir ensemble notre pays dans la paix, la prospérité et la quiétude». Le leader religieux est allé plus loin, en émettant le vœu de voir le peuple trouver les «ressources nécessaires pour chasser les démons de la division, de la discorde…». Pour autant qu’il soit sincère, l’on doit le couvrir de compliments. Car, aujourd’hui, la grande majorité des Maliens n’en demandent pas mieux.

À espérer que cet appel de l’imam Dicko sera entendu par l’aile dure du M5-RFP qui entend contrarier dans les rues, le plan de sortie de crise proposé par les dirigeants ouest-africains. Ces derniers avaient exclu, à l’issue du sommet d’il y a une semaine, le départ forcé du président de la République et annoncé une série de décisions à mettre en œuvre au plus tard le 31 juillet. Les dirigeants de la Cedeao avaient aussi lancé un appel à «l’union sacrée» des Maliens pour que le pays ne tombe pas dans le chaos.

À ce jour, seules les décisions dont l’application relève de la volonté du président de la République, connaissent un début d’exécution. Ibrahim Boubacar Keïta a, en effet, nommé les membres du gouvernement restreint qui sera «bientôt complété» et réuni le Conseil supérieur de la magistrature pour la recomposition de la Cour constitutionnelle.

Le Premier ministre, Dr Boubou Cissé, a lancé un appel pressant, mardi dernier, à l’opposition, ajoutant qu’elle était «fortement désirée» au sein du gouvernement d’union nationale. Il s’est ensuite rendu au domicile de l’imam Mahmoud Dicko pour lui demander de «s’impliquer» afin que le M5-RFP accepte cette main tendue.

Du côté des contestataires, les lignes ne bougent pas. Certains dirigeants de la contestation campent sur leur position en rejetant en bloc les recommandations de la Cedeao et en appelant à la reprise des manifestations de rue dès la fin de la trêve de la Tabaski.

Pour justifier leur décision de reprendre les troubles, ils se sont plutôt évertués à prouver la non-conformité des décisions de l’organisation sous-régionale avec la Constitution malienne. Fait notable : la CMAS qui se réclame de l’imam Dicko s’est démarquée de la décision de poursuivre les troubles à l’ordre public, estimant que la lutte a permis d’obtenir des résultats qu’il faut consolider avant de poursuivre les négociations. De leur côté, les députés dont l’élection est contestée refusent de démissionner comme le leur ont demandé les dirigeants ouest-africains, apportant ainsi de l’eau au moulin du M5-RFP. Cela au grand dam de la majorité présidentielle, censée exercer la pression nécessaire à la concrétisation de cette volonté des chefs d’État.

Nœud gordien– Autant dire que cette crise sociopolitique est loin de connaître son épilogue. Son nœud gordien étant justement la situation de l’Assemblée nationale, où siègent une trentaine de députés «nommés» (selon les contestataires) par la Cour constitutionnelle à l’issue des élections législatives de mars-avril dernier.

Après la proclamation des résultats, les candidats qui s’estiment lésés et leurs soutiens n’avaient pas tardé à porter leur colère dans la rue, occasionnant dans certaines villes des scènes de violences.

La légitimité de leur revendication est donc tacitement reconnue par la Cedeao qui a, par conséquent, exigé la «démission immédiate» des députés contestés, y compris le président du Parlement, Moussa Timbiné, et l’organisation de législatives partielles pour trancher ce différend. Sauf que les concernés ne voient pas les choses sous cet angle.

«Nous nous sommes concertés et nous n’allons pas démissionner. Notre Constitution est violée par la déclaration de la Cedeao», a soutenu la semaine dernière devant la presse Gouagnon Coulibaly, l’un des députés contestés. Désormais, les regards sont de nouveau tournés vers l’organisation sous-régionale, dont les chefs d’État avaient en outre brandi la menace de «sanctions contre ceux qui poseront des actes contraires au processus de normalisation de cette crise».

La Cedeao va-t-elle mettre sa menace à exécution si la contestation lançait ses troupes dans les rues ? Nous le saurons dans les jours à venir.
En attendant, l’on peut déjà qualifier l’appel de l’imam Mahmoud Dicko à l’apaisement, d’acte de raison. Le Mali a plus besoin de cohésion en ces moments où la moindre étincelle peut se muer en un immense incendie dont les conséquences peuvent facilement être imaginées. En effet, ils sont nombreux et aux aguets, les pêcheurs en eaux troubles. Les actes de vandalisme engendrés par la manifestation du 10 juillet, sont édifiants.

Issa DEMBÉLÉ

Source : L’ESSOR

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